Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Algérie (suite)

• 1959-1960 : reprise des grandes opérations par le général Challe. Nommé, en octobre 1958, adjoint du général Salan, Challe succède à ce dernier en décembre comme commandant en chef, mais est déchargé de ses responsabilités politiques, confiées à Delouvrier. Constatant la permanence du danger constitué par la présence de l’A. L. N., dont les effectifs sont évalués alors à 30 000 ou 40 000 hommes, Challe décide, tout en maintenant l’étanchéité des barrages et en poursuivant l’action territoriale sur les populations, de constituer une réserve générale de trois divisions (10e et 25e D. P. et 11e D. I.) pour détruire, par une série d’opérations menées systématiquement d’ouest en est, l’ensemble des formations militaires de l’A. L. N.

Le plan Challe se déroule en 1959-1960 suivant cinq opérations principales. La première, conduite en Oranie (en février-mars 1959 dans l’Ouarsenis), est aussitôt suivie par l’opération Courroie, menée d’avril à juin dans l’Algérois (Teniet-el-Had - Médéa). En juillet, l’opération Étincelle vise le Hodna, lieu de passage des recrues du F. L. N. entre les Nemencha et la Kabylie. C’est alors que débute l’effort principal sur le Constantinois, qui est l’objectif des deux opérations principales : Jumelles (22 juill. 1959-mars 1960) et Pierres précieuses (nov. 1959-mai 1960).

Ces actions entament très sérieusement la puissance de l’A. L. N., et c’est à leur actif qu’il faut mettre les redditions négociées en secret de plusieurs de ses chefs, dont le général Challe attendait la décision de la guerre. La plus importante semble être celle de Si Sala, l’un des chefs de la willaya IV (Algérois), qui, après deux mois de négociations (mars-mai 1960), accepte d’aller à Paris (11 juin), mais est assassiné quelques semaines plus tard, après avoir pris contact avec les dirigeants de la willaya III en Kabylie. Ainsi s’achevait la tentative du général Challe de mettre fin à la guerre d’Algérie. Depuis le début de 1960, la solution du problème échappait de plus en plus au commandement d’Alger pour être traitée sur un plan exclusivement politique par le général de Gaulle et le gouvernement français. À la suite de la dramatique « semaine des barricades » à Alger (24 janv.-1er févr. 1960), le général Challe avait dû accepter la dislocation progressive des organismes militaires (unités territoriales, bureaux et officiers d’action psychologique, etc.), correspondant à la politique définie jusqu’alors par les pouvoirs publics de maintenir à tout prix l’Algérie liée à la France. Le 28 avril, Challe était remplacé par le général Crépin. Ce dernier continuera les opérations lancées par son prédécesseur (en juillet dans l’Ouarsenis, en octobre dans les Aurès), mais la direction de la guerre lui échappera désormais totalement : le 25 juin, la France recevait les premiers émissaires du gouvernement provisoire algérien ; le rôle politique du commandement militaire en Algérie était terminé. Pour l’armée française et ses cadres, la rupture était si brutale avec la politique précédente qu’elle explique la crise morale qui l’atteignit dans son ensemble et la vaine révolte de quelques-uns de ses chefs.

P. D.


L’Algérie indépendante


Les accords d’Évian et l’indépendance de l’Algérie

Le 18 mars 1962, les délégations française et algérienne présidées respectivement par Louis Joxe et Belkacem Krim concluent à Évian un accord qui met fin à la guerre d’Algérie. La France reconnaît l’indépendance de l’Algérie et l’intégrité de son territoire, qui comporte le Sahara. Elle s’engage à évacuer progressivement ses troupes et à maintenir pendant trois ans le taux de l’aide fournie à l’Algérie en 1961. En contrepartie, elle conserve pendant cinq ans les bases d’« expériences scientifiques » et pendant quinze ans la base navale de Mers el-Kébir. Quant aux Français d’Algérie, ils auront trois ans pour choisir entre la nationalité française et la nationalité algérienne. Aux accords d’Évian est jointe une déclaration de principe sur la coopération franco-algérienne qui donne des assurances à la France, notamment dans le domaine du pétrole.

Le 8 avril 1962, un référendum français approuve les accords d’Évian. Ceux-ci prévoient également l’organisation d’un référendum d’autodétermination en Algérie. En attendant ce scrutin, on installe à Alger, dès le 7 avril, un Exécutif provisoire algérien sous la présidence d’Abderrahman Farès. Le 1er juillet 1962, un référendum algérien consacre l’indépendance de l’Algérie par 5 975 581 « oui » sur 6 017 800 votants.


Le régime de Ben Bella

La situation est alors confuse en Algérie. Une grave crise secoue le F. L. N. Réuni à Tripoli à la suite de la conclusion des accords d’Évian, le C. N. R. A. adopte le programme préparé en prison par Ben Bella et ses compagnons, et dont les options préconisent l’établissement de structures socialistes en Algérie. Sur la base de ce programme, le C. N. R. A. élit un bureau politique du F. L. N., qui ne comprend aucun membre du G. P. R. A. Une épreuve de force s’engage alors entre ces deux instances, animées respectivement par Ben Bella et Ben Khedda. Après une période d’incertitude, le bureau politique, fort de l’appui de l’état-major de l’A. L. N., l’emporte sur le G. P. R. A.

Le 20 septembre 1962, le peuple algérien élit une Assemblée nationale constituante, qui charge Ben Bella de former le premier gouvernement de la République algérienne (27 sept.). Le 8 octobre suivant, l’Algérie est admise à l’O. N. U.

• La politique économique. Le nouveau gouvernement doit affronter une situation extrêmement difficile. L’exode massif de la population européenne provoque un effondrement des structures économiques. Le pays compte près de 2 millions de chômeurs, dont 250 000 dans la seule ville d’Alger. Les paysans affluent dans cette ville dans l’espoir de trouver du travail et de participer au partage des logements abandonnés par les Français. Au surplus, après sept ans de guerre et de souffrance, la population est impatiente de s’emparer des domaine des colons européens.