délire (suite)
3. Le délire d’imagination, ou paraphrénie, consiste en une sorte de fabulation fantastique faite de souvenirs et d’événements déformés ou créés de toutes pièces par une imagination débordante. Les idées de ces malades sont extravagantes, avec des croyances en des phénomènes surnaturels bizarres, de dimension cosmique. Les malades imaginent des scénarios extraordinaires, des situations qui défient tout bon sens : délires mégalomaniaques de filiation, d’identification à des personnages illustres, de métempsycose, délires politiques ou métaphysiques extravagants. Malgré la richesse des idées délirantes, les malades continuent à mener une existence quotidienne apparemment normale. Le contraste entre un délire fantastique et une activité sociale conservée est très caractéristique du délire paraphrénique.
Il convient de noter que les psychoses délirantes aiguës et les délires chroniques ne résument pas toute la pathologie mentale dans laquelle s’observent des idées délirantes. Celles-ci se rencontrent encore comme symptôme secondaire dans les confusions mentales, où il s’agit davantage d’un onirisme que d’un délire, dans les démences*, dans la schizophrénie et dans certaines formes de dépression mélancolique (v. mélancolie).
Le traitement des délires
Il faut distinguer comme précédemment les psychoses délirantes aiguës, qui sont généralement curables avec restitutio ad integrum, et les psychoses délirantes chroniques, qui ne peuvent être que stabilisées ou améliorées par les traitements. Les premières ont vu leur évolution nettement écourtée par les neuroleptiques à bonne dose et éventuellement par les électrochocs. Les secondes sont d’un abord thérapeutique beaucoup plus difficile. Autrefois, le délire chronique, une fois installé (chez un sujet le plus souvent d’âge mûr), durait toute la vie du malade et entraînait à la longue un internement.
Depuis l’introduction des neuroleptiques en psychiatrie, depuis les efforts psychothérapiques et sociothérapiques, la majorité des délires chroniques sont nettement améliorés et stabilisés. De nombreux malades quittent l’hôpital après leur traitement et peuvent reprendre une vie quasi normale, à condition de suivre un traitement continu et de se plier à la discipline des consultations régulières. Il faut aussi que l’entourage, notamment la famille et les employeurs, fasse preuve de bonne volonté et de compréhension. Ces bons résultats sont dus à l’action des médicaments psychotropes sur l’anxiété, les troubles de l’humeur, les hallucinations et la force des convictions délirantes. Grâce à cette action médicamenteuse puissamment réductrice du délire, les malades prennent une certaine distance à l’égard de leurs idées délirantes et parviennent parfois à les critiquer totalement. Il faut bien savoir néanmoins que la conviction de certains délirants, surtout les paranoïaques et les passionnels, reste intacte malgré le traitement. Ils deviennent simplement plus indifférents, moins passionnés, leur délire tend à s’enkyster, à se limiter à quelques idées assez pauvres et peu actives. L’abord psychothérapique, facilité par la chimiothérapie, a fait de très sensibles progrès ces dernières années. Les méthodes sociothérapiques ou institutionnelles ont aussi beaucoup aidé à la réinsertion socioprofessionnelle des délirants. La plupart des délirants chroniques peuvent actuellement être hospitalisés dans les services de psychiatrie ouverts, ou traités en consultation, et l’on tend à éviter l’internement dans la mesure du possible.
G. R.
N. T. Koressios, Recherches psychothérapiques sur les délires (Maloine, 1943). / J. et L. Gayral, les Délires de possession diabolique (Vigot, 1944). / P. Guyraud et coll., Psychopathologie des délires (Hermann, 1950). / K. Schneider, Über den Wahn (Stuttgart, 1952). / A. Achaintre, les Délires (les Monographies médicales et scientifiques, 1964 ; 2 vol.). / H. Faure, les Objets dans la folie, t. II : les Appartenances du délirant (P. U. F., 1966).