Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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danse (suite)

Les pionniers de la danse moderne aux États-Unis sont Ruth Saint Denis et Ted Shawn, qui fondent à Los Angeles la Denishawn School (1915) où seront formés les plus grands danseurs modernes américains (Martha Graham, Doris Humphrey, Charles Weidman). Ruth Saint Denis (Jersey City v. 1880 - Hollywood 1968) a voulu donner à la danse moderne une structure formelle, ce qui s’est traduit par une « visualisation musicale ». Cette innovation, qui consiste à faire danser en même temps à chacun des danseurs une des parties instrumentales d’une œuvre musicale, est encore exploitée par les chorégraphes. À Ted Shawn (Kansas City 1891 - Orlando, Floride, 1972), on doit la création, depuis 1933, des cours d’été et du festival international de danse de Jacob’s Pillow (Massachusetts).

Martha Graham (Pittsburgh v. 1893), attachée pendant dix ans à la Denishawn School (1913-1923), fait ses véritables débuts en 1926. Elle a conservé depuis la première place à la tête de la danse moderne américaine. Fidèle à ses théories, elle s’est attachée à développer la science de la respiration, base de sa technique, dont les trois points essentiels sont la contraction-release (inspiration-expiration), la motor-memory (la capacité de « réminiscence » que chaque individu possède) et le percussive movement (mouvement percutant : mouvement puissant interrompu à son point optimal, de telle manière que le spectateur peut en imaginer sa complète exécution). Elle a signé plus de cent cinquante compositions (Letter to the World, 1940 ; Appalachian Spring, 1944 ; Cave of the Heart, 1946 ; Night Journey et Errand into the Maze, 1947 ; Diversion of Angels, 1948 ; Seraphic Dialogue, 1955 ; Embattled Garden et Clytemnestra, 1958 ; Circe, 1963 ; Plain of Prayer, 1968 ; Point of Crossing, 1975).

Doris Humphrey (Oak Park, Illinois, 1895 - New York 1958), danseuse exceptionnellement douée, entre à la Denishawn School (1917), puis fonde avec Charles Weidman (Lincoln, Nebraska, 1901 - New York 1975) l’école Humphrey-Weidman ainsi qu’un groupe de danse. Pour Doris Humphrey, « tomber et se ressaisir constituent l’essentiel même du mouvement ». Le principe dynamique de sa danse est le fall-recovery, résultat synthétique de l’interaction de deux contraires (équilibre-déséquilibre). Elle est l’auteur de nombreuses chorégraphies (Race of Life, 1938 ; Inquest, 1944), mais, en 1945, la maladie l’oblige à abandonner son groupe. Par la suite, elle collabore avec un de ses élèves, José Limón, pour qui elle compose Lament for Ignacio Sánchez Mejías et The Story of Mankind (1946) ainsi que Deep Rhythm (1953). Elle a écrit The Art of Making Dances (1959).

Hanya Holm (Worms 1898), d’origine allemande, fonde la première « école Mary Wigman » (1931), qui devient par la suite le Hanya Holm Studio (1936), où elle développe sa technique fondée sur la souplesse du corps. Outre de nombreux ballets, elle signe la chorégraphie de comédies musicales à succès (Kiss Me, Kate, 1948 ; My Fair Lady, 1956).

Alwin Nikolais (Southington, Connecticut, 1912) étudie avec Hanya Holm, Martha Graham, Doris Humphrey et Charles Weidman. Il joue un rôle important dans la vie chorégraphique moderne aux États-Unis, surtout depuis 1948, date à laquelle il dispose d’un groupe de danseurs pour interpréter ses œuvres. Ce sont le Festival international de danse de Paris (1968), puis le Festival de Châtillon des Arts (1969), où il a présenté Imago (1963), qui le révélèrent en France.

Il faut également souligner l’importance du musicien et compositeur Louis Horst (Kansas City 1884 - New York 1964), découvreur de personnalités, qui fut directeur musical de Ruth Saint-Denis, puis de Martha Graham, ainsi que celle de José Limón (Culiacán, Sinaloa, 1908 - New Jersey 1972), peintre, devenu un des plus grands danseurs et pédagogues modernes, directeur de sa propre école et auteur de la Malinche et The Moor’s Pavane (1949), There is a Time (1956), Missa Brevis (1958), My Son, My Enemy (1965), Dances for Isadora (1971), Carlota (1972).

L’avant-garde de la danse moderne américaine est représentée par Merce Cunningham (Centralia, Washington, v. 1915), dont les improvisations gestuelles se structurent sur des reliefs sonores inédits (bruits, montages de bandes magnétiques), et par Paul Taylor (Alleghany County, Pennsylvanie, 1930), dont le langage anticonventionnel utilise le mouvement continu et des accompagnements musicaux originaux (battements de cœur) [Three Epitaphs, 1960 ; Aureole, 1962 ; Churchyard, 1969 ; Noah’s Minstrels, 1972].

Autre novateur de la danse moderne, Lester Horton (Indianapolis 1906 - † 1953) a formé des artistes comme Bella Lewitsky, Carmen De Lavallade et surtout Alvin Ailey (Rogers, Texas, 1931). Une place particulière est tenue par Jerome Robbins (v. ballet), qui a su créer un genre où se côtoient avec harmonie les danses académique et moderne.

En France (et en Belgique), Maurice Béjart* ouvre la voie au spectacle total ; Joseph Lazzini* (v. ballet), avec son vocabulaire synthétique, offre une vaste gamme d’expressions. Karin Waehner (née en 1926), d’origine allemande, émule de Martha Graham, anime les Ballets contemporains et professe à la Scola cantorum. Ginette Bastien (née en 1928), directrice du Ballet des temps modernes et du Centre international d’art chorégraphique, et initiatrice, avec Jean Dorcy, du Stage mondial de la danse, centre son activité sur la diffusion de la « danse totale ».

La modern dance fait preuve d’une étonnante vitalité, et ses émules s’affirment ou se révèlent : Pearl Lang, Murray Louis, Louis Falco, Carolyn Carlson, Michel Nourkil, Joseph Russillo, Twyla Tharp...


Le danseur, la danseuse

Morphologiquement semblables aux autres individus, les artistes de la danse révèlent des dons plus ou moins innés qui les particularisent. Un équilibre harmonieux provient autant d’aptitudes physiques que de qualités intellectuelles, d’une grande sensibilité et d’un sens musical exercé.

Le danseur peut être doté naturellement de trois caractéristiques essentielles : l’en-dehors (ouverture des pieds vers l’extérieur), l’élévation (aptitude à s’élever au-dessus du sol et à exécuter des pas « en l’air ») et le sens du rythme. La force, la souplesse, la vitesse et l’équilibre peuvent s’acquérir, du moins se perfectionner, par un entraînement régulier.