Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

eau (suite)

Le problème de la pollution

L’eau utilisée doit d’autre part posséder des qualités chimiques et bactériologiques bien supérieures à celles dont on se contentait autrefois. Or, au moment où le consommateur se fait exigeant, on voit les conditions d’approvisionnement détériorées par la rupture des équilibres biologiques fondamentaux.

Pour les eaux souterraines, la régénération tient uniquement à l’effet de filtrage qui résulte de la porosité et de la dimension des chenaux dans lesquels circule l’eau. Les nappes sont débarrassées des impuretés mécaniques. Lorsque les terrains traversés sont finement perméables, l’épuration bactériologique est également assurée. Lorsque cette condition n’est pas remplie (c’est le cas le plus fréquent), le rejet dans le sous-sol d’eaux polluées peut entraîner la pollution à long terme de toutes les réserves.

Les cours d’eau naturels, ainsi que les lacs et étangs offrent de bien plus grandes facilités de régénération. Normalement, la plus grande partie des substances organiques se trouve oxydée par des micro-organismes ou par les plantes qui garnissent le cours et les rives. Le parcours à l’air permet le renouvellement constant des réserves d’oxygène. La richesse même du milieu, au point de vue minéral et organique, permet à une flore et à une faune très riches de se multiplier.

Les effluents des villes, des zones industrielles et des campagnes modernes viennent perturber profondément ces équilibres. Leur action provient de causes multiples. Certains contiennent des produits toxiques. C’est le cas de ce qui est rejeté par nombre d’industries et, de plus en plus, des eaux qui proviennent du drainage des régions agricoles : une partie des pesticides répandus se retrouve dans les cours d’eau. Qu’une sécheresse survienne, que les débits diminuent, et voici les concentrations en produits nocifs qui s’élèvent. Cela aboutit fréquemment à des catastrophes. La faune et bien souvent la flore des eaux douces disparaissent au cours d’une crise de courte durée, et ont peine à se régénérer par la suite.

L’action des hydrocarbures et des détergents est plus complexe. Elle est liée, dans bien des cas, à leur nocivité. Mais elle résulte aussi de l’effet de pellicule qui interdit les échanges gazeux entre l’eau et l’air : la teneur en oxygène se trouve de la sorte diminuée, et toute la vie en est affectée. Les impuretés grossières ont des actions mécaniques qui sont surtout sensibles pour les organismes supérieurs : les limons, les sables fins, que les exploitations de gravier remettent souvent en mouvement dans le lit des rivières, viennent asphyxier les ouïes de beaucoup de poissons.

Les cas les plus graves de pollution sont dus à une action indirecte. L’enrichissement en matières nutritives, organiques ou azotées, est tel que les possibilités de développement des organismes se trouvent temporairement multipliées. Mais la fourniture d’oxygène n’est pas modifiée. Le développement de la vie entraîne une diminution de la teneur en oxygène dissous, si bien qu’au bout de très peu de temps seules des bactéries anaérobies sont capables de se développer : elles provoquent une transformation putride de la matière organique en excédent. Les eaux se troublent, deviennent nauséabondes. La plupart des espèces meurent. Les cours d’eau n’ont plus de vie propre, ils ne sont plus que des égouts. Il y a eu eutrophisation.

La purification par le système naturel est possible, sans perturbation grave, tant que le volume rejeté n’est pas trop élevé par rapport au débit du fleuve. Aux États-Unis, on estime qu’un cours d’eau est ainsi capable de recevoir un débit égal à 1/17 du sien, à condition qu’il n’y ait pas de produits toxiques. En Allemagne, on pense que l’équilibre est menacé lorsqu’on descend au-dessous de 1/35. Dans la plupart des régions urbaines, dans les zones industrielles, dans les campagnes où l’intensification aboutit à l’usage massif d’engrais, on dépasse ces proportions ; la réutilisation des eaux n’est possible qu’avec un traitement avant le retour au fleuve.


Le « prix » de l’eau

Cela explique que le coût de l’eau soit devenu relativement élevé dans la plupart des pays. Dans les zones arides, il est plus fort pourtant que dans les pays industrialisés au climat humide. Des études ont été faites pour savoir quels sont les usages qui valorisent le plus l’eau : l’utilisation agricole ne permet que des rapports assez faibles, si l’on songe aux masses énormes évaporées. Les usages domestiques et les usages industriels offrent des possibilités de rémunération plus intéressantes. Des études de l’université du Nouveau-Mexique ont montré que le produit retiré d’une quantité donnée d’eau était de 6 à 10 fois plus important lorsqu’on préférait l’usage industriel à l’usage agricole. Cela conduira peut-être les pays semi-arides, fort recherchés pour l’aménité de leur climat, à se spécialiser davantage dans les activités secondaires et tertiaires, ce qui est déjà sensible dans le Sud-Ouest aride des États-Unis, mais aussi en France, où la politique de la Compagnie du Bas-Rhône - Languedoc s’est trouvée de la sorte progressivement infléchie.

Les besoins d’eau sont tels que la production d’eau douce par dessalement de l’eau de mer ou d’eau saumâtre devient industrielle : elle demeure cependant trop onéreuse pour tenter d’autres pays que ceux du désert : Koweït, Mauritanie et les petites îles peuplées.

Il demeure cependant vraisemblable que la production d’eau douce à partir de la mer ne pourra satisfaire que des besoins marginaux. Ce qui importe surtout, c’est de bien employer les ressources existantes. Aussi, les politiques d’aménagement de l’espace se caractérisent-elles de plus en plus par la création d’organismes de planification dont la compétence correspond à un bassin versant. L’exemple est venu de Grande-Bretagne dès le siècle dernier. Les aménagements hydrauliques complets, tels ceux de la TVA (Tennessee Valley Authority), ont révélé l’intérêt des projets à finalités multiples.