Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

éclectisme (suite)

Pourtant, l’éclectisme débute avec une certaine dignité à l’époque de Louis-Philippe, dont il reflète l’esprit « juste milieu ». On tend alors à concilier classicisme et romantisme : un Paul Delaroche (1797-1856) s’y emploie en traitant, avec un métier assez terne, des sujets d’histoire au caractère théâtral (les Enfants d’Édouard, 1831, Louvre) ; il entre à l’Institut, où Delacroix n’aura un fauteuil qu’après sa mort. De beaux artistes ont une part d’éclectisme au principe de leur œuvre : ainsi Chassériau*, élève hétérodoxe d’Ingres, ainsi les meilleurs sculpteurs du siècle, tenus, de Rude* à Carpeaux* et à Dalou*, par une certaine permanence de leur technique. Des hybrides contre nature s’engendrent les uns les autres : entre la « grande manière » d’un Léon Cogniet (1794-1880) et le réalisme de Courbet, entre Couture et Manet ensuite, entre tradition du décor monumental et impressionnisme, puis cubisme, au xxe s. — jusqu’à ce que l’ordre bourgeois, après la Seconde Guerre mondiale, bouleverse les termes du débat en paraissant s’annexer toutes les avant-gardes.

Aux premiers engouements « historiques » du xixe s. — Antiquité, Moyen Âge — en succèdent d’autres, allant vers la facilité du goût. Si les préraphaélites* anglais échappent au simple éclectisme par la sincérité de leur aspiration symboliste, il n’en est pas de même de ces sculpteurs français surnommés les florentins, qui ne retiennent du quattrocento que son élégance gracile : ainsi Paul Dubois (1829-1905) et son Chanteur florentin (1865), reproduit en de nombreux exemplaires et suivi, après que l’artiste eut atteint le faîte des honneurs publics, par la Jeanne d’Arc équestre, très orfévrée, de Reims. Le goût « pompéien » succède chez certains peintres à la sévérité de l’école davidienne. En imitateur scrupuleux, Paul Baudry (1828-1886) se met à l’école du xvie s. vénitien pour son grand décor allégorique du foyer de l’Opéra de Paris. Le destin de tels artistes, « doués mais dociles, nous prouve, écrivait Pierre Francastel, l’impossibilité pour l’art de se placer, à quelque époque que ce soit, sur le terrain de la conciliation, de l’éclectisme ».

Thomas Couture

(Senlis 1815 - Villiers-le-Bel 1879). Élève, très jeune, de Gros* pour le portrait, de Paul Delaroche pour la grande composition, il obtient un second prix de Rome en 1837. Parmi ses envois au Salon, l’État acquiert l’Amour de l’or (1844, musée de Toulouse), puis les Romains de la décadence (1847, Louvre). Cette vaste composition, qui lui vaut la célébrité, figurera aux Expositions universelles de 1855 et de 1889, à Paris. En 1855, Couture expose également le Page au faucon ; auparavant, il a décoré la chapelle de la Vierge de l’église Saint-Eustache. Puis, aigri de certaines critiques — alors qu’il se croit le plus grand peintre vivant—, il quitte Paris pour Villiers-le-Bel (Val-d’Oise). De même qu’il n’a pu, sous la IIe République, terminer ses Enrôlements volontaires en 1792, il laissera inachevées en 1870 les deux grandes toiles se rapportant à des événements de son règne que lui a commandées Napoléon III.

Académiste qui prétend rivaliser avec les Vénitiens, ennemi de Delacroix*, mais sacrifiant au romantisme, il n’a que sarcasmes pour Millet*, pour Courbet* et pour le réalisme, « cette souillure de l’art, cette lèpre qui détruit toute beauté, cet art mécanique, d’œil et de main [...] ». Sa devise est « idéal et impersonnalité », et pourtant Théophile Gautier, à propos des Romains de la décadence, le déclare « naturellement trivial, à la façon des maîtres plus curieux du vrai que du beau, du réel que de l’idéal ». La vérité est qu’il sait observer : ses portraits, ses études à la touche souvent robuste et directe en témoignent. Mais la notation sincère se perd dans le processus d’idéalisation et de composition artificielle des grandes toiles. Comme professeur, et avec des méthodes voisines de celles d’Ingres, Couture rencontra un extraordinaire succès dans les années 1847-1856 : son atelier, par lequel passèrent Puvis* de Chavannes et Manet*, accueillit de nombreux étrangers : Allemands, comme Anselm Feuerbach (1829-1880), Anglais, Américains, Italiens...

G. G.

➙ Académisme / Architecture / Décoratifs modernes (arts).

 J. Selz, Découverte de la sculpture moderne (les Fauconnières, 1963). / P. Collins, Changing Ideals in Modern Architecture, 1750-1950 (Londres, 1967). / R. Huyghe et J. Rudel, l’Art et le Monde moderne, t. I : 1880-1920 (Larousse, 1969). / R. Wagner-Rieger, Die Wiener Ringstrasse (Graz, 1969).

éclipse

Phénomène astronomique provoquant la disparition d’un astre de la sphère céleste lorsqu’un autre astre vient s’interposer entre le Soleil et l’astre considéré.


On distingue plus particulièrement :
— les éclipses de Soleil, lorsque la Lune vient s’interposer entre un observateur terrestre et le Soleil ;
— les éclipses de Lune, lorsque cette dernière traverse le cône d’ombre produit par le Soleil et la Terre.

On peut également considérer les éclipses des satellites de certaines planètes (spécialement Jupiter), lorsqu’un de ces satellites traverse le cône d’ombre produit par le Soleil et la planète elle-même. Seules les éclipses de Soleil font intervenir la position de l’observateur à la surface de la Terre, les autres étant en quelque sorte des phénomènes absolus.


Mouvements apparents combinés de la Lune et du Soleil

Le mouvement apparent du Soleil autour de la Terre s’effectue dans un plan à peu près fixe (écliptique) faisant avec l’équateur céleste un angle d’environ 23° 27′. Le plan de l’orbite apparente de la Lune fait avec le plan précédent un angle α d’environ 5°, compris entre 5° 01′ et 5° 18′. La durée de révolution de la Lune autour de la Terre est de 27,32 jours environ. Mais la valeur apparente de cette révolution, dite lunaison, est de 29,530 6 jours (soit 29 j 12 h 44 mn). Le plan de l’équateur coupe l’écliptique suivant la ligne des équinoxes NN1. Le point N, ou nœud de l’écliptique ou encore point vernal, n’est pas rigoureusement fixe : il fait le tour complet de l’écliptique en 25 783 années. L’année tropique, qui sépare deux passages du Soleil par le point N mobile, vaut 365,242 2 jours solaires moyens. Elle est plus courte de 20′ de temps que l’année sidérale. Le plan de l’orbite lunaire coupe le plan de l’écliptique en N″N″1. L’arc NN″, longitude du nœud ascendant de l’orbite lunaire, est représenté par Ω. Le point N″ rétrograde sur l’écliptique et fait un tour en 18 ans 2/3. L’inclinaison ω′ de l’orbite lunaire sur l’équateur varie de (ω – α) à (ω + α), soit de 18° 09′ à 28° 45′, et la distance NN′ varie de – 16° 40′ à + 16° 40′. Le grand axe de l’orbite lunaire est animé d’un mouvement dans le sens direct de 6′ 40″ par jour. De ce fait, la Lune repasse par le sommet de son orbite au bout de 27,554 5 jours (au lieu de 27,32 jours). Le demi-diamètre apparent du Soleil varie de 15′ 45″ à 16′ 16″ et celui de la Lune de 14′ 50″ à 16′ 46″. Il peut donc y avoir, suivant la circonstance, éclipse totale ou annulaire du Soleil par la Lune. Lorsque les trois centres ne sont pas exactement alignés, il peut y avoir éclipse partielle.