Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alger (suite)

En 1830, les Français découvrent Alger avant l’Algérie. Très naturellement, la capitale des Turcs devient la métropole de la colonisation, le centre des fonctions administratives et militaires, le principal port d’arrivée des immigrants et des marchandises, un lieu privilégié de transit et de commerce entre la France et sa colonie. Une ville européenne se juxtapose à celle des Turcs avec une population longtemps plus nombreuse que celle des Algériens. En 1906. Alger compte 112 000 habitants d’origine européenne et 33 000 musulmans seulement. En 1954, à la veille de la guerre d’indépendance, les Européens sont toujours plus nombreux dans la ville que les Algériens (193 000 et 162 000 personnes). La population européenne est d’ailleurs très variée, à l’image d’une ville étendue en arc de cercle et qui contemple la rade et le port : les quais s’allongent vers le sud depuis le site d’origine jusqu’au bassin de Mustapha ; la vie administrative et culturelle s’organise autour des avenues d’un nouveau centre urbain entre la Casbah, les facultés, le gouvernement général, la Grande Poste ; une bourgeoisie, d’origine européenne, installe ses villas luxueuses sur les hauts de Mustapha et d’El-Biar ; le petit peuple des artisans et des commerçants, des ouvriers et des employés se tasse dans les quartiers riches en couleurs et en accents de Belcourt et de Bab-el-Oued.

Mais les Algériens commencent bien avant l’indépendance l’« algérianisation » de la capitale des Français d’Algérie, grâce à une forte immigration intérieure qu’attirent les possibilités d’emplois offertes par le port, la ville et les industries. La population algérienne ne cesse d’augmenter au début du xxe s., et le rythme s’accélère après la Seconde Guerre mondiale, en même temps que se multiplient les quartiers surpeuplés et les bidonvilles périphériques. Dès 1954, l’agglomération compte plus d’Algériens (293 000) que d’Européens (277 000), si la ville même reste encore à majorité européenne. Aussi, le drame de huit ans de guerre s’exprime-t-il ici avec une force singulière, quasi symbolique, dans l’exaspération de passions toutes méditerranéennes. Les patriotes algériens engagent la bataille d’Alger, bataille de l’ombre, dans les ruelles de la Casbah. Les Français d’Algérie célèbrent leurs derniers espoirs sur les places d’Alger le 13 mai 1958. L’évolution, depuis longtemps engagée, se précipite en 1962 avec l’indépendance et le départ rapide des Européens.


Les activités économiques

Capitale d’un État indépendant dont le rayonnement international n’est pas négligeable, deuxième métropole économique du Maghreb (après Casablanca), port et ville industrielle importants, Alger combine de multiples fonctions.

La fonction de capitale s’exprime aux points de vue politique et économique. Les centres de décision se trouvent à Alger : gouvernement et administration, grandes sociétés industrielles d’État (Société nationale de sidérurgie, Société nationale de transport et de commercialisation des hydrocarbures). Alger abrite la première université d’Algérie et de nombreuses grandes écoles, la presse, la radio-télévision. Une importante représentation internationale consacre le prestige que l’Algérie a acquis au cours de la guerre d’indépendance, spécialement auprès des pays du tiers monde. Dans une certaine mesure, la fonction de capitale dépasse maintenant les frontières de l’Algérie.

L’activité commerciale, ancienne, fut spécialement développée au cours de la période coloniale, mais elle a souffert des ruptures qui suivirent l’indépendance. Elle se développe maintenant sur de nouvelles bases. Le port d’Alger, remarquablement outillé, se présente comme un port de marchandises diverses, moins important par le tonnage que les ports d’exportation de matière brute comme Annaba, Bejaia, Arzew ou Skikda. Il exporte des hydrocarbures et du minerai de fer, mais aussi du vin, des primeurs et des agrumes (2 Mt aux sorties). Il importe surtout des biens d’équipement pour l’ensemble du pays (plus de 2,5 Mt aux entrées). C’est aussi le premier port de passagers d’Algérie. L’agglomération algéroise abrite encore l’aéroport international de Dar el-Beida. Un réseau dense de communications intérieures (routes et chemin de fer), organisé autour de la capitale, matérialise la fonction de plaque tournante des transports et du commerce de collecte et de distribution.

Timidement esquissée avant la Seconde Guerre mondiale, l’industrialisation s’est affirmée surtout au cours des dernières années de la période coloniale. Alger emploie environ 50 000 ouvriers. C’est, de très loin, le principal centre industriel d’Algérie. De nombreuses branches sont représentées dans des entreprises diverses par la taille et par le statut (sociétés privées, entreprises d’État ou mixtes, usines autogérées) : le raffinage du pétrole, la métallurgie différenciée (chaudronnerie, tréfilerie, etc.), l’automobile (Renault, Berliet), la chimie, l’industrie alimentaire (huilerie), la chaussure (Bata), le bâtiment (cette dernière activité a été particulièrement touchée par la récession qui suivit l’indépendance). Ainsi existe-t-il dans l’agglomération algéroise un marché de l’emploi plus large et plus différencié que dans aucune autre ville algérienne.


Les quartiers et les habitants

En dépit du départ massif des Européens, l’agglomération n’a pas cessé de s’accroître. L’immigration de ruraux d’Algérie a compensé, et au-delà, l’exil des Français d’Alger. Le Grand Alger, qui ne comptait pas 700 000 habitants en 1954 et environ 800 000 personnes à la veille de l’indépendance, abrite maintenant plus de 1 million d’habitants. La diversité algérienne a maintenant remplacé le cosmopolitisme des Européens, car plus de la moitié de la population actuelle est immigrante de fraîche date. Aux vieux Algérois s’ajoute une masse de plus en plus pléthorique de Kabyles, de gens de la Mitidja et des montagnes voisines, des fellahs du Constantinois.

Les Européens forment maintenant une minorité composée de cadres de la coopération et des derniers représentants de la période coloniale (environ 30 000 personnes).