Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Directoire (suite)

Le second Directoire : réforme et expansion (4 sept. 1797 - 18 juin 1799)

La contrainte politique exercée à la fois contre les royalistes et les jacobins se poursuit durant cette période que l’on a coutume d’appeler le second Directoire. François de Neufchâteau (1750-1828) et Merlin de Douai (1754-1838), qui remplacent Carnot et Barthélemy, parviennent, avec les autres directeurs, à assurer au régime une assez longue période de stabilité. Celle-ci leur permet de faire une œuvre réformatrice à laquelle les historiens ont fini par rendre justice. Mais la réorganisation tentée est longue à porter ses fruits. Dans l’immédiat, c’est l’expansion territoriale et les contributions imposées aux États « alliés » qui permettent de faire vivre l’État.

« Ni terreur, ni réaction », cette ligne politique qu’il définit en septembre, le Directoire la suit en continuant d’abord à frapper les royalistes. En l’an VI (1798), les commissions militaires fusillent 160 émigrés rentrés, tandis que 263 prêtres réfractaires sont déportés. Cherchant à concurrencer la religion catholique et à établir une religion civile renforçant l’État, La Révellière protège la théophilanthropie, culte des adorateurs de Dieu et des amis des hommes créé par le libraire Jean-Baptiste Chemin-Dupontès (1760 - v. 1852).

Contre les jacobins, le Directoire prépare les prochaines élections. Propagande en faveur des véritables « candidats officiels », fermeture des cercles constitutionnels où se réunissent les jacobins, suspension de leurs journaux, contrôle militaire exercé à Lyon ou à Saint-Étienne, tout est employé pour qu’au printemps de 1798 le tiers sortant soit remplacé par des députés à la dévotion du Directoire. Plus d’une centaine de députés affichant plus ou moins des opinions jacobines sont néanmoins élus. La loi du 22 floréal an VI (11 mai 1798) casse les élections dans huit départements et invalide soixante élus juges ou administrateurs. Ce « coup d’État » fait avec l’appui des Cinq-Cents permet au Directoire de gouverner en réformant les finances et l’armée.

L’œuvre entreprise est considérable ; elle devait préparer la voie à celle de Napoléon et s’avérer durable. Aucune réforme n’était possible sans l’assainissement financier. Le Directoire y parvient presque par deux séries de mesures. Le ministre Jean-Pierre Ramel réalise la banqueroute des deux tiers de la dette et la consolidation du tiers restant. La dette est ainsi réduite de 250 à 83 millions. C’est ensuite une meilleure assiette et une meilleure perception de l’impôt qui sont obtenues par la réorganisation de l’administration fiscale. Dans chaque département, des fonctionnaires dépendent d’une agence des Contributions directes aux ordres du ministre des Finances. Dans le même temps, le système des contributions est tout entier refondu. De nouveaux impôts indirects, comme la taxe sur les routes ou le rétablissement des octrois, doivent fournir de nouvelles ressources à l’État. Ce dernier reprend les frappes monétaires et cherche à redonner vie à l’industrie. En 1798, une exposition nationale est organisée au Champ-de-Mars, et les écoles centrales qui doivent fournir les cadres nécessaires sont multipliées.

En fait, la vie économique du pays est perturbée par cette déflation et par la restriction du crédit. Les espèces métalliques sont thésaurisées ; les banques, peu nombreuses et sans envergure, sont incapables de drainer vers l’industrie le capital accumulé par le commerce. Beaucoup de marchands se plaignent, comme les industriels, de n’avoir à leur disposition que des caisses d’escompte insuffisantes pour soutenir leur entreprise. La Caisse des comptes courants de J. F. de Perregaux et Récamier comme la Caisse d’escompte du commerce ne servent surtout que leurs propres actionnaires. Les commerçants souffrent de l’état de guerre avec l’Angleterre, qui leur interdit les échanges avec les Antilles. Enfin, la crise économique, qui ne s’achèvera qu’en 1801, dissimule les efforts d’un gouvernement que le régime napoléonien ternira encore pour mieux briller.

Dans l’ordre militaire, l’œuvre du second Directoire est tout aussi importante. L’armée nationale, en germe dans les mesures de l’an II, est créée. La loi du 5 septembre 1798, dite « loi Jourdan », substitue à une réquisition extraordinaire de temps de guerre une conscription qui sera désormais le mode ordinaire de levée. Selon l’article 9 de la Déclaration des devoirs, préambule à la Constitution de l’an III, « tout citoyen doit ses services à la patrie et au maintien de la liberté, de l’égalité et de la propriété, toutes les fois que la loi l’appelle à les défendre ». « Tout Français, dit la loi du 5 septembre, est soldat et se doit à la défense de la patrie. » L’obligation du service militaire de vingt à vingt-cinq ans est érigée en loi, mais les Corps législatifs peuvent n’appeler sous les drapeaux que le contingent nécessaire à renforcer les volontaires. Là encore, la loi n’eut pas immédiatement tous ses effets. Les insoumis furent nombreux : paysans pour la plupart, ils répugnent à quitter une terre que leur départ stérilisera. Quelques-uns s’irritent des exemptions dont le fils du riche demeure le bénéficiaire. « On exempte le riche, son sang est-il plus pur que l’indigent ; n’a-t-il pas des droits et, de plus, des propriétés à défendre ? [...] faites des pionniers de tous ces petits messieurs qui prétendent avoir la vue basse, vous les verrez aussitôt jeter les lunettes et prendre le mousquet. »

Sur 200 000 appelés en 1798, 74 000 seulement rejoignent leurs unités. Beaucoup déserteront, entraînant avec eux des soldats épuisés par les campagnes. À long terme, ce sera une armée — toujours populaire, mais rajeunie — dont héritera Napoléon.

Pour l’heure, cette armée va soutenir la politique d’expansion de la Grande Nation. Celle-ci se traduit en Italie par la création d’une nouvelle république sœur. Les patriotes italiens ne cessent pourtant de proposer au Directoire l’unité de l’Italie.