Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

désarmement

Action concertée menée dans l’intention d’obtenir une limitation, une suppression ou une interdiction de la fabrication ou de l’emploi de tous ou de certains armements dans le monde entier ou dans une zone géographique déterminée.



Introduction

Les notions de limitation des armements et d’arbitrage sont aussi anciennes que le fléau de la guerre. On en trouve les premiers signes aussi bien dans les cités grecques (accords de Mycènes, 1500 av. J.-C.) qu’en Chine (accords entre les provinces du Fleuve-Jaune et du Yangzi [Yang-tseu], 600 av. J.-C.). Au Moyen Âge, c’est l’Église catholique qui, par les notions de paix ou de trêve de Dieu, s’efforce de réglementer la guerre en cherchant à protéger les populations et à limiter les guerres privées, tandis que ses conciles de Clermont (1095) et du Latran (1139) tentent de proscrire l’emploi des armes les plus destructrices (arbalète).

Parallèlement, de même que les papes s’efforcent de proposer leur arbitrage aux rois, ceux-ci l’imposent à leurs vassaux turbulents. Ces efforts s’accompagnent assez rapidement d’une réflexion sur la guerre et la paix. Au xive s., l’université de Salamanque essaie de définir la notion de « guerre juste ». Des théoriciens dressent des plans de paix perpétuelle depuis Henri IV et son grand dessein jusqu’à Kant (Zum ewigen Frieden, 1795), en passant par Jean Bodin, Grotius (De jure belli ac pacis, 1625) et l’abbé de Saint-Pierre. Les notions d’équilibre des forces et de désarmement régional ou partiel apparaissent lors du traité de Westphalie (1648). En 1815, la Sainte Alliance veut organiser la sécurité européenne ; en 1823, la doctrine de Monroe pose le principe de la non-intervention des Européens en Amérique. Dans son livre Destin de la paix (1969), Jules Moch peut remarquer « qu’à la fin de cette période d’initiatives partant du sommet sans participation des peuples, les principales idées aujourd’hui en discussion ont déjà fait leur apparition ».


Du xixe s. à la Seconde Guerre mondiale

Princes, hommes d’État, congrès et conférences multiplient dès lors les initiatives. À partir de 1847 ont lieu des congrès pacifistes internationaux et, en 1863, un Genevois, Henri Dunant (1828-1910), fonde la Croix-Rouge*, tandis que Napoléon III lance un appel au désarmement. Une conférence réunie à Genève en 1864 rédige une convention assurant les soins à tous les blessés et créant un statut de non-combattant au personnel sanitaire.

Réunie en 1899 à l’initiative du tsar Nicolas II, la conférence de La Haye suggère la réduction des armées, interdit les bombes aériennes, les gaz toxiques et les balles dum-dum. Elle proclame l’arbitrage obligatoire et crée une Cour permanente installée à La Haye en 1901. Réunie de nouveau en 1907, à l’instigation du président Théodore Roosevelt, cette conférence définit les droits et devoirs des pays neutres et rend obligatoire la déclaration de guerre avant l’ouverture des hostilités. Les traités d’arbitrage se multiplient : en 1909 on en recense 314, dont 194 sont encore en vigueur en 1972. Enfin, le dernier des 14 points du président Wilson (janvier 1918) prévoit, avant la fin de la Première Guerre mondiale, la création d’une Société des Nations (S. D. N.), et le désarmement que les Alliés imposeront à l’Allemagne est conçu comme une étape vers celui de tous les peuples. (Ainsi, en 1922, le traité de Washington limite par unité et catégorie les tonnages des navires de guerre.)

En 1924, le protocole de Genève adopté par la S. D. N. rend l’arbitrage obligatoire sous peine de sanctions économiques, financières ou militaires ; un autre protocole interdit en 1925 l’emploi des armes chimiques et biologiques et une Cour permanente de justice internationale est créée à La Haye à côté de la Cour permanente d’arbitrage. Au moment où, à Locarno (1925), sont garanties les frontières occidentales de l’Allemagne, apparaît ainsi la trilogie arbitrage-sécurité-désarmement. En 1928, Briand* et Kellog rédigent « un acte général pour le règlement pacifique des différends internationaux », et une conférence générale du désarmement groupant 61 nations se réunit à Genève en 1932. Tous ces efforts seront pourtant réduits à néant par l’attitude brutale de l’Allemagne, qui (comme le Japon) quittera la S. D. N. et entamera en 1935 la série des coups de force qui aboutira à la Seconde Guerre mondiale. Cette période soulignera l’impuissance de la S. D. N., aussi bien quand elle tentera d’empêcher les interventions étrangères dans la guerre d’Espagne (1936-1939) que quand elle exclura l’U. R. S. S., en décembre 1939, en réponse à l’agression soviétique contre la Finlande.


Le désarmement à l’ère nucléaire

Succédant à la S. D. N., l’Organisation* des Nations unies (O. N. U.) est créée en 1945 à San Francisco. L’article 26 de sa charte traite de la limitation et du contrôle des armements, mais le Conseil de sécurité s’en dessaisit au profit d’une Commission de l’énergie atomique (1946) et d’une Commission des armements conventionnels (1947). En 1952, une Commission unique du désarmement rassemblera les onze pays membres du Conseil de sécurité et le Canada. En 1954 s’y ajoutera un sous-comité limité à la Grande-Bretagne, à l’U. R. S. S., aux États-Unis, au Canada et à la France. En fait, les discussions sur le désarmement suivirent étroitement l’évolution des rapports américano-soviétiques. Des plans plus ou moins détaillés sont proposés à l’Est comme à l’Ouest ; ils échoueront tous sur le problème du contrôle ou sur celui de l’ordre à observer dans les phases du désarmement. On citera notamment le projet de pool atomique dû au président Eisenhower (1953), qui aboutira partiellement sous la forme d’une agence internationale pour l’énergie atomique créée à Vienne en 1957, et le plan polonais Rapacki de dénucléarisation de l’Europe centrale (1957). En 1955, la France avait proposé de verser les économies réalisées sur le budget militaire à un fonds d’aide aux pays en voie de développement. Au moment de l’échec des conférences du désarmement réunies par l’O. N. U. à Lancaster House (1954-1956), les quatre grands, d’accord sur le principe du désarmement, doivent avouer leur impuissance à « parvenir à une entente sur des méthodes et des garanties efficaces pour l’atteindre ». Malgré l’adjonction, en 1961. de huit membres « non engagés », la conférence de Genève s’enlisera dans d’interminables discussions : la France la quittera en 1962.