Peintre et dessinateur belge (Antheit, près de Huy, 1897).
Son père est avocat à Bruxelles, où il passe son enfance. De 1920 à 1924, il suit les cours de l’Académie des beaux-arts de Bruxelles. Il admire Ensor* et certains peintres de Laethem-Saint-Martin, en particulier Gustave De Smet, et se rapproche du courant surréaliste, en marge duquel il se tiendra cependant toujours. C’est à partir de 1935 que se constitue l’univers caractéristique de sa peinture.
Delvaux ne crée pas de formes inédites, comme Joan Miró, André Masson, Arshile Gorky ou Roberto Matta ; il rejoint au contraire l’autre tendance du surréalisme*, celle d’une technique impersonnelle, sans trace décelable de la main de l’artiste, visant à une fidélité quasi photographique aux formes du visible. Sa peinture est appliquée, presque fatiguée par le labeur, mais sans tomber cependant dans l’excès de précision ; elle n’est pas fin en elle-même, cause immédiate de délectation, mais simple moyen de fixer, de révéler les visions étranges de l’artiste. Ce sont des mises en scène d’une étonnante cohérence, se renouvelant d’année en année dans leur agencement, mais avec une figuration humaine et des cadres d’architecture inchangés ; certains tableaux sont repris avec de simples variantes, des groupes de personnages passant d’une toile à l’autre, mais traduisant toujours les mêmes présences obsessionnelles.
Obsession avant tout de la femme, le plus souvent nue, déambulant dans les rues ou figée dans un rêve, d’autant plus hallucinante qu’elle se multiplie comme par un jeu de glaces, même corps répété dans le tableau et retrouvé inlassablement dans les œuvres suivantes. En face, des hommes strictement vêtus, étriqués et myopes, des savants sortis de Jules Verne, plongés dans leurs recherches et ignorant les belles rêveuses.
Le cadre est celui de cités antiques imaginaires, dans lesquelles le souvenir de Giorgio De Chirico* est évident, ou de lieux désuets, gares et leurs hôtels d’il y a un siècle où se rencontrent poteaux télégraphiques, structures métalliques et verrières, vieux tramways, trains et locomobiles... Un paysage marin peut aussi servir de théâtre, notamment dans les œuvres récentes. Derniers figurants, les squelettes humains qui apparaissent vers 1940. Ils ont eux aussi le don d’ubiquité ; parfois, ils occupent seuls la scène (squelettes dans un bureau) et figurent des épisodes de la Passion du Christ (mises au tombeau, crucifixions). Au sein de cet univers insolite, tout est lisible et présent dans les moindres détails, mais baigné d’une lumière irréelle, souvent crépusculaire. Les êtres, hallucinés, s’ignorent les uns les autres, totalement « aliénés » dans un décor anachronique ; le tableau est le miroir glacé de leurs inhibitions.
La vie du peintre semble se confondre avec la création de son œuvre : entre ses amis et ses tableaux, il reste très éloigné des remous de l’actualité. À signaler quelques dates importantes : 1947, décor du ballet de Jean Genet ’Adame Miroir ; 1948, édition de Poèmes, peintures et dessins avec Paul Eluard, participation à la XXVIe Biennale de Venise et film de Henri Storck, le Monde de Paul Delvaux ; 1950, professeur de peinture murale à l’École d’art et d’architecture de Bruxelles ; 1952, peintures murales au Kursaal d’Ostende ; 1954, peintures murales chez Gilbert Périer à Bruxelles ; 1957, participation à la IVe Biennale de São Paulo ; 1966, début d’une activité de graveur ; 1968, salle personnelle à la XXXIVe Biennale de Venise.
M. E.
E. M. Langui, Paul Delvaux (Venise, 1949). / Les Dessins de Paul Delvaux, prés. par M. Nadeau (Denoël, 1967). / P.-A. De Bock, Paul Delvaux (Pauvert, 1968). / J. Meuris, 7 Dialogues avec Paul Delvaux (le Soleil noir, 1971).