Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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dictionnaire (suite)

Introduction

Les termes qui figurent en tête des articles et selon lesquels est organisé le classement sont les entrées, ou adresses. Le savoir communiqué se trouve défini par l’objet du dictionnaire : quand il touche au sens exact des unités lexicales et qu’il comprend également certains renseignements d’ordre grammatical, on parle de dictionnaire de langue, de mots ; s’il s’agit de communiquer le contenu d’une science et de décrire la réalité, on parle de dictionnaire encyclopédique, ou de choses. Ce sont là deux visées différentes qui peuvent se trouver confondues dans le même ouvrage. Le canal par lequel est communiqué le savoir peut être la langue dans laquelle est donnée l’adresse (dictionnaires monolingues), au moyen d’un vocabulaire et d’un savoir élémentaires qu’on suppose connus du lecteur ; ce peut être aussi une langue étrangère (dictionnaires plurilingues) ; dans ce cas, on donne pour l’adresse, ou pour chacun des emplois de l’adresse, l’équivalent dans l’autre langue. Dictionnaires monolingues et dictionnaires plurilingues peuvent également ajouter des phrases dans lesquelles les mots se trouvent utilisés (exemples des dictionnaires de langue) ou des illustrations de tous ordres (dictionnaires de choses).

Histoire des dictionnaires français : les grandes étapes

La naissance des dictionnaires

Assez curieusement, c’est du développement des dictionnaires plurilingues que sont nés les premiers dictionnaires de la langue française. Si, pendant le xvie s., on publie beaucoup de répertoires donnant les correspondances lexicales de plusieurs langues (jusqu’à onze dans le célèbre Calepin dû à Ambroglio Calepino [v. 1440-1510]), certains autres ouvrages, devant les difficultés de la traduction, développent les indications concernant la langue étudiée (par exemple le français dans le Dictionnaire français-latin [1539] de Robert Estienne [1503-1559], qui sera réédité et augmenté pendant plus de deux siècles en raison de sa partie française). Cette époque est aussi celle des trésors, qui prétendent enregistrer tout le vocabulaire (Inventaire des langues française et latine du P. Philibert Monet, par exemple, en 1636). Mais si le Thrésor de la langue française tant ancienne que moderne (1606) de Jean Nicot (1530-1600), si des ouvrages bilingues comme A Dictionarie of the French and English Tongues (1611) de Randle Cotgrave, si des publications comme les Curiosités françoises d’Antoine Oudin et celles des grammairiens Gilles Ménage et Claude Favre Vaugelas, si le Dictionnaire royal (1664) de François Antoine Pomey (1619-1673), le Grand Dictionnaire des précieuses (1661) d’Antoine Baudeau de Somaize fournissent toutes sortes de renseignements lexicaux, il faut attendre 1680 pour avoir le premier dictionnaire français véritable, celui de Richelet.

Le Richelet

Le Dictionnaire français contenant les mots et les choses a paru à Genève, l’Académie ayant en France un privilège exclusif. César Pierre Richelet (1631-1698) a voulu en faire un dictionnaire du bon usage : des astérisques signalent les emplois figurés, les termes archaïques, « bas » ou triviaux, les mots dialectaux, certains néologismes et les expressions de caractère nettement technique ; des croix signalent même les mots qui ne sont pas de « bonne compagnie », quoique l’auteur aime bien introduire des gauloiseries, des allusions apparentes à ses contemporains. C’est enfin le premier d’une longue série de dictionnaires à exemples littéraires choisis chez les « bons auteurs » du xviie s.

Le Furetière (1690)

La préparation du Dictionnaire universel, qui parut à Rotterdam, valut à son auteur d’être chassé de l’Académie. Furetière est avant tout un témoin, et le principal mérite de son ouvrage est la richesse, même s’il a omis de noter des termes qui figurent chez Richelet et dans le Dictionnaire de l’Académie. Généralement, sauf pour les termes de civilisation, les définitions sont précises et courtes. Avec des inégalités et des lacunes, la part accordée au vocabulaire technique est très importante, si bien que l’ouvrage servira de base à la première édition (en 3 volumes) du Dictionnaire de Trévoux (1704), vaste ouvrage encyclopédique qui eut sept éditions dans le courant du xviiie s.

Le Dictionnaire de l’Académie

C est notamment pour éditer un dictionnaire que Richelieu a fait fonder en 1635 l’Académie royale. L’ouvrage ne sera présenté à Louis XIV que le 28 juin 1694. Il est puriste et exclut les mots archaïques et bas ainsi que les néologismes, les « termes d’emportement qui blessent la pudeur », les « mots de métiers et de sciences ». Plutôt que de donner des exemples d’écrivains, l’Académie propose elle-même des phrases dans lesquelles les mots étudiés se trouvent employés. La particularité de l’ouvrage est le classement étymologique, « par racine », des entrées, fondé sur les travaux de Ménage et auquel on renoncera pour les éditions suivantes (1718 ; 1740 ; 1762 et — édition portative — 1777 ; 1798 ; 1835 ; 1877, édition novatrice pour les admissions et l’orthographe : 1932-1935). Une nouvelle édition est en préparation. Malgré ses lacunes et son orientation puriste, ses rééditions jouissent d’un grand prestige en raison de l’autorité socioculturelle de l’Académie, et les grammairiens de stricte observance s’y réfèrent souvent.

Le Littré. Le Dictionnaire général

Après l’Encyclopédie*, le Dictionnaire de la langue française de Littré (4 volumes parus de 1863 à 1873 ; 1 volume de supplément en 1877) se réfère avant tout à la langue française classique (xviie et xviiie s.). Sauf dans le supplément, pour lequel on a dépouillé même les journaux contemporains, les exemples d’auteurs du xixe s. sont rares. L’ouvrage se veut historique : une brève définition est suivie d’exemples pourvus de références. Quand le mot présente des sens divers, ces derniers sont numérotés, mais très rarement regroupés ; ainsi, l’article faire offre 82 divisions. On termine l’article par une partie étymologique aujourd’hui caduque, des exemples de langue médiévale et des remarques grammaticales et même orthographiques. Le Littré est considéré comme le meilleur dictionnaire de la langue littéraire classique et comme un modèle pour la lexicographie.