Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cypérales (suite)

Autres genres

Les Scirpus, près de 400 espèces, sont cosmopolites ; le S. lacustris (Jonc des chaisiers, Jonquine) fournit un produit de qualité inférieure pour le cannage ; certaines espèces sont employées pour l’ornementation des aquariums. Les Linaigrettes (Eriophorum), qui sont des plantes de tourbières et de pays froids, sont caractérisées surtout par leurs épis entourés de longues soies blanches formant une houppe soyeuse. Quand le peuplement est dense, l’aspect de ces tourbières est extrêmement curieux, car on les dirait recouvertes d’immenses tapis blancs ondulant au moindre vent. On peut encore citer Rhynchospora (200 espèces), Schœnus (70), Fimbristylis (200), Scleria (100)..., qui n’ont, actuellement, comme toutes les plantes de cette famille, qu’un faible intérêt économique.

J.-M. T. et F. T.

Cyprien (saint)

Père de l’Église latine, évêque de Carthage (Carthage v. 200 - id. 258).


Le milieu du iiie s. est la période où l’Église d’Occident atteint sa plus grande extension. Le christianisme latin se développe principalement autour de deux foyers : Rome et Carthage. Mais l’Église d’Afrique, plus homogène et moins cosmopolite, manifeste une personnalité plus accusée que celle de Rome. Elle a pour elle d’avoir eu, au début de ce siècle, un grand écrivain de langue latine, Tertullien* († v. 220), et, quelque trente ans plus tard, un personnage hors du commun, Cyprien, évêque de Carthage.


Du paganisme à l’épiscopat

Cyprien fut rhéteur ou avocat, on ne sait trop. La rencontre qu’il fait du prêtre Caecilius l’amène à se convertir au christianisme : il a alors quarante ans passés. Dans sa Lettre à Donat, il relate sa conversion dans un style qui annonce les Confessions de saint Augustin. Peu de temps après avoir été ordonné prêtre, il est élu évêque de Carthage (fin 248 - début 249). Cette rapide promotion lui vaudra une solide et durable inimitié de la part d’un groupe de clercs.


La persécution et l’affaire des lapsi

Cyprien est évêque depuis un an à peine lorsque éclate, au début de 250, la persécution de Dèce. Devant la gravité de la situation intérieure et extérieure, l’empereur exige de tous ses sujets la participation à un sacrifice général aux dieux pour la prospérité du prince et de l’empire. Cet édit place les chrétiens dans l’alternative ou de sacrifier, donc de faire acte d’idolâtrie, ou de se mettre par leur refus en état de désobéissance aux ordres impériaux. Un certificat de sacrifice était délivré par les autorités locales. La persécution tourne en catastrophe. De nombreux chrétiens apostasient. D’autres se procurent le billet demandé soit en faisant semblant de sacrifier, soit en l’obtenant à prix d’argent ou par le jeu des relations personnelles. Pour se soustraire à la menace qui pèse sur lui, car les autorités cherchent d’abord à se saisir des évêques, Cyprien quitte Carthage et prend le maquis, d’où il peut continuer à diriger son Église : attitude qui lui vaudra des commentaires malveillants.

Les poursuites contre les chrétiens cessent dès la fin de 250 du fait de l’invasion des Goths. Mais la tourmente laisse à l’intérieur de l’Église de graves séquelles. Les nombreuses apostasies posent le problème de la réintégration des lapsi, c’est-à-dire de ceux qui avaient failli, et qui, le danger écarté, demandent à reprendre leur place dans la communauté chrétienne. La coutume ancienne de l’Église avait toujours été très sévère à l’endroit des apostats. Mais, dans les circonstances présentes, le problème est plus délicat. D’abord tous les faillis ne sont pas également coupables : ne convient-il pas d’établir une différence entre ceux qui ont sacrifié aux idoles et ceux qui, par un subterfuge, ont obtenu un billet de complaisance. De plus, la grande quantité des apostasies donne aussi à réfléchir, et la généralisation de la faute atténue le blâme à son égard.

Un autre élément augmente la confusion : le rôle que s’attribuent dans cette affaire les « confesseurs de la foi », ceux qui, au péril de leur vie, sont restés fidèles. Auréolés du prestige de leur conduite héroïque, ils interviennent auprès des prêtres, soit oralement, soit par des recommandations écrites, pour obtenir la réintégration des exclus. Cela sans tenir compte des règles en vigueur, comme si le seul fait de leur glorieux courage les mettait au-dessus des autorités religieuses. Ainsi qu’on pouvait s’y attendre, les abus se multiplient de part et d’autre. De même que, l’année précédente, on a obtenu par des moyens détournés des billets de sacrifice, on s’arrange maintenant pour avoir des billets de réconciliation. De leur côté, certains « confesseurs », par souci de charité chrétienne ou aussi pour jouer les personnages influents, délivrent sans discernement des « billets de paix ».

L’attitude de Cyprien est au début assez intransigeante, et les directives qu’il donne sur la conduite à tenir envers les lapsi sont sévères : longue pénitence imposée et réadmission accordée seulement à l’heure de la mort. Quant aux héros de la foi, tout en les traitant avec égard, il les prie d’user de plus de discrétion et de discernement. Mais déjà deux partis se sont formés, pour ou contre l’indulgence. Dans le clergé, les vieilles inimitiés se réveillent. Autour des éternels mécontents qui ont jadis contesté l’élection de Cyprien se groupent d’autres prêtres qui font cause commune avec les « confesseurs de la foi », et l’Église de Carthage est menacée de rupture.

Devant cet état de choses, Cyprien se rend compte qu’il lui faut repenser les règles de l’ancienne discipline et faire preuve de plus de compréhension. De cette réflexion naît le célèbre traité Sur les lapsi. Un concile, réuni à Carthage au printemps de 251, pose les principes de la conduite à tenir envers les apostats. Après avoir entendu la lecture des ouvrages de Cyprien — Sur les lapsi et aussi sans doute l’admirable traité De l’unité de l’Église, plaidoyer pour l’unité de l’Église —, l’assemblée des évêques adopte une position moyenne : la pénitence imposée pour obtenir le pardon est proportionnée à la gravité de l’apostasie. Pour ceux qui se sont procuré des billets de sacrifice, la pénitence accomplie est jugée suffisante et ils sont réintégrés. À ceux qui ont sacrifié aux idoles, une pénitence plus longue est imposée avant le pardon définitif, qui parfois n’est accordé qu’à l’heure de la mort.

Cette décision ne satisfait pas tout le monde. Les circonstances mieux que les décrets synodaux aplaniront les difficultés. La crainte en 252 d’une nouvelle menace de persécution — qui, d’ailleurs, n’atteindra pas l’Afrique —, une épidémie de peste qui sème la terreur et la mort obligent à faire un pas de plus dans la voie du pardon largement accordé.