Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

défense (suite)

Autres formes de menace et de défense

Quelle que soit l’importance du fait atomique, elle ne suffit pas à rendre compte de toutes les formes de menaces qui s’exercent sur la liberté des peuples. Si l’image apocalyptique de la guerre nucléaire a contribué à faire reculer la probabilité d’une guerre mondiale, elle a aussi communiqué une impulsion nouvelle aux autres formes de pression par lesquelles s’exprime la politique des nations. Que ces pressions soient d’ordre politique, économique ou idéologique, elles s’appliquent aussi bien aux nations atomiques qu’aux autres ; toutes, en outre, continuent à courir le risque d’agressions militaires de type classique. Toutefois, la politique de défense des nations de second rang ne saurait ignorer les intérêts et les exigences des « grands », entre lesquels elles ne peuvent que manœuvrer en marchandant la valeur de leur position géopolitique ou de leurs richesses économiques. Cette relative indépendance du fait nucléaire éclaire l’existence des conflits limités qui, en Indochine, au Moyen-Orient ou à l’occasion de la décolonisation, n’ont guère cessé depuis 1945. Ainsi s’explique que, même pour les puissances atomiques, les systèmes de défense comprennent encore des forces militaires de type classique, destinées à répondre à toute menace non atomique ou à permettre des interventions limitées à l’extérieur, et des troupes dites « territoriales », directement chargées à l’intérieur de la sécurité des personnes et des biens. Enfin, aux systèmes de défense se rattachent, dans la plupart des pays, les organisations de protection des populations civiles (v. protection civile), dont la mission recouvre la sauvegarde à l’égard des sinistres occasionnés par la guerre ou par les calamités naturelles (incendie, inondation, etc.). Les structures de la défense, particulières à chaque pays, distinguent partout désormais le domaine de la mise sur pied et de l’équipement des forces de celui de leur emploi. Ce dernier, lorsqu’il s’agit de l’arme nucléaire, relève de la décision du seul chef de l’État, responsable devant la nation de son existence et de sa continuité.


Vers une extension de la notion de défense ?

Au terme de cette longue histoire, le problème originel de la défense apparaît aujourd’hui chargé d’une singulière complexité et semble réservé désormais — ne serait-ce que par le vocabulaire souvent hermétique de la stratégie* moderne — à un nombre restreint de techniciens. Mais, privé de sa finalité qui demeure essentiellement humaine, tout système de défense s’effondre s’il ne repose sur une volonté commune. Il lui faut « le support de l’approbation populaire, massive, profonde [...], du ressort moral, de la résolution, de la volonté de vivre qui anime un peuple » (G. Pompidou, 1969). C’est dans cet esprit que, tenant compte de la très grande vulnérabilité du monde actuel, la défense tend à s’orienter vers un domaine plus vaste que la seule perspective de résistance à un conflit armé. Traduisant la capacité physique et morale d’une nation de résister aux pressions de tous ordres qui pèsent sur son existence, la politique de défense n’a-t-elle pas pour but d’instaurer, de maintenir, voire de rétablir un état d’équilibre et de paix conforme aux besoins comme aux aspirations de la communauté nationale ?

B. de B.

➙ Armée / Armement / Aviation / Bombe nucléaire / Désarmement / Guerre mondiale (Première et Seconde) / Marine / Missile / Nucléaire (arme) / Protection civile / Stratégie.

 E. J. Valluy, Se défendre ? Contre qui ? contre quoi ? et comment ? (Plon, 1960). / R. Aron, Paix et guerre entre les nations (Calmann-Lévy, 1962). / X. Sallantin, Essai sur la défense (Desclée De Brouwer, 1962). / Demain l’armée française (l’Esprit nouveau, 1963). / A. Beaufre, Dissuasion et stratégie (A. Colin, 1964). / B. Chantebout, l’Organisation de la défense nationale en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (L. G. D. J., 1967) ; la Défense nationale (P. U. F., 1972). / R. Girardet, Problèmes contemporains de défense nationale (Dalloz, 1974).

Défense nationale (gouvernement de la)

Gouvernement qui dirigea la France et poursuivit la lutte contre l’Allemagne du 4 septembre 1870 (déchéance de Napoléon III) au 12 février 1871 (1re réunion de l’Assemblée nationale à Bordeaux).



« Une révolution au milieu de la défaite » (Jules Favre)

À la nouvelle de la capitulation de Sedan (2 sept. 1870), Auguste Blanqui et les membres de l’Internationale ouvrière ont convoqué les sections de la garde nationale des quartiers de l’est sur la place de la Concorde. Il s’agit de s’emparer du pouvoir à la faveur du désastre et d’imposer une république sociale. Tandis que les députés délibèrent, le peuple de Paris et les gardes nationaux envahissent le Palais-Bourbon, le dimanche 4 septembre, aux cris de : « La déchéance ! Vive la République ! » Au milieu du tumulte, Gambetta fait acclamer la déchéance de la dynastie impériale, et Jules Favre s’écrie : « Pas de journée sanglante, la république, ce n’est pas ici que vous devez la proclamer, c’est à l’Hôtel de Ville. Allons à l’Hôtel de Ville. »

Sur la place de l’Hôtel-de-Ville, les futurs chefs de la Commune revendiquent le pouvoir, font circuler des listes. S’ils veulent l’emporter, les républicains modérés doivent agir vite. Jules Ferry trouve la solution : « Les députés de Paris au gouvernement. » À la hâte, on distribue les portefeuilles, puis une nuée de papiers portant les noms des ministres s’abat sur la foule ; il est 4 heures, le gouvernement de la Défense nationale est constitué.

C’est un gouvernement d’avocats, où la jeune génération républicaine, née de l’opposition à l’Empire (Gambetta, J. Favre, Rochefort), se mêle « aux vieilles barbes » quarante-huitardes (Adolphe Crémieux, Garnier-Pagès, Glais-Bizoin). Le général Trochu, gouverneur de Paris, en prend la présidence avec « les pleins pouvoirs militaires pour la Défense nationale ». Gouvernement insurrectionnel, le gouvernement de la Défense nationale évoque à la fois le gouvernement provisoire de février 1848 et le grand Comité de salut public de 1793-94. Comme ce dernier, il lui faut galvaniser les énergies face à l’invasion prussienne qui menace Paris.

Tandis que Trochu met la capitale en état de défense, Jules Favre et Jules Simon liquident le passé. Ils signifient leur congé aux députés, qui, à la demande de Thiers, se retirent dignement. De son côté, Gambetta annonce à la France, dans une ardente proclamation, que Paris, une fois de plus, a changé le cours de l’histoire.