Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Algérie (suite)

Cependant, l’influence grandissante des ulémas ne manque pas d’inquiéter les autorités françaises. Celles-ci entreprennent d’entraver leur action en leur interdisant, entre autres, de commenter le Coran et de prêcher dans les mosquées d’État. Néanmoins, l’influence des ulémas reste considérable parmi la population. Elle ne commence à décliner qu’après la mort de Ben Badis, survenue en 1940.

Avec la faillite du maraboutisme et des confréries religieuses, le rôle historique des ulémas est terminé. Dès lors, tout en conservant son caractère religieux, le mouvement national s’attaque directement et avec plus de vigueur aux autorités françaises. Au demeurant, ce courant est antérieur à l’Association des ulémas. Il se réclame de l’émir Khaled, petit-fils d’Abd el-Kader, considéré comme le précurseur du mouvement nationaliste, pour avoir mené dès 1926 une action en faveur de l’indépendance de l’Algérie.


L’Étoile nord-africaine

En 1926, également, est fondée à Paris, sous l’impulsion de Hadj Ali Abd el-Kader, membre du Comité directeur du parti communiste, une organisation pour « la défense des intérêts matériels, moraux et sociaux des musulmans nord-africains » : l’Étoile nord-africaine. Cette association groupe presque exclusivement des ouvriers algériens. Dès 1927, elle trouve en la personne d’Ahmed Messali Hadj, un ancien militaire de vingt-neuf ans, un dirigeant éloquent, organisateur et énergique. Très vite, son influence grandit parmi les ouvriers algériens en France. En 1929, l’Étoile est interdite pour avoir revendiqué l’indépendance de l’Afrique du Nord ; elle n’en poursuit pas moins une propagande clandestine. En 1933, lorsqu’elle reprend son activité publique, Messali et ses deux lieutenants, Imsche Amor et Belkacem, sont arrêtés pour reconstitution de société dissoute. En février 1934, alors que ses chefs sont en prison, l’organisation reparaît sous le nom d’« Union nationale des musulmans nord-africains ». L’année suivante, la Cour de cassation casse les jugements condamnant Messali et ses amis. Mais, quelques mois plus tard, des chefs du mouvement sont de nouveau emprisonnés, et Messali n’échappe à l’arrestation qu’en se réfugiant à Genève.

Avec le Front populaire, il revient en France et, au mois d’août 1936, il transporte son mouvement en Algérie : trente sections de l’Étoile nord-africaine seront fondées à travers le pays. On assiste alors à une évolution du mouvement. Avant de se transporter en Algérie, l’Étoile était un parti prolétarien dans lequel la conscience de classe passait avant la conscience nationale ; d’où son caractère anticolonialiste et ses attaques contre l’« odieux code de l’indigénat », la mainmise des Français sur les richesses du pays et la « confiscation des grandes propriétés accaparées par les féodaux alliés des conquérants, les colons et les sociétés financières ». Pour remédier à cette situation, l’Étoile réclamait la remise des terres aux paysans, des lois sociales et l’élargissement du crédit agricole. Sur le plan national, elle se contentait alors de revendiquer la reconnaissance de l’arabe comme langue officielle, son emploi obligatoire dans l’enseignement et la création d’un « Parlement national élu au suffrage universel sans distinction de race et de religion ».

En Algérie, le mouvement devient un parti national, groupant toutes les couches de la population. Il ne s’agit plus désormais de défendre des revendications sociales, mais de mettre en cause le régime colonial lui-même, jugé incapable de résoudre les problèmes du pays.

En 1936, Messali lance le mot d’ordre d’indépendance. La même année, il dénonce le projet Blum-Viollette, qui, en accordant les droits politiques aux « évolués algériens », pourrait détourner les esprits du nationalisme. Le ministère Léon Blum est même dénoncé comme étant aussi impérialiste que ses prédécesseurs. Aussi, au début de 1937, le mouvement est-il dissous par le gouvernement du Front populaire.

Avant son interdiction, le mouvement de Messali était entré en conflit avec le parti communiste, qui, changeant de tactique, avait admis la possibilité de la souveraineté française et l’efficacité de l’action civilisatrice de l’Occident.

Mais la plus grande hostilité vient du docteur Ben Djelloul, l’un des dirigeants des Fédérations des élus, qui préconise non pas l’indépendance du pays, mais l’égalité de tous les Algériens sans distinction de race et de religion, autrement dit l’abolition du statut colonial et l’intégration de l’Algérie à la France.


Le Parti du peuple algérien (P. P. A.)

Le 11 mars 1937, pour reprendre son activité publique, l’Étoile nord-africaine se transforme en parti régulièrement déclaré : le Parti du peuple algérien (P. P. A.). À l’instar des ulémas, la nouvelle formation adopte une tactique modérée. Ses dirigeants comptent sur la bonne volonté et le concours de la France pour amener l’Algérie vers l’indépendance. Le chef du P. P. A., Messali, est pourtant arrêté le 27 août 1937 pour « excitation à des actes de désordre contre la souveraineté de l’État », condamné à deux ans de prison et privé de ses droits civils, civiques et politiques.

Touché par la répression qui s’abat sur ses militants, le P. P. A. gagne en prestige auprès de la population. Le 27 août 1939, Messali est libéré. Mais, peu après, son parti est interdit et lui-même est de nouveau interné ; le 28 mars 1941, il est condamné à seize ans de travaux forcés et vingt ans d’interdiction de séjour. Un mois plus tard, il est placé en résidence surveillée dans un petit village non loin de Boghari, avant d’être transféré à Brazzaville en avril 1945, à la suite de troubles locaux. Il rentre en Algérie en juin 1946 et reprend son activité publiquement. Durant l’absence de son chef, le P. P. A. a poursuivi son action dans la clandestinité. Ses militants ont noyauté les organisations algériennes et principalement les Amis du manifeste.