Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

démocrate (parti) (suite)

De fortes réserves s’imposent. D’une part, si le parti démocrate a résisté aux fédéralistes, aux whigs (à l’époque de Jackson), aux républicains, son programme n’est pas demeuré immuable. Jefferson défendait les droits des États contre les empiétements du gouvernement fédéral ; Roosevelt accentue l’intervention de l’administration de Washington. La participation aux affaires du monde n’est une tradition chez les démocrates que depuis la présidence de Wilson. À la veille de la guerre de Sécession, les « slavocrates » dominaient le parti ; aujourd’hui, la défense des droits de la minorité noire est un élément essentiel de la plate-forme démocrate.

D’autre part, on peut, sans difficulté, distinguer des démocrates de gauche, du centre et de droite. Les démocrates du Sud sont hostiles aux mesures de déségrégation ; ceux du Nord les ont votées et s’efforcent de les faire appliquer. Des démocrates, comme les sénateurs J. W. Fulbright, E. M. Kennedy ou G. S. McGovern, combattent la politique indochinoise de leur gouvernement, que le président soit Johnson ou Nixon ; des sénateurs ou des représentants de leur parti la soutiennent à fond.

S. G. Cleveland, W. Wilson, J. F. Kennedy ont donné à leur parti la réputation de préférer l’honnêteté aux pratiques corrompues des « machines ». Pourtant, certaines grandes villes vivent sous le règne de « bosses » puissants.

Il n’existe aucune discipline de vote au Congrès. Les majorités se forment et disparaissent en fonction des questions traitées : conservateurs de toutes origines ou libéraux se regroupent plus aisément que démocrates ou républicains. Il est même fréquent qu’un président s’entende mieux avec les « congressmen » du parti adverse qu’avec ceux de son propre parti : ce fut le cas d’Eisenhower, qui entretenait d’excellentes relations avec le chef du parti démocrate au Sénat, Lyndon B. Johnson (1908-1973).

Somme toute, la bataille entre les diverses tendances se livre au cours des élections primaires, et l’hétérogénéité du programme démocrate correspond à celle de son électorat.


L’électorat démocrate

Depuis la présidence de Roosevelt, la majorité du corps électoral est favorable aux démocrates. Pourtant, cet électorat est divers : le Sud vote démocrate, « solidement » ; c’est l’inverse qui se produit dans les grandes villes.

Encore convient-il de distinguer entre le centre des agglomérations et les banlieues, qui sont plutôt républicaines. Les ouvriers et les syndicats, les juifs, les Italiens, les Irlandais et les autres catholiques, les immigrants d’arrivée récente — sensibles à l’accueil que leur a toujours réservé « la machine » du parti —, les Noirs, qui ont cessé de voir dans les républicains les libérateurs des esclaves, tous votent démocrate.

Clinton L. Rossiter dépeint l’électeur typique qui soutient le parti en ces termes : « C’est un ouvrier non qualifié, pauvre, jeune, syndiqué, catholique, d’une famille d’immigrants, d’instruction limitée à l’école primaire. » Il ajoute que ces critères sont beaucoup trop systématiques : les intellectuels, les protestants fondamentalistes du Sud, des familles aisées, voire patriciennes (que l’on songe aux Roosevelt, aux Kennedy, à W. R. Hearst), des ouvriers qualifiés, comme ceux qui habitent les banlieues de Chicago ou de Détroit, sont aussi des électeurs démocrates.

En fait, le parti démocrate n’est pas monolithique. Il est la résultante d’intérêts divers, voire opposés. Pour faire une étude exhaustive, il faut analyser la situation du parti État par État. L’étude gagnera en précision, mais non pas en clarté.

Il est vraisemblable que notre époque connaît un nouveau clivage politique. Le parti démocrate deviendra-t-il le porte-parole des forces urbaines, donc des partisans du Welfare State, ou bien refusera-t-il de renoncer aux combinaisons traditionnelles des politiciens ?

L’évolution dépendra du leader que le parti se donnera. Depuis 1963, il a cherché l’homme qui puisse galvaniser les énergies et qui possède le pouvoir d’agir sur les foules. James Earl Carter (né en 1924), élu en 1976 à la présidence, sera peut-être l’homme du renforcement du pouvoir présidentiel, renforcement qui est la tendance irréversible de la vie politique américaine.

A. K.

➙ Cleveland (S. G.) / États-Unis / Johnson (L. B.) / Kennedy / Républicain (parti) / Roosevelt (F. D.) / Wilson (Th. W.).

 W. E. Binkley, American Political Parties, their Natural History (New York, 1943 ; nouv. éd., 1962). / C. Rossiter, Parties and Politics in America (Ithaca, 1960 ; trad. fr. Démocrates et Républicains, Seghers, 1965). / A. Kaspi, la Vie politique aux États-Unis (A. Colin, 1970). / J. K. Galbraith, la Gauche américaine (Fayard, 1971).

démocratie

Terme désignant à la fois l’idéal du gouvernement du peuple par lui-même et les institutions de fait ou de droit qui s’en réclament.


La description des formes contemporaines de démocratie montre qu’elles présentent toutes au moins deux caractères communs. En premier lieu, elles constituent des régimes représentatifs. La simple dimension des sociétés rend caduques les formes antiques de la démocratie directe.

Le second caractère commun à toutes les démocraties est leur idéologie, héritée du xviiie s. L’idée démocratique est souvent assimilée à l’idée égalitaire. Celle-ci renvoie immédiatement à l’idée d’évolution, puis de progrès : sous peine de mort, la démocratie doit affirmer que, si l’égalité n’existe pas dès à présent, elle est au moins à venir. C’est-à-dire qu’en dépit des apparences il ne peut pas y avoir de système démocratique qui soit conservateur.

Les démocraties contemporaines peuvent être regroupées sous cinq chapitres constituant deux groupes très distincts avec une forme transitoire, l’ensemble constituant ce que l’on peut appeler le cycle de la démocratie.


Démocratie modérée et démocratie concurrentielle

Le premier groupe comporte les deux types de démocraties que nous appellerons respectivement modérée et concurrentielle.