Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

décoration (suite)

À l’époque contemporaine, les décorations n’ont cessé de se multiplier et recouvrent aujourd’hui une gamme très variée de récompenses allant de ces ordres de mérite (qui subsistent notamment en Grande-Bretagne) aux simples médailles commémoratives attribuées en souvenir d’un événement ou d’une campagne à tous ceux qui y ont participé. Elles englobent aussi bien des distinctions destinées à reconnaître un long exercice de fonctions ou de services (médailles d’honneur, médaille du travail, etc.) que celles qui récompensent un acte d’héroïsme ou de mérite particulier, telles que les croix de guerre, la croix de fer, la médaille de sauvetage, le titre de Héros de l’Union soviétique, le Distinguished Service Order, etc.


Les décorations françaises

Tous les régimes qui se sont succédé en France ont largement fait usage des distinctions honorifiques. C’est probablement à partir du xve s. que les largesses attribuées jusqu’ici par les souverains à leurs sujets sous forme de récompenses matérielles (dons en argent, terres, etc.) prirent la forme d’insignes d’honneur. Les plus anciens présentaient une valeur commémorative : médailles d’or de l’expulsion des Anglais (xve s.), du sac d’Arlon (1558), de l’entrée d’Henri IV à Paris (1594). D’autres avaient une valeur occasionnelle comme l’anneau d’or institué par François Ier en 1534 pour les fantassins des légions héros d’un exceptionnel exploit. D’autres enfin récompensaient des services, tels l’ordre de Saint-Louis, réservé aux officiers catholiques par Louis XIV (complété en 1759 par l’institution du Mérite militaire, destiné aux cadres protestants) et les médaillons de Vétérance, décernés depuis 1771 aux « bas officiers et aux soldats au-delà de 24 ans de service sans défaillance ». Au xviiie s. apparaissent aussi les médailles d’honneur pour récompenser le zèle et le dévouement dans le service et les médailles de sauvetage.

Après que Louis XVI eut, le 7 janvier 1791, transformé l’ordre de Saint-Louis en décoration militaire, tous les ordres de mérite devaient être abolis par un décret de la Constituante du 30 juillet 1791, l’assemblée se réservant toutefois « de statuer s’il doit y avoir une décoration unique qui pourrait être accordée aux vertus, aux talents et aux services rendus à l’État ». Si diverses médailles furent projetées, aucune ne fut réalisée. Le Directoire vota l’article 87 de la Constitution de l’an VIII prévoyant des récompenses nationales « aux guerriers qui auront rendu des services éclatants en combattant pour la République ». Avant la création, en 1802, de la Légion d’honneur, qui sera la distinction napoléonienne par excellence, un arrêté du Consulat avait réglementé en 1800 la distribution des armes d’honneur, que Bonaparte accordait déjà à ses meilleurs soldats d’Italie et d’Égypte.

La Restauration fut l’occasion d’une prolifération de décorations sur le thème de l’attachement à la monarchie : décoration du Lis, de la Fidélité, médaille de Gand. Mais c’est sous le second Empire que fut mis au point le système de récompense qui durera plus d’un siècle, jusqu’à la réforme opérée en 1962-63. C’est ainsi que Napoléon III créera la médaille militaire en 1852, les médailles commémoratives de Sainte-Hélène, d’Italie, de Chine et du Mexique. Il autorisera les Français à arborer des décorations étrangères comme les médailles pontificales de Rome (1849) ou de Mentana (1867), le Mérite militaire mexicain (1863). La IIIe République continuera dans ce cadre ; elle fondera la médaille coloniale (1893) et adoptera la coutume anglaise des agrafes fixées aux rubans et indiquant le nom de la campagne au titre de laquelle elle a été acquise.

La Première Guerre mondiale inaugure les croix de guerre pour les titulaires de citations, usage qui sera repris en 1939-1945, puis en 1956 avec la croix de la valeur militaire. Les deux grands conflits mondiaux donnèrent lieu à la création de multiples décorations, dont les plus importantes demeurent, à côté de l’ordre de la Libération, la médaille de la Résistance et la croix du combattant. Si on y ajoute la création par la IVe République de nombreux ordres de mérite dits « ministériels » (artisanal, commercial, postal, social, sportif, etc.) et l’usage généralisé d’attribuer des médailles d’honneur pour longs et loyaux services, on aboutit à une telle prolifération d’ordres et de décorations qu’une révision générale se révélera indispensable pour maintenir le prestige et la renommée de ces récompenses publiques. Ce sera l’œuvre de la Ve République, tant par la publication en 1962 des Codes de la Légion d’honneur et de la médaille militaire, qui limitent impérieusement le nombre de leurs membres, que par la création en 1963 d’un unique ordre national du Mérite, qui s’accompagnait de la suppression de seize distinctions secondaires.

Depuis 1920, l’ordre dans lequel les décorations doivent être portées sur l’uniforme est fixé par des textes réglementaires qui ont été souvent modifiés. La hiérarchie entre les ordres et décorations prévue par le règlement de discipline générale du 1er octobre 1966 (art. 47) s’établit comme suit : Légion d’honneur, ordre de la Libération, médaille militaire, ordre national du Mérite, croix de guerre (1914-1918, 1939-1945, T. O. E.), croix de la valeur militaire, médaille de la Résistance française, croix du combattant volontaire (1914-1918, 1939-1945), croix du combattant volontaire de la Résistance, croix du combattant, médaille des évadés, médaille de la reconnaissance française, médaille de l’aéronautique, Palmes académiques, Mérite agricole, Mérite maritime, Arts et lettres, médaille de la gendarmerie nationale, médailles commémoratives, médaille d’outre-mer, médailles d’honneur, décorations des ordres de la France d’outre-mer (dans l’ordre de leur création), décorations étrangères.

Les insignes à l’effigie de la République doivent se porter de face. Tous peuvent être arborés en modèle réduit, avec ou sans ruban, sur le revers gauche de l’habit ou être remplacés par des barrettes rectangulaires aux couleurs des rubans.