Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
D

décollage (suite)

Dans le cas des avions à réaction, on peut soit faire basculer les moteurs comme précédemment, soit utiliser des réacteurs verticaux spécialement conçus pour délivrer une poussée verticale pendant de courtes périodes de temps, soit encore combiner ces deux méthodes. Tel a été le cas de l’avion expérimental allemand « VJ 101 », qui comportait six réacteurs verticaux, deux dans le fuselage et quatre dans des nacelles en bout d’aile, ces derniers pouvant pivoter jusqu’à l’horizontale pour assurer la propulsion.

• Une autre formule développée en Angleterre par Rolls-Royce consiste à dévier les gaz d’éjection d’un turboréacteur par des tuyères mobiles capables de pivoter de telle sorte que leur axe passe d’une position horizontale à une position verticale et réciproquement. Les réacteurs adoptés sont des réacteurs à double flux conçus de telle sorte que le flux froid soit éjecté par deux tuyères à l’avant, et le flux chaud par deux tuyères à l’arrière. Un avion d’attaque au sol, le Hawker-Siddeley « P-1127 Harrier », a été réalisé suivant ce principe et est en service opérationnel ; il a démontré une excellente maniabilité dans toutes les configurations de vol. Aussi, des moteurs à tuyères rotatives ont-ils été retenus pour d’autres appareils, en association avec des réacteurs de sustentation pure fournissant un appoint de poussée pour les phases de vol vertical. Tel est le cas de l’avion de transport expérimental Dornier « Do-31 E », dont trois exemplaires ont été construits ; il utilise un réacteur RB-193 de 4 500 kg de poussée pour la propulsion, dont la poussée s’ajoute pour la sustentation à celle de huit turboréacteurs verticaux RB-162 de 2 000 kg de poussée, montés dans deux nacelles de bout d’aile. Les moteurs de sustentation doivent avoir certaines caractéristiques particulières, et notamment un rapport poussée/poids le plus élevé possible. Pour le RB-162, ce rapport présente une valeur de 16, et les nouveaux projets en cours de développement dépasseront ce chiffre. En revanche, compte tenu de leur temps d’utilisation faible, leur consommation spécifique n’a pas une importance très grande.

• Une dernière formule à l’étude consiste à utiliser, pour assurer la portance en vol vertical, des soufflantes de grand diamètre noyées dans la voilure ou dans le fuselage et qui aspirent un flux d’air de grand débit de haut en bas. Un premier appareil construit aux États-Unis par Ryan s’est écrasé au cours des essais, mais la formule a été reprise, notamment en Allemagne.

Quelle que soit la formule retenue en définitive, la mise en œuvre d’avions à décollage et atterrissage verticaux impliquera le développement d’installations aéroportuaires spéciales, du moins dans le domaine du transport commercial. Il en ira de même des procédures de contrôle de la circulation aérienne, qui devront leur être adaptées.

J. L.

➙ Aérodynamique / Aérotechnique / Aile / Atterrissage / Avion / Giraviation / Vol (mécanique du).

décorateurs de cinéma

Techniciens chargés de la réalisation des décors cinématographiques. Les décorateurs cumulent souvent les fonctions d’architecte et d’ensemblier.


Ils sont aidés par des assistants décorateurs et des costumiers, et travaillent en relation étroite avec les metteurs en scène et les opérateurs de prises de vues.


De Méliès à l’école expressionniste

Dans l’histoire du décor cinématographique, Georges Méliès* fait, dès la fondation de son Théâtre de prises de vues à Montreuil, en 1897, figure de génial précurseur. S’il reste prisonnier dans ses films réalistes de l’imitation des décors de théâtre de son époque, il ajoute dans la plupart de ses films d’imagination pure une étonnante note de fantaisie personnelle. Il invente une multitude de trucages (trappes, praticables, cintres) qui lui assurent une aisance et une mobilité également remarquables. Le cinématographe reste néanmoins assez longtemps assujetti à toutes les techniques théâtrales. On peint en trompe l’œil les perspectives, suggérant ainsi la profondeur. On évite la couleur vive. Le gris et le bistre triomphent, et les ensembles sont presque toujours traités en camaïeu. Peu à peu, sous l’influence d’André Antoine et de son Théâtre-Libre, le naturalisme envahit l’écran. La caméra, cessant d’être pratiquement fixe, commence à évoluer dans le décor. Ce n’est pourtant qu’en 1914 que les premiers décors construits en châssis de contre-plaqué avec ornements et moulures en staff apparaissent en France, ce qui a pour conséquence directe l’apport de nouveaux spécialistes.

On doit à l’Italien Enrico Guazzoni (1876-1949) les premières gigantesques « machines » (décors complexes et de dimensions imposantes, soutenus par une véritable charpente et habillés de staff). L’exubérance décorative de Cabiria (1914), de Giovanni Pastrone, marque une date qui aura des prolongements immédiats aux États-Unis. C’est en 1916 en effet que D. W. Griffith* tourne Intolérance. Dans ce film, le délire des décorateurs Frank Wortman et R. Ellis Wales oblige l’opérateur Billy Bitzer à filmer les scènes de foule juché dans la nacelle d’un ballon captif. L’échec du film contraignit cependant les réalisateurs à modérer les projets grandioses de leurs décorateurs, dont certains devis atteignaient des sommes fabuleuses.

À la même époque, le cinéma suédois découvre les décors naturels. Alexander Bako et Axel Esbensen donnent aux films de Sjöström* et de Mauritz Stiller une grande unité de ton, réalisant une harmonie quasi parfaite entre les prises de vues extérieures et la simplicité des décors intérieurs, qui reproduisent la réalité avec une scrupuleuse fidélité. Le cinéma allemand, qui avait tout d’abord subi l’influence de Cabiria (films historiques d’Ernst Lubitsch*, décors de Karl Machus et Ernst Stern), évolue vers l’expressionnisme* à partir du Cabinet du docteur Caligari (1919) de Robert Wiene. Les décors, au lieu d’utiliser le staff et le bois, sont peints sur toile. Ils sont soumis à une plastique caractéristique qui cherche à créer une impression cauchemardesque, à suggérer l’inquiétude et la terreur. Les perspectives sont volontairement faussées, les lignes horizontales ou verticales sont absentes et remplacées par des obliques. Le décor commande la stylisation des costumes, le maquillage et le jeu des acteurs. L’expressionnisme donne au décor ses véritables lettres de noblesse. À partir de 1924, le Kammerspiel imposera une nouvelle vision, plus réaliste, des choses, et atténuera la violence des architectes décorateurs, mais l’influence de la révolution expressionniste aura des prolongements plus ou moins avoués dans le cinéma américain, soviétique, voire français des années 1930.