Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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distillation du pétrole

Opération fondamentale du raffinage qui sépare le pétrole brut en une dizaine de produits de base, d’où les carburants, combustibles et autres produits commerciaux seront ensuite tirés par craquage, synthèse, redistillation, traitement et mélange.



Introduction

Le pétrole brut à la sortie du puits est un mélange liquide de milliers d’hydrocarbures, la plupart liquides aux conditions normales de température et de pression mais contenant en dissolution des produits qui, pris isolément, seraient gazeux (méthane, éthane, propane, butane, etc.) ou solides (bitumes, paraffine). Il est donc nécessaire, avant toute chose, de trier cet ensemble complexe en coupes, mélanges d’hydrocarbures de nature voisine et de même utilisation : on dit habituellement que l’on sépare les produits légers des produits lourds, mais, la méthode utilisée étant la distillation fractionnée, il s’agit d’un classement non par le poids mais par la volatilité, qui est la facilité plus ou moins grande qu’ont les divers hydrocarbures à passer de l’état liquide ou dissous à l’état gazeux par vaporisation sous l’effet de la chaleur.

La première distillation, dite « topping », ou encore « distillation atmosphérique » parce que s’opérant à une pression voisine de la pression atmosphérique, donne 8 à 10 produits de base, tandis que la distillation sous vide donne à son tour 5 à 6 produits.


Historique

L’appareil à distiller, alambic ou cornue, est une des plus anciennes découvertes techniques de l’humanité, la fabrication des parfums et des alcools étant déjà bien connue dans l’Antiquité. La distillation, qui consiste à chauffer une certaine quantité de la matière première et à recueillir successivement les fractions de moins en moins volatiles, le résidu restant en fond de récipient, fut appliquée au pétrole dès le xviiie s., principalement en vue d’extraire des huiles pharmaceutiques. Un procédé discontinu se pratiqua jusqu’aux environs de 1900 dans des chaudières horizontales, souvent chauffées au charbon ; il fut ensuite rendu continu en disposant plusieurs chaudières en cascade à contre-courant, le résidu retournant à la chaudière précédente, tandis que le distillat était condensé, puis envoyé dans la chaudière suivante, pour être redistillé à son tour. Vers 1920, on vit apparaître la tour de fractionnement, ou colonne à plateaux, progrès décisif dans la technique de la distillation du pétrole.


Tour de distillation

La colonne de fractionnement, parfois appelée fractionneur, est un des matériels les plus importants d’une raffinerie de pétrole : c’est un appareil distillatoire comportant un certain nombre de plateaux qui met en contact, à contre-courant, d’une part les vapeurs ascendantes obtenues en chauffant, d’autre part le liquide qui retombe.

Un mélange complexe se sépare en autant de « coupes » qu’il existe de plateaux, chaque plateau étant lui-même un lieu d’équilibre dynamique où les bulles de vapeur provenant du plateau inférieur barbotent dans le liquide descendant du plateau supérieur. À cet effet, chaque plateau est perforé d’orifices, ou cheminées, surmontés d’une calotte ou coupelle inversée qui oblige les vapeurs à se diviser en bulles pour traverser le lit de liquide maintenu sur le plateau par le rebord du déversoir. La section de passage des vapeurs est calculée de manière à assurer un temps de séjour adéquat des bulles dans le liquide.

Depuis quelques années, on a mis au point des plateaux à clapets, petites portes ou valves qui se soulèvent sous la poussée des vapeurs débouchant des cheminées.


Équilibre dynamique

L’introduction de la matière première à distiller se fait à hauteur du plateau dont la composition s’en rapproche le plus, de manière à éviter de trop perturber l’équilibre liquide-vapeur en ce point. En effet, le fonctionnement d’une colonne à plateaux est minutieusement réglé en ajustant l’apport de calories qui chauffe les produits à évaporer et le refroidissement qui sert à condenser les distillats. La matière première elle-même est préchauffée à une température suffisante pour que seul le résidu de fond de tour ne soit pas vaporisé. Ce résidu peut d’ailleurs être chauffé à son tour, de façon qu’aucun distillat récupérable ne quitte la colonne par le fond. Le froid nécessaire à la condensation est introduit par le moyen de circuits de reflux : les vapeurs sortant de la tête de colonne sont condensées dans un échangeur refroidi à l’eau ou à l’air, et une grande partie est renvoyée dans la tour au-dessus du plateau supérieur ; de même, un reflux circulant est un prélèvement de liquide sur un plateau qui est refroidi dans un échangeur, puis réintroduit à l’aide d’une pompe sur un plateau situé plus haut que celui d’où il venait.

Les produits intermédiaires entre les vapeurs (produit de tête) et le résidu (produit de queue) sont extraits de la tour au plateau correspondant à la qualité désirée pour chacun d’eux : ce sont les soutirages.


Topping

Unité la plus importante d’une raffinerie, le topping pour la distillation du pétrole brut comporte non seulement sa grosse tour principale, où se fait la première distillation, mais une diversité de colonnes plus petites utilisées pour compléter le fractionnement. Le brut est d’abord préchauffé dans une série d’échangeurs de chaleur prélevant des calories aux produits qui quittent l’installation pour aller aux réservoirs de stockage. Dans ce train d’échange est inséré, vers 130 ºC, le dessaleur : c’est un très gros récipient horizontal contenant des électrodes qui soumettent le brut à un puissant champ électrostatique. On obtient ainsi la coagulation des particules d’eau salée qui se trouvent inévitablement dans le pétrole et qu’il convient d’éliminer pour éviter la corrosion de l’appareil distillatoire. Le brut traverse ensuite un four tubulaire, grande chambre de combustion chauffée par des brûleurs à mazout et tapissée d’un serpentin de tubes. Le pétrole est ainsi amené à une température de 370 ºC environ et pénètre alors dans la tour de distillation, qui comporte généralement une cinquantaine de plateaux.