Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Algérie (suite)

1956 est réellement Tannée de l’installation dans la guerre : en mai, la rébellion atteint l’Oranie ; en juin, elle progresse vers le sud, dans la région de Colomb-Béchar. Le terrorisme fait son apparition dans les villes, et notamment à Alger. En août, le congrès du F. L. N., réuni dans la vallée de la Soummam, révèle l’ampleur des objectifs et de l’organisation élaborée par le Comité révolutionnaire d’unité et d’action, agissant avec le soutien des éléments nationalistes du Caire et disposant d’appuis importants au Maroc et en Tunisie. C’est à ce moment qu’apparaissent, à proximité de la Tunisie, où elles sont mises sur pied, les compagnies régulières (katiba) de l’Armée de libération nationale.

Le 17 octobre, le cargo Athos, amenant d’Égypte des armes destinées au F. L. N., est arraisonné par la marine française. L’année se termine par l’intervention militaire franco-anglaise dans la guerre israélo-arabe (30 oct.), qui menace indirectement la rébellion algérienne. Le 4 novembre, les Français sont à Port-Saïd, et l’Égypte est en pleine crise. Elle n’est sauvée que par la brutale intervention des États-Unis, qui exigent le repli immédiat des troupes franco-anglaises et encouragent de ce fait le mouvement de libération arabe.

• 1957-1958 : la France tente de dominer la guerre « révolutionnaire » en Algérie. Dès 1956, le commandement français avait pris d’importantes mesures pour faire face à cette forme très particulière de guerre qui régnait désormais sur l’Algérie entière et dont l’enjeu était devenu non pas la reconquête du territoire, mais la confiance des populations. À côté et bien au-delà des opérations à mener contre les unités rebelles, qui demeurent primordiales, la mission de l’armée se situait dans leur protection, leur libération de la terreur et leur promotion sur le plan humain, économique et social. C’est le sens des directives très précises données à l’armée par Robert Lacoste au nom du gouvernement, notamment en avril, août et novembre 1956, puis en avril, mai, juin et août 1957 dans le dessein d’« édifier une Algérie nouvelle indissolublement liée à la France ».

Sous l’impulsion du général Salan, qui a remplacé en 1956 le général Lorillot à la tête des forces françaises en Algérie, une œuvre importante est alors accomplie.

Pour cloisonner l’Algérie et couper le F. L. N. de ses bases extérieures, le barrage linéaire élaboré en 1956 sur 250 km à la frontière marocaine est complété en 1957 par un barrage beaucoup plus important encore, la ligne Morice, le long de la frontière tunisienne. Au début de 1957, le général Massu dirige une vaste opération visant à éliminer le terrorisme du F. L. N. à Alger (bataille de la Casbah, 20 janv.-28 févr. 1957). En septembre, la France affirme son droit de poursuite en territoire tunisien des bandes qui s’y reforment, et, le 8 février 1958, l’aviation française bombarde la base de l’A. L. N. établie dans le village tunisien de Sakiet, ce qui provoque une proposition anglo-saxonne de « bons offices ».

De plus en plus, pourtant, une distinction s’opère entre les troupes chargées de conduire les véritables opérations militaires (notamment parachutistes, légion étrangère) et les troupes dites « de sécurité », dont la mission est essentiellement liée à la pacification du territoire par la politique du quadrillage. Au côté de ces dernières agissent les sections administratives spécialisées (S. A. S.), organismes militaires et administratifs créés en 1956 et chargés de coordonner l’action des différents services intéressant la vie des populations. Leur nombre passe de 180 en 1956 à 560 à la fin de 1957, puis à 670 en novembre 1958.

À cette action de protection, les musulmans sont associés dans des unités de types les plus divers, tels les harkis, les maghzen, les groupes d’autodéfense, de sécurité ou de protection rurale. L’effectif de ces supplétifs passe de 13 000 hommes au 1er janvier 1957 à 71 000 en décembre 1958.

Mais le gouvernement engage l’armée plus loin encore : suivant les directives du ministre (2 janv. 1957), des officiers itinérants dits « d’action psychologique » sont envoyés au milieu des populations musulmanes pour y rétablir le contact et expliquer l’action menée par la France. En outre, l’armée apporte une large contribution à toutes les activités de la pacification. À la fin de 1958, elle a pris à son compte plus de 400 chantiers de service public et ouvert 750 écoles, qui rassemblent 58 000 élèves. Environ 600 médecins militaires sont employés à l’assistance médicale gratuite de la population ; une école de moniteurs pour la formation de la jeunesse algérienne est créée à Issoire.

Tous ces efforts expliquent l’élan de fraternisation franco-musulmane qui accompagne la crise politique du 13 mai 1958, à la suite de laquelle de Gaulle confie au général Salan la totalité du pouvoir civil et militaire en Algérie avec le titre de délégué général du gouvernement et de commandant en chef. Durant l’été, l’armée répond avec enthousiasme aux ordres du gouvernement, qui l’engagent à fond dans la campagne pour le référendum du 28 septembre. La pacification a fait de nets progrès, et l’ossature politique et militaire du territoire repose de plus en plus sur ses 75 commandants militaires de secteurs, qui, à leur échelon, peuvent seuls coordonner l’ensemble des problèmes militaires et de ceux qui intéressent la vie des populations. Cependant, l’œuvre accomplie est loin d’être achevée, et il reste bien des ombres à ce tableau.

L’A. L. N. continue à se manifester en profondeur, et, en février 1958 notamment, parachutistes et légionnaires ont dû mener dans l’Est-Constantinois (Guelma, Duvivier) de très durs combats contre ses unités. Les agents de l’Organisation politico-administrative (O. P. A.) se font de plus en plus durs ; terrorisme et contre-terrorisme s’affrontent dans toute leur horreur avec les massacres et les excès de toutes sortes (interrogatoires et tortures), ce qui provoque de vives réactions en France. Enfin, le problème du regroupement obligatoire des populations des zones dominées par le F. L. N. crée de nombreuses difficultés. Il concerne, à la fin de 1958, plus de 500 000 personnes hébergées dans 600 centres, ce qui constitue pour l’armée, chargée de pourvoir à leurs besoins, une très lourde charge. Sur le plan politique, rien n’est non plus réglé. En dépit de l’annonce du plan de Constantine (3 oct.) et de l’appel de De Gaulle à la « paix des braves » (23 oct.), le F. L. N., qui s’est constitué en gouvernement provisoire, affirme ses prétentions à l’indépendance et refuse tout compromis.