Durão (José de Santa Rita) (suite)
Il s’agit d’un poème épique profondément inspiré de Camões, composé en dix chants et écrit en huitième rime. L’auteur rassemble des récits et des scènes descriptives, les projetant dans le futur à partir de l’action centrale qui se déroule au xviie s. Les sept premiers chants racontent les difficultés du héros et décrivent les mœurs des Indiens. Les trois derniers chants font le récit des aventures du héros. Caramuru contient en outre un épisode lyrique de grande beauté, la mort de l’Indienne Moema.
C’est le premier poème qui emprunte son sujet à une légende locale. Il se distingue des poèmes narratifs du xviiie s. par l’exotisme de l’argument : le Portugais Diogo Álvares Correia, jeté par un naufrage sur la côte de Bahia, est recueilli par les Indiens, qu’il émerveille par son fusil, recevant le surnom de « Caramuru » (fils du tonnerre).
Par nombre d’aspects, le poème de Durão marque une fidélité au passé et à la tradition : ainsi par la versification chère à Camões et par le sentiment d’émerveillement face à la nature, quand apparaissent déjà des manifestations révolutionnaires d’indépendance politique et littéraire, par la manière de traiter l’indigène, que le poète considère comme bon à convertir, quand on commence à le voir comme une victime des conquérants européens. Durão célèbre l’action de Diogo parce que celle-ci va permettre un épanouissement de la foi chrétienne. Cependant, l’aventure individuelle de Caramuru peut difficilement être considérée comme l’épopée de l’Européen qui découvre le Nouveau Monde.
Le sentiment religieux domine tout le poème. L’auteur combat ce qui n’est pas chrétien chez les sauvages, mais trouve chez eux une morale naturelle qui les rattacherait au tronc biblique. Cette sympathie envers l’homme « naturel » fait de Durão un auteur sensible aux préoccupations de son temps.
Néanmoins, le poète est un précurseur de la poésie indianiste du xixe s. par sa curiosité à l’égard de la vie des indigènes. Dans ce sens, il prépare la voie à certains aspects du nationalisme romantique, et notamment à António Gonçalves Dias (1823-1864).
Il convient de remarquer que la lecture de Caramuru ne révèle ni des préoccupations de théorie littéraire, ni la connaissance d’autre épopée que les Lusiades. Cependant, on y trouve des résidus du cultisme, nombre de traits baroques dans la poétisation des plantes, des fleurs, des animaux des tropiques. Pour se renseigner sur son pays, qu’il ne connaît presque pas, Durão consulte les chroniqueurs et les poètes du xvie au xviiie s. Ainsi réalise-t-il la synthèse des manifestations littéraires qui l’ont précédé. C’est ce syncrétisme littéraire qui fait de Durão la figure typique du xviiie s. brésilien.
L. P. V.