Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

échecs (suite)

Au xviiie s., les échecs prennent un nouveau départ grâce au Français François André Danican Philidor (1726-1795), qui substitue à l’empirisme de ses devanciers une véritable méthode scientifique fondée spécialement sur la valeur potentielle des pions. Après son écrasante victoire sur le fort joueur syrien Philippe Stamma à Londres, en 1747, Philidor affirme sa suprématie mondiale durant près de cinquante ans où il remporte victoire sur victoire.

Le sceptre français des échecs continue d’être brillamment défendu par Alexandre-Louis-Honoré Lebreton Deschapelles (1780-1847) jusque vers 1820, puis surtout par son élève Charles Mahé de La Bourdonnais (1797-1840), l’heureux vainqueur de l’Écossais Alexander Macdonnel (1798-1835) à l’issue d’une longue série de matches (1834-35) qu’il remporte en obtenant 46 parties gagnées contre 26 perdues et 13 nulles.

En 1843, le célèbre champion anglais Howard Staunton (1810-1874) réussit à prendre une éclatante revanche en triomphant nettement du premier joueur de France, Pierre Charles Fournier de Saint-Amant (1800-1872), par le score de 11 gagnées contre 6 perdues et 4 nulles. Cette victoire lui suggère d’inaugurer la forme moderne des compétitions élevées en organisant à Londres, en 1851, le premier tournoi international, auquel participent les plus forts joueurs de l’époque. Mais l’espoir de Staunton de se voir consacrer le maître des maîtres est déçu par le succès de l’Allemand Adolf Anderssen (1818-1879), qui remporte l’épreuve et le titre officieux de champion du monde, et le garde jusqu’en 1866, sauf deux années d’interrègne dues au passage météorique du jeune et génial Américain Paul Morphy (1837-1884). Celui-ci, considéré à juste titre comme le plus fort joueur de son temps, bat Anderssen à l’issue d’un match retentissant sur le score de 7 gagnées contre 2 perdues et 2 nulles, mais se retire deux ans plus tard de l’arène échiquéenne pour cause de maladie.

En battant Anderssen en 1866 par 8 victoires contre 6 pertes, l’Autrichien Wilhelm Steinitz se proclame champion du monde mais n’obtient définitivement ce titre qu’en 1886 en triomphant de ses nombreux concurrents, dont le Polonais Johan Hermann Zukertort (mort en 1888), par 10 victoires contre 5 pertes et 5 nulles.

Avec Steinitz commence la période officielle du championnat du monde.

Le Prussien Emanuel Lasker lui ravit le titre en le battant à deux reprises : en 1894 (10 victoires, 5 pertes, 4 nulles) et en 1896 (10 victoires, 2 pertes, 5 nulles).

Lasker est à son tour battu par le Cubain José Raúl Capablanca à La Havane, en 1921 (4 perdues, 10 nulles).

La virtuosité de Capablanca semble intouchable. Effectivement, durant dix ans (de 1914 à 1924), le nouveau champion du monde n’a perdu aucune partie. Qui pourra donc lui ravir le titre ?

Cet honneur revient à Alexandre Alekhine, d’origine russe, naturalisé français, lequel — après une préparation intensive — provoque Capablanca à l’affrontement décisif, fixé au 15 septembre 1927 à Buenos Aires. Une lutte mémorable s’engage entre ces deux géants de l’échiquier, lutte qui ne se termine que le 29 novembre de la même année en faveur d’Alekhine sur le score de 6 gagnées, 3 perdues, 25 (!) nulles.

De 1927 à 1946, Alekhine demeure le champion du monde, à l’exception de deux années d’interrègne (1935-1937), époque où il perd et reprend son titre à l’issue de deux matches disputés contre le Hollandais Machgielis (Max) Euwe.

À la mort d’Alekhine (survenue accidentellement en févr. 1946 à Estoril), une nouvelle formule est appliquée par la Fédération internationale des échecs, qui prend désormais à sa charge et sous sa direction l’organisation du championnat du monde.

D’abord, et pour la première fois, en 1948, le titre est mis en compétition par un tournoi réunissant les prétendants les plus qualifiés : Mikhaïl Botvinnik, Paul Keres (1916-1975), Vassili Smyslov (Soviétiques), Machgielis Euwe (Hollandais) et Samuel Reshevsky (États-Unis). Le grand maître Reuben Fine (États-Unis), également pressenti, avait déclaré forfait.

Ce tournoi, disputé en deux étapes — à La Haye et à Moscou —, se déroule du 2 mars au 18 mai 1948. Épreuve particulièrement longue et dure, remportée finalement et de haute lutte par Botvinnik avec 14 points, devant Smyslov (11 points) ; Keres et Reshevsky (10,5 points) ; Euwe (4 points).

Deux matches nuls (contre David Ionovitch Bronchtein [né en 1924], en 1951, et contre Smyslov, en 1954) permettent à Botvinnik, selon le règlement en vigueur, de garder le titre, qu’il perd contre le même Smyslov en 1957, mais lui reprend, en 1958, grâce à un réconfortant match revanche. Résultats identiques contre Mikhaïl Tal en 1960 et 1961.

Cependant, une modification officielle aux termes de laquelle le match revanche est supprimé offre à Tigran Petrossian l’occasion de s’emparer du titre sans crainte de le restituer l’année suivante, en battant Botvinnik en 1963 sur le score de 5 parties gagnées, 2 perdues, 15 nulles.

À son tour, Petrossian défend brillamment son titre en battant Boris Spasski lors d’un premier match disputé en 1966, mais doit le lui céder en 1969, lors du second match qui se conclut en faveur du challenger sur le score de 6 parties gagnées, 3 perdues et 15 nulles.

En 1972, le championnat du monde a lieu à Reykjavík et suscite dans le monde un intérêt jamais égalé dans l’histoire des échecs. Le jeune virtuose américain Bobby Fischer l’emporte (par 12,5 points contre 8,5) sur le tenant du titre, le Soviétique Boris Spasski.

La nouvelle réglementation du championnat du monde comporte les étapes suivantes : 1o les tournois zonaux ; 2o le tournoi interzone ; 3o l’épreuve des candidats ; 4o le match pour le titre.

C. S.


Quelques champions du monde


Alexandre Alekhine

(Moscou 1892 - Estoril, Portugal, 1946). Champion du monde de 1927 à 1935, puis de 1937 à sa mort. Montre des dons exceptionnels dès l’âge de cinq ans. À neuf ans, il joue des parties sans voir l’échiquier. À seize ans, il remporte le championnat russe amateur. Les bouleversements politiques le poussent à s’expatrier. En 1921, il se fixe à Paris, où il passe une thèse de doctorat en droit et obtient la nationalité française. Journaliste et écrivain d’échecs. Théoricien averti. Style imaginatif et très combatif, animé par une extraordinaire volonté de vaincre. Grand spécialiste du « jeu sans voir ».


Mikhaïl Moisseïevitch Botvinnik