Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

algèbre (suite)

Extension de la notion de groupe

Le mot groupe, dû à Galois en 1830, s’applique d’abord à des ensembles finis, comme celui des permutations entre les racines d’une équation algébrique. Sous cet aspect, il prend déjà une importance considérable dans l’ouvrage de Camille Jordan (1838-1922) intitulé Traité des substitutions et des équations algébriques (1870).

Deux étudiants étrangers qui, à Paris, fréquentaient Gaston Darboux (1842-1917) et les jeunes mathématiciens français s’enthousiasment pour les idées de Jordan et étendent de beaucoup les applications de la notion de groupe. Félix Klein (1849-1925) montre qu’une grande partie de la géométrie élémentaire — ce qui n’y est pas purement topologique — se ramène à la structure de groupe (groupes de transformation). C’est ce qu’il expose dans le Programme d’Erlangen en 1872. Sophus Lie (1842-1899) fait de la même notion un des fondements de la théorie des équations aux dérivées partielles.


Déterminants et matrices

Le concept d’espace vectoriel se rattache pour sa part à la géométrie — quant à ses origines —, et le terme de vecteur est du langage d’Hamilton et se rapporte à la représentation géométrique des quaternions. Le calcul barycentrique d’August Ferdinand Möbius (1790-1868). en 1827, et surtout les systèmes hypercomplexes imaginés en 1844 par H. Grassmann (1809-1877) ont une origine analogue.

Si les déterminants sont, en fait, connus depuis le xviiie s., avec, par exemple, les travaux de Cramer sur les systèmes d’équations affines, leur étude se développe surtout au xixe s. Le terme est repris en 1815 par Cauchy à Gauss, qui l’utilisait dans un sens légèrement différent, mais il ne devient d’usage courant qu’à partir d’un mémoire de Carl Jacobi (1804-1851), paru en 1841.

Les algébristes anglais James Joseph Sylvester (1814-1897) et Arthur Cayley (1821-1895) développent la théorie des invariants, et Cayley fonde en 1858 le calcul matriciel.


Algèbre de la logique

L’apport le plus original de l’école anglaise est relatif à la logique formelle. L’histoire de celle-ci remonte à Aristote (384-322 av. J.-C.), mais, depuis les Grecs et après l’éclat de la logique scolastique, elle ne marquait plus aucun progrès lorsque apparurent Augustus De Morgan (1806-1871) et surtout George Boole (1815-1864), qui fonde la logique mathématique moderne. Les ouvrages fondamentaux de ce dernier, The Mathematical Analysis of Logic (1847) et The Laws of Thought (1854), marquent pour Bertrand Russell (1872-1970) l’apparition des mathématiques pures. L’Américain Benjamin Peirce (1809-1880) et son fils Charles Sanders Peirce (1839-1914) ont poursuivi l’œuvre de Boole.


Algèbre abstraite

Tous les domaines des mathématiques, géométrie, mécanique, théorie des fonctions, se trouvaient envahis par les procédés algébriques et apportaient d’ailleurs chacun des notions et des problèmes nouveaux. Une œuvre de synthèse devenait nécessaire. Cette unification, commencée par Dedekind et Hilbert à la fin du siècle dernier, menait à l’axiomatisation de l’algèbre, et elle fut poursuivie par Ernst Steinitz (1871-1928) en 1910, puis par Emil Artin (1898-1962), Emmy Noether (1882-1935) et bien d’autres. C’est ainsi qu’apparaît l’algèbre abstraite contemporaine.

J. I.


Quelques grands algébristes


Arthur Cayley,

mathématicien britannique (Richmond 1821 - Cambridge 1895). Il est d’abord avocat pendant quinze ans, puis, à partir de 1863, il professe les mathématiques à Cambridge. Ses travaux portent sur la théorie des invariants algébriques, le calcul matriciel, qu’il crée en 1858, la géométrie à n dimensions. En s’appuyant sur des conceptions qu’il développe en 1859, F. Klein montrera, en particulier, que les géométries élémentaires à trois dimensions se ramènent à la géométrie projective par l’introduction d’une quadrique, l’Absolu.


Nicolas Chuquet,

mathématicien français (Paris v. 1445 - † v. 1500). Il n’est connu que par son Triparty en la science des nombres (1484), le plus ancien traité d’algèbre écrit par un Français. Il n’en existe qu’un seul manuscrit (Bibliothèque nationale), partiellement édité en 1880-1881 par A. Marre (1823-1918). Chuquet utilise les nombres négatifs et le zéro. Il emploie pour les puissances une notation exponentielle très proche de l’actuelle, avec des exposants tant positifs que négatifs. Enfin, en numération parlée, on lui doit la création des termes de billion, de trillion, de quatrillion...


Gabriel Cramer,

mathématicien suisse (Genève 1704 - Bagnols-sur-Cèze 1752). Élève de Jean Bernoulli, il est surtout connu par son Introduction à l’analyse des courbes algébriques (1750), véritable encyclopédie des courbes algébriques. Son nom reste lié aux systèmes d’équations du premier degré, dits « de Cramer » (systèmes ayant autant d’inconnues que d’équations et de déterminant non nul).


Augustus De Morgan,

mathématicien britannique (Madoura, province de Madras, 1806 - Londres 1871). Professeur de mathématiques à l’University College à Londres, il a écrit de nombreux articles d’histoire et de philosophie des mathématiques, partiellement réunis dans A budget of Paradoxes (Londres, 1872). Avec G. Boole, il est l’un des fondateurs de la logique mathématique, où les lois de dualité portent son nom. Son principal écrit en ce domaine est Formal Logic (1847).


Hermann Grassmann,

mathématicien et linguiste allemand (Stettin 1809 - id. 1877). Professeur de mathématiques dans l’enseignement moyen, réputé pour ses études de sanskrit, il est, à côté de Möbius et de Hamilton, un des fondateurs des algèbres multilinéaires. Son ouvrage Linealen Ausdehnungslehre (1844), s’il fut peu compris de ses contemporains, eut une influence considérable sur le développement ultérieur de l’algèbre.


Sir William Rowan Hamilton,

mathématicien et astronome irlandais (Dublin 1805 - id. 1865). En 1827, il succède à John Brinkley (1763-1835) dans la chaire d’astronomie à l’université de Dublin, puis est nommé astronome royal d’Irlande. En optique, sa façon de formaliser les résultats acquis à son époque est susceptible d’une double interprétation ondulatoire et corpusculaire. Ses conceptions en dynamique dépassent le domaine classique et se rapprochent, à certains égards, de la mécanique quantique actuelle. En algèbre, Hamilton découvre en 1843 les quaternions, premier exemple d’un corps non commutatif.


Leonardo Fibonacci,

dit Léonard de Pise, mathématicien italien (Pise v. 1175 - † apr. 1240). Il commence par voyager dans tous les pays méditerranéens, où il s’imprègne des connaissances mathématiques byzantines et arabes.

C’est en 1202 qu’il écrit son ouvrage principal, le Liber Abaci, traitant surtout d’arithmétique et d’algèbre. Il y utilise la numération arabe de position et s’y révèle habile algébriste.


Emmy Noether,