Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

design (suite)

Que l’agence de design soit libre (« free lance »), ou bien qu’il s’agisse d’un département intégré à l’entreprise industrielle, son intervention n’est pas postérieure à celle des autres départements, de marketing ou d’engineering (v. aménagement des établissements industriels) ; elle est simultanée. Si l’engineering est responsable de la valeur technique du produit, le marketing de sa valeur d’échange, la spécificité du design est d’être responsable de sa valeur d’usage. Mais celle-ci ne peut être étudiée isolément. En collaboration avec l’engineering, le design aborde les problèmes formels et ergonomiques, coordonne la conception interne et la conception externe, suit le produit depuis la décision de lancement jusqu’au prototype et aux essais. En collaboration avec le marketing, qui lui fournit des données recueillies grâce aux études de marché, le design élabore le conditionnement des produits et participe à l’information assurée par la firme autour de ses produits. L’une des meilleures chances du design pour échapper à la subordination commerciale dans laquelle échoua le styling est de parvenir à équilibrer le rapport producteur/consommateur. Le produit ou le service à la réalisation duquel le design collabore doit répondre parfaitement aux besoins sociaux. Dans cette optique, si l’avenir du design dépend d’une meilleure information du public, il dépend aussi d’une meilleure expression de la demande, au travers des organisations de consommateurs ; le design peut alors aider les consommateurs à mieux résister aux pressions du marché. Roger Talion a pu écrire à ce sujet : « La pratique du design industriel [...] constitue (lorsqu’elle est exercée sans contrainte ni perversion) un engagement d’utilité publique susceptible de maintenir et de développer la vocation utilitaire et sociale au sein des outils de production nationalisée et, dans le cas de la production privée, de constituer dans une certaine mesure un pas « récupérateur » au profit de la société consommante. »


Les champs d’activité

Le design atteint son plus haut niveau de complexité dans les pays possédant l’industrie la plus évoluée et la mieux planifiée. Sa généralisation s’est opérée principalement après la Seconde Guerre mondiale. Le premier centre de design est créé à Londres, en 1944, par le ministère du Commerce. Depuis cette époque, il organise des expositions et édite une revue, afin d’éduquer le consommateur. Par un système de concours et de sélection des produits, il encourage les entreprises à inclure le design dans leur politique.

En Europe, alors que la France demeurait ignorante de ces problèmes (le premier centre de design français, le Centre de création industrielle, ne date que de 1969) et que les pays scandinaves restaient attachés à un design primitif, surtout consacré au mobilier, se développaient deux tendances que l’on peut aisément distinguer. L’Allemagne restait fidèle à un type de design très traditionnel, la plupart de ses praticiens ayant été formés à la célèbre école d’Ulm, héritière du Bauhaus. Les objets très purs et presque sévères de la firme Braun en sont l’illustration. À l’opposé, l’Italie, cherchant à pallier son retard industriel et n’ayant pas subi l’influence du Bauhaus, inventait un design plus audacieux, s’exerçant dans le domaine de l’aménagement intérieur, des petits appareils ménagers ou du matériel de bureau (voir, par exemple, la firme Olivetti ou l’atelier Danese).

Les pays socialistes, longtemps fermés à ces pratiques, réagissent depuis quelques années. Le « réalisme socialiste » ayant échoué, aussi paradoxal que cela puisse paraître, dans les mêmes excès décoratifs et ostentatoires que le « styling », le gouvernement soviétique a créé en 1962 un institut de design, le VNIITE. Possédant neuf filiales réparties dans les diverses républiques et employant 6 000 personnes, il peut donner l’exemple d’un design ne subissant aucune contrainte de concurrence. Mais c’est aux États-Unis que l’activité du design est la plus intense ; on y compte 3 500 professionnels syndiqués et 16 universités enseignant le design.

D’abord consacré aux seuls objets, le design a peu à peu étendu son activité, en même temps que l’industrie couvrait un champ de plus en plus vaste de la production. Ainsi se sont créées, au sein du design, des branches plus spécialisées, se substituant à des disciplines traditionnelles non méthodiques. Le terme le plus répandu d’industrial design s’applique tout particulièrement au secteur des objets, outils, machines industrielles et agricoles, moyens de locomotion... La fabrication du mobilier se faisant encore et surtout suivant un mode artisanal, et chacune de ses pièces, chaise, table, lit, n’étant dans la plupart des cas que revue formellement, sans remise en cause de ses diverses fonctions, cette branche du design apparaît comme la plus conservatrice. Les « containers », blocs homogènes assurant plusieurs fonctions jusqu’alors éclatées dans le mobilier traditionnel — ainsi la « mini-kitchen » de Joe Colombo (1930-1971) —, marquent une rupture plus nette. En fait, les expériences les plus avancées du design correspondent aux secteurs technologiques de pointe : « mass-transit » (transports), recherche aérospatiale.

Dès ses débuts, le design s’est également appliqué à la typographie, l’illustration, l’affiche, etc. C’est le graphic-design. De nombreuses firmes confient à une agence de design aussi bien la conception de leurs produits que celle de leurs catalogues, de leurs papiers administratifs. Dans ce cas, le design est apte à faire évoluer la publicité dans le sens d’une information. Ce genre de programme débouche de plus en plus souvent sur l’utilisation des techniques audio-visuelles.

À l’architecture traditionnelle considérée comme un art, c’est-à-dire imposant au groupe les conceptions personnelles d’un architecte-artiste, l’architectural design oppose le mode de conception collectif et se trouve mieux armé pour apporter des solutions objectives. La construction par éléments préfabriqués, dont l’industriel Jean Prouvé (né en 1901) a été, en France, l’un des promoteurs, est un moyen pour parvenir à une architecture rationalisée, aussi bien du point de vue formel qu’économique (v. préfabrication). Il faut également signaler le travail des « coloristes-conseils » qui, en particulier dans les grands ensembles industriels ou d’habitation, tentent de résoudre les problèmes de l’environnement coloré. Plus ambitieux encore est l’environmental design, la branche la plus neuve du design. Il s’agit d’une activité globale visant à la conception d’espaces autonomes (aéroports, supermarchés...) comme d’ensembles urbains comprenant l’habitat et ses annexes, les autoroutes, les réseaux de distribution et de signalisation, etc.