Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

Djāmī (Nūr al-Dīn ‘Abd al-Raḥmān)

En pers. Nureddin Abdol Djāmi, écrivain persan (Khardjird, près de Djām, Khurāsān, 1414 - Harāt 1492).


Djāmī doit sa célébrité tant à la poésie qu’à des écrits mystiques et philosophiques en prose. Il naquit près de Djām, bourgade non loin de Harāt (Afghānistān d’aujourd’hui), et vécut presque exclusivement à Harāt, alors capitale du monde iranien oriental. Il ne fit que deux ou trois voyages : dans sa jeunesse à Mechhed et à Samarkand, et vers la fin de sa vie à La Mecque et à Médine (1472). Dès son vivant, Djāmī fut entouré d’un immense respect tant à Harāt que hors des frontières de la Perse orientale et du monde iranien. On reconnaissait en lui le savant, le mystique (il devait devenir le chef d’un ordre célèbre de derviches, les Naqchbendi, à la suite de la mort de son maître Sa‘d al-dīn Kāchgharī), et enfin le lettré. Durant son existence, il entretint de bons rapports avec les souverains d’Harāt, descendants de Tamerlan, auxquels il dédia la plupart de ses œuvres, sans toutefois s’abaisser à les flatter dans une poésie de cour. Il faut noter aussi l’amitié qui le lia à un grand ministre de l’époque, Mīr ‘Alī Chīr Navā’ī (1440-1501), qui lui consacra d’ailleurs une biographie, et enfin les relations épistolaires qu’il eut avec des souverains étrangers tels que le sultan ottoman Bayazit II.

Les biographes de Djāmī s’accordent à présenter cet écrivain comme l’un des esprits les plus universels de son temps, et comme le dernier grand poète de la « littérature persane classique », celle-ci s’achevant avec l’avènement des Séfévides (1502), dynastie à vocation théocratique et autoritaire qui devait contribuer à un arrêt du développement de la poésie lyrique, romantique et mystique à l’intérieur des frontières de l’empire, au profit d’une littérature religieuse destinée à sceller l’édifice de réunification sur des bases incontestables. Aussi est-il tentant de voir réunies dans l’œuvre de Djāmī un grand nombre de qualités littéraires, morales ou philosophiques d’un monde condamné à l’effacement pour des décennies.

Outre la richesse des poèmes lyriques (qaṣīdè et rhazal), où il sait garder un style propre tout en s’inspirant parfois de ses grands prédécesseurs Sa‘dī* et Ḥāfiẓ*, c’est peut-être l’œuvre épique de Djāmī qui est la plus marquante. Non pas qu’il ait fait preuve de grande originalité, puisque cette fois c’est Niẓāmī* qu’il semble avoir pris comme modèle d’une part pour la conception de l’œuvre elle-même, et de l’autre pour le choix de certains masnavi lois que Laylā et Madjnūn, la Sagesse d’Alexandre. Mais, en ce qui concerne ce dernier thème, alors qu’il s’agissait avant tout pour Niẓāmī de conter une histoire, Djāmī voit au contraire dans le récit d’Alexandre un prétexte pour transmettre un courant de pensée mystique et il accentue les discours, les dialogues au détriment de l’« anecdote », qui se résume souvent en quelques vers. Epopée philosophique, morale, didactique encore dans trois autres de ses « Sept Trônes » : la Chaîne d’or (Silsilat al-dhahab), l’Offrande aux hommes libres (Tuḥfat al-aḥrār) et le Rosaire des dévots (Subḥat al-abrār). Et enfin poèmes allégoriques dans les deux derniers masnavi de la série, Salāmān et Absāl et Yūsuf et Zullaykhā : celui-ci retrace l’histoire de Joseph et de l’épouse de Putiphar, thème déjà bien connu de la littérature persane, ayant fait l’objet d’un poème longtemps attribué, et apparemment à tort, à Firdūsī*. Les ouvrages en prose de Djāmī ont plus directement le mysticisme comme toile de fond. L’œuvre intitulée Preuves du caractère prophétique de Mahomet est un traité constitué par des commentaires sur le Coran ou les Ḥadīth. Comme ‘Aṭṭār*, Djāmī consacra un livre à la bibliographie de saints mystiques : les Effluves de l’intimité divine. Et, dans les Jets de lumière, l’auteur se livre dans une prose rythmée à une méditation qu’il interrompt par le chant de quatrains.

Tout autre est le Jardin de printemps, livre écrit selon le modèle de Sa‘dī dans son célèbre Jardin de roses : l’auteur, sur un mode plus léger, joue au moraliste en contant de courtes anecdotes parfois pleines de charme et d’humour, ponctuant chacune de ces histoires par quelques vers dans lesquels le lecteur puise la leçon que l’écrivain a voulu exprimer. On rejoint là un courant essentiel de la littérature persane.

B. H.

Dobroudja

En roumain Dobrogea, en bulgare Dobrudža, région de l’Europe orientale partagée entre la Bulgarie, au sud, et la Roumanie.


Des colonies grecques furent fondées sur la côte de la mer Noire au vie s. av. J.-C. ; les plus importantes étaient Callatis (Mangalia) et Tomis (Constanţa). Au ve et au ive s., les Scythes ravagèrent le pays et s’implantèrent si bien que celui-ci prit le nom de Scythia Pontica. Sous les Romains, la contrée fit d’abord partie de la province de Mésie avant de devenir, sous Dioclétien, la Scythia Minor. Tour à tour soumise par les Goths et les Slaves, la Dobroudja, où se côtoyaient des populations slaves et des Daces romanisés, fut disputée par les Bulgares et les Byzantins. Ceux-ci en furent maîtres de 1018 à 1186, mais le pays resta finalement aux mains des Bulgares : le nom de Dobroudja — dont l’origine a été longtemps controuvée — vient probablement d’un chef valaque, Dobrotič (v. 1354-1386), qui s’y tailla un domaine durant une brève période, au xive s.

Après la conquête de la Bulgarie par les Turcs, la Dobroudja fut un temps la possession de Mircea le Vieux de Valachie, qui règne de 1386 à 1418 ; mais, en 1417, le pays passait pour plusieurs siècles sous le joug ottoman.

Le congrès de Berlin (1878) assigna le nord de la Dobroudja à la Roumanie, en compensation de l’annexion de la Bessarabie par les Russes. Le traité de Bucarest (1913), qui termina la deuxième guerre balkanique, alloua aussi à la Roumanie la partie méridionale de la Dobroudja, ôtée à la Bulgarie vaincue. Le traité de Neuilly (1919) confirma cette possession qui avait été menacée par les Bulgares durant la Première Guerre mondiale.

Le 7 septembre 1940, la Roumanie, quoique encore neutre, dut, par le traité de Craiova et sous la pression de l’Allemagne, restituer la Dobroudja du Sud à la Bulgarie avec les ports de Silistra (Silistrie) sur le Danube et de Balčik sur la mer Noire. Un échange de population eut alors lieu. Le traité de Paris du 11 février 1947 sanctionna cette rétrocession.

P. P.

➙ Bulgarie / Roumanie.