Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

délinquance juvénile (suite)

Carence familiale totale

L’enfant abandonné est placé à l’Assistance publique. Il va subir les multiples avatars des placements incessants et souvent médiocres dans des familles de remplacement trop rares pour être réellement sélectionnées ; la règle du changement régulier de famille nourricière empêche l’attachement des protagonistes. Ce sont aussi les placements dans les établissements plus souvent dus à des hasards locaux et à la place libre qu’à une réflexion systématique et technique. Enfin, c’est l’orientation professionnelle fortuite et non réfléchie. Tout cela concourt à faire un enfant puis un adolescent démuni de possibilités d’identification, de confrontation à une réalité satisfaisante, abandonné à lui-même, immature, insatisfait, prêt à tout.


Carence familiale partielle

C’est l’absence de l’un ou l’autre des parents, soit décédé, soit malade « à long terme » (maladie mentale, alcoolisme, etc.). C’est l’absence de rôle parental réel : sous-prolétariat, famille trop nombreuse, délinquance du père ou de la mère (prostitution par exemple).

Tout cela a souvent comme conséquence la séparation de l’enfant d’avec son milieu familial et son placement autoritaire dans un milieu substitutif. La médiocrité des résultats obtenus doit faire réfléchir ; la séparation d’un enfant d’avec ses parents, même perturbés, est un acte ayant de graves conséquences pour l’avenir. Il ne peut être fait sans un bilan précis affirmant son caractère inéluctable, et non pas seulement sur une réalité superficielle. Une famille même démunie, même asociale ou antisociale peut être préférable à un placement apparemment justifié ; tant il est vrai qu’on ne sait pas la réelle valeur des échanges affectifs parents-enfants, alors qu’on sait la gravité de leur absence.

Le cadre socio-économique apparaît de plus en plus comme important. On touche ici au problème des milieux sous-développés, des logements insalubres, des bidonvilles et des grands ensembles. Mais c’est aussi, à un degré de plus, un problème social et éthique, celui de l’école souvent surpeuplée, mal ajustée et livrée à des pédagogues trop rares pour être tous qualifiés, celui d’une orientation professionnelle et d’un marché de l’emploi mal organisés, celui de loisirs souvent insuffisants et inadaptés.


Enfants et adolescents en danger

Indissociable de la notion de délinquance, particulièrement en ce qui concerne la prévention, la notion d’enfants et d’adolescents en danger a remplacé celle de prédélinquance, trop discriminative.

Il s’agit de mineurs chez qui le caractère et le comportement d’une part, la situation sociofamiliale et les fréquentations d’autre part laissent prévoir une possible évolution vers la délinquance. Dépistés par les divers services sociaux, ils relèvent alors de l’autorité du juge pour enfants, qui prend à leur sujet toute mesure de protection qu’il estime nécessaire.


Prévention et mesures thérapeutiques

Nous avons vu à quel point la notion de délinquance, loin d’être univoque, recouvrait un ensemble de facteurs sociologiques, psychologiques, éducatifs révélés par la transgression de la loi.

Cette complexité intrinsèque se retrouve au niveau de toutes les mesures et de toutes les structures mises en place tant pour prévenir la délinquance que pour soigner, rééduquer, réinsérer le délinquant.

La réalité est représentée par l’accomplissement d’un délit jugeable et punissable comme tel ; aussi est-ce l’instance judiciaire qui représente la plaque tournante du système.

La notion d’une juridiction infantile ayant à charge de s’occuper spécialement des mineurs est récente. Jusqu’à 1912, le droit commun s’appliquait à tous. La loi du 22 juillet 1912, remplacée par l’ordonnance du 2 février 1945, a prévu plus précisément le cas de la délinquance juvénile. Elle retire toute responsabilité à l’enfant de moins de 13 ans. Si elle fixe la majorité pénale à 18 ans, elle prévoit entre 13 et 18 ans la possibilité soit de sanctions associées à des mesures de rééducation, soit simplement des mesures de rééducation.

Un courant actuel tend de plus en plus à inclure non seulement les majeurs de 18 ans, mais aussi les jeunes adultes dans ce même système de sanction-protection. Le juge des enfants devient donc le personnage essentiel en la matière. Les ordonnances de 1958 et 1959 ont considérablement accru ses pouvoirs et précisé les mesures qu’il pouvait prendre ainsi que les structures auxquelles il pouvait faire appel dans un but de rééducation et même de sauvegarde.

En effet, à son statut de magistrat chargé de juger au sein du tribunal pour enfants s’est adjoint un rôle essentiel de protection des enfants et adolescents en danger. En matière civile et sociale, il peut non seulement être saisi par le procureur, le père, la mère, la personne investie du droit de garde, le mineur lui-même, mais encore se saisir d’office. Il contrôle toute structure publique et privée chargée de recueillir ces mineurs. Son rôle est donc complexe et riche, lui donnant une panoplie aussi variée que possible de solutions, allant de la prison à la liberté surveillée. Du point de vue juridictionnel, ses pouvoirs sont aussi libres que possible.

Il est logique de penser qu’ainsi investi le juge pour enfants est devenu un élément dynamique et promoteur au sein de l’enfance en danger. Mais la justice n’est pas isolée ; certains services publics, sanitaires et sociaux, au niveau de l’aide sociale (s’occupant particulièrement des enfants abandonnés), certaines instances ministérielles (Jeunesse et Sports), de nombreuses œuvres privées se sont efforcés de mettre peu à peu sur pied des structures de dépistage, de prévention, de rééducation, de soins et de réinsertion. La multiplicité de leur origine explique leur diversité et leur complexité.

De tout ce que nous avons dit sur le caractère contingent de la délinquance, il est facile de comprendre que, à ce niveau, prévention et rééducation se confondent en très grande partie et que les moyens mis en place s’adressent aussi bien aux jeunes délinquants qu’aux jeunes en danger moral.

Schématiquement, nous pouvons classer ces moyens en deux groupes suivant qu’ils s’adressent à un mineur laissé dans son milieu ou dans un autre milieu dit « naturel », ou bien qu’ils comportent le placement du mineur dans un établissement spécialisé.