Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

dynamique des fluides (suite)

Suivant l’hypothèse exprimée pour la première fois par Newton*, les forces tangentielles, dans les fluides, dépendent de la nature du fluide considéré et du régime de son écoulement. Pour l’écoulement laminaire, que nous préciserons par la suite, la contrainte tangentielle τ est proportionnelle à la variation de la vitesse normalement à l’écoulement, et la relation de Newton peut s’écrire :

Le coefficient de proportionnalité μ est appelé « coefficient de viscosité dynamique du fluide ». Pour les liquides, le coefficient de viscosité diminue avec la température et augmente légèrement avec la pression. À l’échelle microscopique, viscosité et pression sont liées aux forces d’attraction moléculaire. Lorsque la température augmente, la distance des molécules augmente, ce qui entraîne la décroissance des forces d’attraction moléculaire et donc de la viscosité. Le phénomène inverse a lieu pour la variation relative de la viscosité avec la pression. Pour les gaz, la viscosité augmente avec la température, mais n’est pratiquement pas influencée par la pression. En effet, la viscosité dans les gaz est conditionnée par le mouvement thermique désordonné des molécules, qui augmente lorsque la température augmente.


Fluide idéal

L’hypothèse du fluide idéal, c’est-à-dire incompressible et non visqueux, a été à la base des développements théoriques qui ont permis aux mathématiciens suisses Euler* et Bernoulli*, dans la seconde moitié du xviiie s., d’aboutir aux équations qui portent leur nom. L’observation tendait à démontrer la validité de l’hypothèse du fluide non visqueux. Tout fluide en écoulement le long d’une paroi solide semblait glisser le long de cette paroi. De même, pour l’écoulement dans une conduite, la répartition des vitesses semblait uniforme dans chaque section droite. Comment expliquer alors que tout corps en mouvement relatif dans un fluide subissait de la part de ce fluide une action dans le sens de la vitesse, ce que l’on appelle couramment la traînée ? Pour l’écoulement d’un fluide dans une conduite, la divergence entre théoriciens et praticiens était encore plus troublante : l’équation de Bernoulli ne permettait pas d’expliquer la perte d’énergie du fluide en écoulement, perte d’énergie que les hydrauliciens estimaient à l’aide de formules empiriques. Ce n’est qu’au début du xxe s. que Prandtl établit sa théorie de la couche limite : si le fluide, loin de la paroi, pouvait être considéré comme non visqueux, il existait une couche de fluide, d’épaisseur très faible, entourant l’obstacle, où les forces de frottement visqueux étaient prépondérantes ; à la limite, contre la paroi, il y avait adhérence du fluide à cette paroi.


Fluide réel

La notion de fluide réel s’oppose à celle de fluide idéal, c’est-à-dire qu’elle prend en compte la viscosité du fluide. Le comportement des fluides réels fut longtemps une énigme pour les expérimentateurs, et de nos jours encore, de nombreux laboratoires de recherches tentent d’établir une théorie générale de cet écoulement capricieux, qui est l’écoulement turbulent. Ainsi, dans le milieu du xixe s., le médecin physiologiste français Poiseuille, s’intéressant à la circulation du sang, étudia l’écoulement de l’eau dans des tubes capillaires. À la même époque, l’ingénieur allemand Gotthilf Heinrich Ludwig Hagen (1797-1884) fit ses expériences avec des tubes plus gros, et ses résultats ne concordaient pas avec ceux de Poiseuille. Il fallut attendre 1883 et les célèbres expériences de l’Anglais Reynolds pour que soit expliquée cette contradiction apparente et pour que soient posées les bases actuelles de l’étude de l’écoulement des fluides visqueux.


Régimes de l’écoulement

Ce bond en avant qui permit de généraliser et de systématiser les données expérimentales antérieures, Reynolds le fit en établissant un critère de similitude sous la forme d’un nombre sans dimension ℝ, qui, à lui seul, caractérise la nature de l’écoulement et qui, par la suite, porta son nom :

ρ est la masse volumique du fluide, μ son coefficient de viscosité dynamique, V une vitesse de référence du fluide (vitesse du fluide à l’amont d’un obstacle, vitesse moyenne d’écoulement dans une canalisation...) et D une dimension caractéristique (corde d’une aile d’avion, diamètre intérieur d’une conduite...).

Il existe en particulier un nombre de Reynolds critique ℝc, voisin de 2 000, frontière entre deux régimes bien distincts :
— le régime laminaire (ℝ < ℝc), pour lequel les filets de courant gardent leur individualité propre (les couches fluides glissent les unes sur les autres dans la direction générale de l’écoulement) ;
— le régime turbulent (ℝ > ℝc), pour lequel les caractéristiques de l’écoulement sont essentiellement fluctuantes (en chaque point de l’écoulement, la vitesse, par exemple, varie en grandeur et en direction).

La photographie ultrarapide permet d’analyser avec plus de précision ces phénomènes ; à l’écoulement laminaire correspond une diffusion moléculaire, tandis que pour l’écoulement turbulent s’ajoute une diffusion particulaire : de petits tourbillons s’enroulent et grossissent à mesure qu’ils progressent. Une image de ces deux types d’écoulement est donnée par la fumée d’une cigarette dans une atmosphère calme. L’écoulement est d’abord laminaire (la fumée monte verticalement), puis, le nombre de Reynolds augmentant, devient turbulent (apparition brutale de tourbillons). Ainsi s’expliquent les divergences entre les résultats de Poiseuille et ceux de Hagen. Pour l’un, l’écoulement était laminaire et, pour l’autre, l’augmentation du diamètre entraînant une augmentation du nombre de Reynolds, il était turbulent.

Si l’écoulement laminaire est facilement abordable par le calcul, l’écoulement turbulent l’est beaucoup moins, et l’on doit faire appel aux théories statistiques. Son importance, pourtant, est primordiale puisque, dans les conduites industrielles et les turbomachines, l’écoulement est pratiquement toujours turbulent.