Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

délinquance juvénile (suite)

La délinquance apparaît au sein de troubles caractériels structuraux

Il s’agit du plus grand nombre des délinquants et particulièrement de ceux qui autrefois étaient considérés comme des pervers. Une histoire déjà pleine de frustrations, de manques, de difficultés aboutit à la formation d’une personnalité où, certes, rien n’est à proprement parler pathologique, mais disharmonieux, déséquilibré. Chez ces sujets, déjà, de nombreux conflits se sont exprimés par des troubles de la conduite (enfant difficile, énurétique, agressif, menteur, sadique, etc.) ; la délinquance apparaît là comme un épiphénomène lié à une situation ou à une somme de situations plus insupportables.

Il faut reprendre les éléments distordus de cette personnalité dans une rééducation psychothérapique, tant individuelle qu’au sein du groupe. C’est l’indication majeure des établissements spécialisés.


La délinquance se situe dans un contexte franchement pathologique exprimant une structure névrotique ou psychotique déjà caractérisée

Un bilan médico-psychologique mettra facilement en évidence le degré et la forme de l’atteinte (névrose où souvent des éléments complexes phobiques, hystériques, obsessionnels se mélangent ; psychose maniaco-dépressive ; état prépsychotique).

La délinquance n’est alors qu’un symptôme parmi d’autres d’un trouble profond de la personnalité. C’est ce trouble qui déterminera l’abord thérapeutique : médicamenteux, psychothérapique, institutionnel.

En fait, il ne s’agit que d’un schéma, quand on connaît la labilité de l’enfant et de l’adolescent, qui peuvent présenter des réactions apparemment très graves mais n’engageant pas pour autant l’avenir.


Les bandes d’adolescents

L’apparition de bandes d’adolescents de plus en plus jeunes est un phénomène capital qui a entraîné une augmentation très importante du fait délinquant et amené des difficultés nouvelles et particulièrement aiguës dans son abord.

Il s’agit d’un phénomène mondial qui semble lié non pas à la guerre, puisque sa recrudescence date de 1954, mais à un certain niveau de développement socio-économique des pays en cause, ce qui ruine le mythe classique affirmant que la délinquance juvénile disparaîtrait en fonction de l’élévation du niveau de vie.

La formation de ces bandes a avant tout exprimé la séparation d’un grand nombre d’adolescents du monde des adultes, qui les ont immédiatement rejetés ; il n’y a pas d’évolution thérapeutique possible sans d’abord rétablir le pont.

Les bandes sont variables dans le nombre de leurs membres et sont le plus souvent constituées autour d’un meneur.

Souvent mixtes et incluant parfois des adultes, elles se cristallisent autour d’un comportement agressif, violent, pratiquement toujours dirigé vers la délinquance occasionnelle du moment (vandalisme, vol de voitures, hold-up, etc.).

Au niveau de l’individu, la bande apporte une impression de force et de sécurité entre jeunes, réunissant leur agressivité, leur instabilité, leur insatisfaction.

Un sentiment de puissance se dégage d’une protestation collective contre la société. La création d’un autre monde avec ses règles propres, sa socialisation immature déculpabilise le jeune et l’entraîne dans une solidarité facile mais qui recouvre une force attractive, une emprise, un moyen de pression considérable.

Dans les milieux sous-prolétariens, les bandes peuvent prendre un caractère quasi obligatoire devant la carence totale des moyens d’expression, des moyens culturels, des loisirs.

Dans les grands ensembles, elles ont consacré la séparation entre adultes ayant enfin leur H. L. M. tant désiré et les jeunes démunis de tous moyens de socialisation normale. Les grands ensembles apparaissent comme des lieux où les bandes se constituent de façon quasi expérimentale.

Mais rapidement les bandes se sont créées dans les milieux bourgeois mêmes, cristallisant une insatisfaction profonde, souvent en liaison avec des bandes d’autres origines.

Il s’est créé ainsi un véritable milieu inadapté, fondé sur la séparation d’avec les adultes et une immaturité non spontanément évolutive.

On a vu apparaître depuis quelque temps des groupes de tout milieu — mais surtout bourgeois — qui, parfois sous des apparences politiques (souvent manipulés par des adultes) et par truchement de la drogue vécue comme moyen d’expression, se livrent à une délinquance « orgiaque », à une violence asociale en nette recrudescence.

Quelle que soit l’évolution historique de la bande, il est certain qu’à partir d’un certain degré d’asocialité elle ne resocialise jamais. La seule solution est la pénétration du secours de l’adulte par l’intérieur, la reprise en charge individuelle au niveau du désir toujours existant en profondeur chez le jeune d’établir une relation valable avec l’adulte, mais en lui proposant un cadre qui ne le rejette pas dans un système répressif mais qui puisse investir sous les apparences de sa vie actuelle. « Cafés spécialisés », « voiliers au long cours », « clubs d’apparence louche » par exemple ont été dans certaines occasions les seuls moyens de reprise de contact avec des bandes particulièrement fermées.


Les causes de la délinquance

Au fur et à mesure qu’on s’est efforcé d’appréhender le vécu du délinquant et ses motivations, on a tenté d’y retrouver des causes déterminantes. Cela dans un dessein théorique et surtout thérapeutique et préventif. Ces motivations sont familiales et économiques et rejoignent bien entendu celles de toute perturbation affective juvénile. Elles sont affirmées par les statistiques, mais la connaissance de celles-ci ne permet pas de tout résoudre, et ce fait mérite qu’on s’interroge quelque peu à leur propos.

Les problèmes familiaux ont été de longue date mis au premier plan ; certes, ils le sont : 80 p. 100 des délinquants ont subi des perturbations importantes dans leur existence familiale.