Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

disque (suite)

Les enregistrements sur microsillons étant fabriqués en Vinylite, le bruit de surface de cette matière n’est pas aussi faible qu’on l’admet généralement. Il est difficile de faire à ce sujet une comparaison valable entre disques 78 et 33 tr/min, car, dans ce dernier cas, le niveau moyen de l’enregistrement est inférieur de 10 dB. Si l’on tient à éliminer virtuellement le bruit de surface, le relevé des sons aigus est une nécessité inéluctable. Afin de diminuer les distorsions dans ceux-ci, les fréquences élevées sont moins relevées dans les disques microsillons actuels de Decca que dans les disques américains.

Il est impossible d’employer pour les disques microsillons une fréquence de transition de l’ordre de 250 Hz comme pour les disques 78 tr/min, car l’amplitude des déplacements du burin risquerait de prendre une valeur trop élevée aux fréquences immédiatement supérieures à celles de la transition, à moins de réduire le niveau général de l’enregistrement. Certains techniciens reviennent à une caractéristique à vitesse sensiblement constante pour les fréquences de l’extrême grave. Cette pratique permet d’augmenter l’amplitude de gravure en cette région du spectre sonore, et de réduire la gêne causée par les vibrations mécaniques de la table de lecture.

J. B.


Le disque classique

Dès ses premiers balbutiements, le disque s’efforce de fixer des pages du grand répertoire classique dans des interprétations d’artistes renommés. La durée restreinte des faces et surtout les conditions de reproduction sonore encore très imparfaites, rendant très problématique l’enregistrement d’un orchestre symphonique, seront des obstacles considérables, au moins jusqu’à la Première Guerre mondiale. La première symphonie entièrement enregistrée est la cinquième de Beethoven (1914, direction Artur Nikisch). Mais l’essentiel du répertoire enregistré avant cette date concerne l’opéra, et ces « incunables du disque » nous ont surtout conservé les voix des grandes vedettes du bel* canto, Caruso en tête. Cependant, il existe de cette époque d’autres témoignages sonores très précieux : les rouleaux perforés conservant les interprétations au piano (procédé Welte-Mignon) de compositeurs et de virtuoses illustres (Debussy, Grieg, Granados, Reger, Mahler, Paderewski, etc.). Ils ont pu être réenregistrés aisément sur disques modernes. L’adoption de l’enregistrement électrique (1925) permet pour la première fois une restitution satisfaisante des timbres et de la dynamique orchestrale, mais les faces 78 tours demeurent limitées à moins de 5 minutes, et le disque, lourd, encombrant, fragile et onéreux, demeure relativement un objet de luxe.

La révolution qui va en faire un objet culturel de grande diffusion se situe en 1947-48 : apparition du disque microsillon longue durée en Vinylite, légère et incassable (les faces atteignent 30 minutes), généralisation de la notion de haute fidélité (extension considérable du spectre des fréquences), enfin enregistrement préalable sur bande magnétique, permettant d’atteindre à des exécutions matériellement parfaites grâce aux prises multiples et aux montages. Auparavant, l’interprète ne pouvait se reprendre, la gravure s’effectuant immédiatement sur cire d’un seul jet, et les cires perdues étant très onéreuses. Les étapes suivantes constituent autant de perfectionnements (stéréophonie en 1958, gravures « compatibles » dès 1962), permettant une restitution plus fidèle encore. De récentes recherches (tétraphonie) concourent à améliorer encore le réalisme spatial et à restituer la perspective réelle d’une salle de concert. Enfin, l’enregistrement audio-visuel est maintenant mis au point. La vocation culturelle du disque classique pourrait s’affirmer avec plus de vigueur encore dans la réalité des faits si la législation fiscale le considérait comme un objet de culture à l’égal du livre.

Il importe cependant de faire une distinction importante quant à la nature même de la transmission que constitue le disque : le livre restitue l’œuvre ; le disque, une interprétation de l’œuvre. L’idéal serait donc de posséder plusieurs interprétations et de comparer. Le prodigieux développement du répertoire enregistré rend cette comparaison possible pour des milliers de partitions, et les versions concurrentes de certaines pages populaires se comptent couramment par dizaines. Les collections économiques, reprenant souvent des interprétations de premier ordre vieilles de quelques années, et donc dépassées techniquement, ou au contraire faisant appel à des exécutants moins célèbres, jouent face aux grandes éditions de prestige le rôle du livre au format de poche face au livre de luxe. Axées sur les grands tirages, elles se limitent de la même manière aux titres les plus connus. Mais le disque a effectué un prodigieux travail de défrichage dans les domaines les plus variés de l’histoire de la musique, et certains compositeurs (Vivaldi, Telemann, M. A. Charpentier, Monteverdi) lui doivent une résurrection éclatante, qu’ils n’auraient jamais obtenue au concert. De même, des œuvres longues ou difficiles à monter, souffrant en France de préjugés défavorables (symphonies de Bruckner, de Mahler, de Sibelius, etc.), ont acquis grâce au disque une popularité véritable. Dans le domaine de la musique contemporaine, le disque précède maintenant très souvent le concert, et il tend même à acquérir la priorité sur l’édition papier de la partition. Jamais le répertoire offert à l’appétit des mélomanes n’a été aussi considérable, même si le « noble artisanat » du 78-tours est devenu une grande industrie. Sans doute, la moyenne du niveau artistique n’est-elle pas toujours ce qu’elle était au temps du 78-tours, mais cela est inévitable devant l’accroissement quantitatif de la production, et, en valeur absolue, les disques de premier ordre sont plus nombreux qu’ils ne l’ont jamais été. Rajeunies, regravées selon les normes actuelles, les grandes interprétations du passé connaissent d’ailleurs une diffusion accrue, et le rayonnement posthume d’un Furtwängler dépasse, grâce au disque, celui qu’il put connaître de son vivant.