Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

échanges internationaux (suite)

Les négociations Kennedy

Les négociations Kennedy, ou Kennedy Round (1964-1967), ont abouti à une réduction importante des obstacles tarifaires (par opposition aux obstacles non tarifaires) de la part des quatre principaux participants (Communauté économique européenne, États-Unis, Royaume-Uni et Japon), réduction qui dépasse par son envergure et son ampleur celle qui fut consentie lors des négociations tarifaires antérieures et qui atteint environ 36 p. 100 en moyenne sur les produits industriels. Les résultats diffèrent considérablement selon les diverses catégories de produits. Sur les denrées alimentaires et les produits connexes (en particulier les huiles végétales), qui étaient initialement très protégés, les droits demeurent élevés, bien qu’ils aient été réduits sur un certain nombre de produits. Les grandes lignes d’un accord sur le blé (prévoyant le relèvement des prix maximaux et minimaux) ont également été arrêtées. Quant aux tarifs des matières premières, les changements sont peu nombreux parce qu’elles étaient déjà, pour la plupart, exemptées de droits de douane ou soumises à des droits relativement faibles : cependant, quelques produits passibles de droits de douane présentant un intérêt pour les pays en voie de développement ont bénéficié de réductions importantes ; aucune réduction notable n’est intervenue sur les taux appliqués pour le pétrole. Les droits sur les produits sidérurgiques, les produits textiles et les vêtements ont tous fait l’objet de réductions inférieures à la moyenne dans les quatre territoires douaniers, alors que, pour les produits textiles et les vêtements, les droits de douane étaient déjà sensiblement supérieurs à la moyenne avant les négociations. Les autres catégories de produits (notamment les produits chimiques, les machines et le matériel de transports et les produits divers tels que les minéraux non métalliques, les produits du bois, les articles de cuir et les équipements professionnels et scientifiques) ont bénéficié de réductions importantes et assez générales, allant de 40 à 50 p. 100 en moyenne sur l’ensemble des sous-groupes.


Une protection occulte : les aides des États aux économies nationales

Les États sont parfois obligés de recourir — directement ou indirectement — à des moyens qui n’ont plus rien à voir avec une action sur les tarifs douaniers. À cet effet, ils interviennent dans les domaines les plus divers. Ainsi, dans celui de la protection, on peut citer la prise en charge par l’État des frais d’infrastructure, d’aménagement d’une zone industrielle comportant des facilités plus ou moins étendues en matière de transports, de communications, d’habitat, d’équipement social, scolaire et culturel, transformant par là les conditions d’emploi de la main-d’œuvre, des matières premières, de l’énergie aussi bien que les perspectives de débouchés. Un domaine d’action privilégié de l’État, également, est celui de l’énergie, dont l’importance pour les coûts de production est évidente et qui peut être manipulé par l’État. Cette politique répond du reste à un faisceau de préoccupations diverses, dont les unes sont militaires (s’assurer des sources d’énergie nationales), les autres sociales (procéder à une reconversion ordonnée de travailleurs employés à l’exploitation de sources d’énergie en déclin), les autres, enfin, économiques (agir, par la fourniture d’énergie à bon compte, sur la compétitivité des industries). De ces actions diverses, il résulte un prix artificiel ou social qui permettra facilement de subventionner les industries que l’on veut favoriser dans le domaine de la concurrence sans provoquer les réactions que d’autres systèmes, plus apparents, d’aide (par exemple subventions directes) pourraient susciter.

La méthode d’aide qui semble avoir de plus en plus les préférences des États industriels concerne la prise en charge par les pouvoirs publics de la recherche scientifique ou de la diffusion de l’innovation. C’est sans aucun doute l’une des formes de subvention les plus puissantes et les mieux abritées contre les tentatives de désarmement tarifaire. Les frais de recherche peuvent être assurés en partie ou en totalité par l’État, dans la mesure où il se préoccupe plus d’inciter à la recherche que de réaliser directement celle-ci. De toute façon, comme de plus en plus la concurrence joue à travers la mise au point et le lancement de produits nouveaux, l’action de l’État est absolument indispensable. C’est ainsi, en matière de recherche spatiale, que de nombreux produits sont mis au point. Certains demeurent secrets et sont achetés par l’État qui a commandité les recherches. Temporairement au moins, ces produits demeurent dans le domaine non commercial. Les effets commerciaux ne sont en réalité que retardés. Mais pour les autres produits, qui n’ont pas été retenus parce que moins adaptés à l’exploration de l’espace, il n’en reste pas moins qu’ils peuvent faire l’objet d’une exploitation commerciale. Il en résulte que l’avantage qu’un pays peut prendre dans la concurrence internationale est lié de plus en plus directement à la recherche scientifique. Les États se préoccupent toujours plus du problème de la recherche scientifique du fait que beaucoup de pays (surtout européens) ont pris conscience du rôle du facteur technologique dans la compétition entre les nations. L’Europe a constaté son retard technologique (technological gap) par rapport aux États-Unis et s’efforce de le combler, si bien que dans ce domaine l’État n’est pas prêt à renoncer à son aide.

Le dernier mode d’intervention de l’État pour renforcer la position des entreprises nationales dans la compétition internationale est la mise en œuvre de pratiques fiscales et d’une politique de crédit s’exerçant aussi bien dans le cas de la production que dans celui de la vente. Ainsi, les gouvernements peuvent accorder des dégrèvements fiscaux pour des raisons variées (souci de décentralisation, implantation dans des régions que le gouvernement veut favoriser) ; ils peuvent faciliter la modernisation des entreprises en manipulant leur fiscalité, notamment en faisant varier le traitement fiscal de leurs investissements. Dans le domaine du crédit, ils peuvent prêter de l’argent à des conditions différentes de celles du marché ou accorder des bonifications d’intérêt. Mais, même dans le domaine touchant de plus près à la concurrence internationale, c’est-à-dire celui des crédits à l’exportation, l’État pourra apporter à ses producteurs une protection que les efforts classiques de libération des échanges laisseront intacte. En effet, les grands contrats d’équipement ou de vente de matériel sont conclus en fonction non seulement de considérations de prix et de qualité de matériel, mais aussi des conditions de crédit faites par l’exportateur. Il est bien évident que, dans la mesure où l’État accorde son aide en matière de crédit à long terme, un élément de distorsion se trouve introduit dans la concurrence internationale. Il semble que cette distorsion, assimilable à un dumping et jouant de plus en plus fréquemment, ne puisse pas être facilement combattue par une action à caractère international.