Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

économique (politique) (suite)

Le deuxième moyen indirect utilisé plus largement à l’époque contemporaine est la politique fiscale. L’impôt est aussi ancien que la monnaie. S’il a toujours été utilisé comme moyen de procurer des ressources à l’État ou à certaines collectivités, son rôle en tant qu’instrument de politique économique n’a été discerné que récemment. Dans certains pays, comme la Grande-Bretagne, il est devenu prépondérant : la fiscalité constitue l’un des instruments essentiels de la politique économique. Cet instrument a été plus tardivement utilisé en France. L’action de la fiscalité s’exerce dans trois domaines différents : redistribution des revenus (surtout par le canal de l’impôt sur le revenu à taux fortement progressif, mais seulement dans la mesure où des franchises fiscales de droit ou de fait ne sont pas accordées à une partie importante de la population, comme les agriculteurs, ou à des revenus, comme les profits de la spéculation boursière) ; orientation de la dépense (par exemple, le législateur encourage par des détaxations l’épargne qui se destine à l’investissement) ; action sur le revenu global (par exemple, en cas de dépression, allègement de certains impôts indirects pour encourager la consommation et de certains impôts directs pour stimuler les investissements).

La politique sociale représente le troisième moyen indirect de la politique économique. Bien que ses objectifs apparaissent très clairement, son rôle en tant qu’instrument de la politique économique est en fait rarement saisi, d’autant qu’aux yeux du plus grand nombre cette politique vaut comme fin. Elle est cependant devenue, avec la Sécurité sociale, un moyen très puissant. Son action s’exerce sur la répartition des revenus (la Sécurité sociale est un énorme mécanisme de transferts) et sur leur utilisation (affectation des revenus vers un type particulier de consommation).

Quant aux moyens directs de la politique économique, ils relèvent soit de l’intervention, soit de la planification. Dans l’un et l’autre cas, ils portent soit sur les prix et, d’une manière générale, sur les revenus (dans une perspective de lutte contre l’inflation), soit sur les quantités produites ou consommées, voire sur la quantité de travail exigée.

L’intervention se distingue de la planification en ce qu’elle peut porter sur un ou plusieurs points sans toucher à l’ensemble des secteurs économiques, alors que la planification ne mérite ce nom que si elle englobe l’ensemble du système économique. La politique d’intervention, appelée interventionnisme, est de tous les temps. Il n’est aucune époque de l’histoire où l’État ne soit intervenu en fait en matière économique à quelque degré, ne fût-ce que conformément à l’ordre public. Toutefois, depuis la fin du siècle dernier, ces interventions se sont progressivement multipliées et étendues, et en particulier en France.

Les interventions en matière de prix et de revenus sont, en apparence, les plus bénignes, bien qu’elles agissent en fait indirectement, même si elles ne visent pas expressément à le faire, sur les quantités offertes et demandées. L’intervention en matière de prix peut revêtir des formes très souples (prix minimal ou prix maximal) ou très strictes (blocage des prix des produits considérés comme essentiels). Quant à l’intervention en matière de salaires, elle peut consister soit à fixer des rémunérations minimales (cas du salaire minimum interprofessionnel garanti), soit à bloquer les salaires (cas en période d’inflation et de plein-emploi, où les entreprises, désireuses de conserver leur main-d’œuvre et assurées de réincorporer dans leur prix de vente n’importe quelle hausse de salaires, sont incitées à la surenchère : la préoccupation de l’État est alors de maintenir le pouvoir d’achat réel de l’ensemble de la population et de prévenir l’hyperinflation). Cependant, devant les résistances des salariés en matière de blocage des salaires, la politique sur ce point a pris une forme nouvelle durant les années 60 avec le terme même de politique des revenus : il s’agit de faire accepter aux salariés que le niveau des rémunérations, salariales et non salariales, progresse en accord avec les taux de croissance réels de l’économie et avec ceux d’accroissement des investissements et de la consommation privée. Aux yeux de beaucoup, cette politique n’a que des chances très restreintes de réussite.

Les interventions en matière de quantités physiques se proposent d’agir soit sur la production (dans le dessein de la développer à travers un système d’aides ou d’incitations), soit sur la consommation (en vue surtout de la freiner, en restreignant par exemple les facilités de crédit ou en aggravant la fiscalité).

La planification représente l’une des grandes innovations récentes en matière de politique économique. Elle se distingue de l’intervention en ce qu’elle répond à une conception d’ensemble que l’interventionnisme ne comporte point. Elle s’en distingue aussi en ce que tout est sacrifié à la réalisation des objectifs. Dans une très large mesure, et tout au moins pour certains pays, on estime qu’elle a pris une grande part (cas de la France) dans la croissance et le développement de l’économie, en suscitant chez les entrepreneurs de nouveaux comportements favorables à l’expansion de la production. Mais on a pu faire remarquer, également, que la planification, poussée dans sa logique extrême, réclame et conduit à des réformes de structure, comme la modernisation des circuits de distribution des produits ou encore la reconversion de certaines industries en perte de vitesse (ce qui n’exclut pas des regroupements ou des fusions). Il est même un courant de pensée qui soutient que l’efficacité de la politique économique dépend de réformes préalables de structure, sans lesquelles elle ne peut aboutir.

G. R.

➙ Bien-être / Budget / Capitalisme / Comptabilité nationale / Consommation / Croissance économique / Développement / Échanges internationaux / Emploi / Impôt / Monnaie / Nationalisation / Planification / Revenus / Sécurité sociale.