Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Doriens

Peuple d’envahisseurs venus en Grèce à la fin du IIe millénaire av. J.-C.


La mémoire des Grecs conserve en un cycle de légendes le souvenir de la venue des Doriens dans le Péloponnèse : fils d’Héraclès, chassés du domaine de leur père par Eurysthée, dont le royaume était échu aux Atrides, ces derniers voulurent, à plusieurs reprises, y revenir. Juste avant la guerre de Troie, une première tentative échoua devant la résistance des Achéens*. L’oracle de Delphes, qu’ils consultèrent, ne leur donna que des conseils bien ambigus ; aussi, plusieurs expéditions, menées par l’Isthme, furent-elles sans effet.

Comme il était prédit, ce fut la « troisième moisson », la troisième génération des Héraclides, qui put, en passant par la « voie étroite » du golfe de Corinthe, s’emparer du Péloponnèse, à l’exception de l’Arcadie, protégée par ses montagnes ; elle fonde les trois royaumes de Messénie, de Laconie et d’Argolide, où les antiques cités de Mycènes et de Tirynthe disparaissent, tandis que grandit Argos, la nouvelle capitale. Puis ils partent, eux aussi, à la conquête de la mer, s’installant à Mêlos (Mílos), à Thêra (Santorin), en Crète, à Rhodes.

Leur retour dans le Péloponnèse jette sur les routes de Grèce une foule de peuples qui cherchaient des terres où ils pourraient vivre : les Éoliens viennent en Béotie, les Béotiens colonisent l’Eubée et les Achéens du Péloponnèse s’enfuient vers l’Attique, dont la pauvreté n’avait attiré personne jusqu’alors, et, de là, sous la conduite de Nélée, partent peupler l’Égée et fonder sur les côtes de l’Asie Mineure les douze cités d’Ionie*.

Les découvertes archéologiques viennent compléter ces données de la légende. Vers le milieu du xiiie s. av. J.-C., une première invasion provoque de nombreux dégâts : les Achéens, d’abord surpris, prennent leurs précautions ; Mycènes, Tirynthe et Athènes renforcent leurs fortifications ; à Pylos, les tablettes évoquent des mesures nouvelles pour la surveillance des côtes. Vers 1200 av. J.-C., la Laconie et la Messénie sont complètement ravagées et dépeuplées pour plusieurs générations, mais rien n’est changé à la civilisation des cantons, qui sont çà et là épargnés : ruinés, repliés sur eux-mêmes, ils n’en continuent pas moins de vivre à la mode mycénienne. Ce n’est que vers le début du xie s. qu’apparaissent des mœurs nouvelles, signes de la venue d’un rameau neuf du peuple grec : aux tombeaux collectifs (les tholoi) succèdent les tombes à cistes, fosses individuelles dont les parois, le fond et le couvercle sont des dalles de pierre ; l’incinération apparaît ; un nouveau style de céramiques, décorées de motifs géométriques (style dit « protogéométrique »), remplace la belle céramique achéenne.

Durant les siècles obscurs du Moyen Âge grec se développera ainsi sur les ruines du pays achéen une civilisation nouvelle qui sera celle de tous les Grecs. En effet, il n’y aura plus bientôt de différence entre les envahisseurs et ceux qui eurent à les accueillir.

La division du monde grec entre les Doriens et les Ioniens, entre descendants des derniers envahisseurs et peuples épargnés, resta pourtant sensible : à Sparte, à Corinthe, les habitants étaient fiers d’être des Héraclides, les Athéniens se voulaient, au contraire, autochtones. Cependant, il ne faut pas croire, comme le disent certains érudits, que la conscience que l’on pouvait avoir de cette différence d’origine était sentie comme très importante et que s’opposèrent en des conflits raciaux les descendants de la race supérieure des grands conquérants (Sparte et ses alliés) et les Ioniens, peuple abâtardi de commerçants et de marins (les Athéniens et leurs alliés). La politique grecque ne connut que les luttes entre États et ignora ce genre de problèmes.

J.-M. B.

 E. Will, Doriens et Ioniens (Les Belles Lettres, 1956). / V. R. d’A. Desborough, The Last Mycenaeans and their Successors (Oxford, 1964).

Dortmund

V. d’Allemagne occidentale, dans l’est de la Ruhr ; 649 000 hab.


Dortmund est une des villes installées le long du Hellweg, cette voie courant au pied du Massif schisteux rhénan, qui mène des pays rhénans vers la Basse-Saxe et le Brandebourg. Au Moyen Âge, c’est une place commerciale non négligeable, mais son essor sera lent. Son droit urbain sert alors de modèle à environ cent trente villes situées en Westphalie et ailleurs. Sa participation à la Hanse* lui vaut quelque importance, mais le déclin s’annonce dès le xive s. Entre-temps, la ville a pu acquérir le comté de Dortmund ; en 1803, elle est attribuée à la maison d’Orange-Nassau ; elle passe ensuite au grand-duché de Berg. La fin de l’époque napoléonienne amène son annexion par la Prusse. Par l’histoire, Dortmund est une ville westphalienne, mais l’économie la rattache à la Ruhr.

L’industrie provoque son essor au xixe s. De 4 400 habitants en 1809, la ville passe à 13 500 en 1852 et à 78 500 en 1885. La fin du xixe s. et le début du xxe enregistrent un développement extrêmement rapide : 111 000 habitants en 1895, 290 000 en 1914 et 541 000 en 1933. Cette extension a été possible grâce à l’absorption de cinquante et un villages suburbains, qui a permis de porter la superficie communale de 2 769 ha en 1860 à 27 135 ha en 1963. Ce processus d’intégration, fréquent dans les villes allemandes, s’achève vers 1929 et permet à Dortmund de se placer au cinquième rang des villes allemandes sur le plan de l’étendue. Incontestablement, cette politique a permis un urbanisme rationnel et un aménagement des zones industrielles. De ce fait, la densité moyenne reste relativement faible. Près de la moitié de la surface municipale est occupée par des terrains agricoles, ce qui a valu à Dortmund l’appellation de « plus grand village de Westphalie ». Par là, la ville dispose de réserves de terres importantes, permettant de lutter contre la spéculation foncière. L’abondance des terrains n’a pas empêché de pratiquer une politique d’urbanisation visant à concentrer l’expansion urbaine sur quelques zones précises. L’annexion des communes est responsable de la structure aérée du tissu urbain. Aux avantages incontestables de cette dernière, il faut néanmoins opposer les problèmes de transport et d’équipement qui en découlent. De nombreux noyaux d’habitation sont liés aux mines, alors que les zones non aedificandi le sont aux effondrements de terrains miniers.