Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cycles biosphériques (suite)

Il existe aussi d’autres cycles, en particulier entre le calcaire (carbonate de calcium) et les bicarbonates solubles. Les fontaines pétrifiantes libèrent du gaz carbonique tandis que le calcaire se dépose ; en d’autres lieux, ce même calcaire est attaqué par l’eau chargée de gaz carbonique et passe à l’état de bicarbonates, qui se dissolvent dans l’eau ; le gaz carbonique de l’air est alors prélevé et mis en réserve sous forme de bicarbonates pour être plus tard dégagé de nouveau.

Enfin, une source de gaz carbonique neuf existe par endroits : là où les couches géologiques laissent filtrer des gaz directement dégagés du magma profond (volcans, fissures, certaines grottes).


Cycle de l’azote

L’azote aussi est une substance indispensable aux êtres vivants. Si les glucides et les lipides simples ne contiennent pas d’azote, les protides, substances fondamentales de la matière vivante, en possèdent obligatoirement dans leur molécule.

L’azote se trouve dans le monde minéral, en abondance dans l’atmosphère et en quantité assez importante sous forme de nitrates et de nitrites dans le sol. Les êtres vivants, à part quelques Bactéries, ne peuvent utiliser l’azote libre de l’air et prélèvent leurs aliments à d’autres sources.

Les végétaux peuvent absorber en effet les ions (v. absorption) libérés dans le sol par l’ionisation des nitrates ; une réduction s’effectue dans leurs tissus, qui amène l’azote au stade fugitif de lequel n’est qu’un intermédiaire dans la synthèse des acides aminés, par association de l’azote avec des molécules de carbone provenant de la photosynthèse.

Les végétaux peuvent trouver à côté des nitrates d’autres formes d’azote, en particulier les nitrites. Il a été mis en évidence que les ions sont absorbés par les racines et vite métabolisés sous forme d’acides aminés, mais les conséquences sont une acidification du milieu, privé d’une de ses bases, et, si elle n’est pas compensée comme cela se produit dans les sols calcaires, cette modification des sols devient rapidement nuisible. L’engrais azoté idéal serait le nitrate d’ammonium, où l’anion et le cation sont l’un et l’autre absorbés, ce qui évite les transformations de l’acidité du milieu. Certaines espèces ont leurs préférences, la Betterave apprécie les ions nitriques, la Pomme de terre les ions ammonium, le Maïs utilise l’un ou l’autre. Les Solanacées, les Chénopodiacées, les Amarantacées sont avides de nitrates, et pour cette raison colonisent les tas d’ordures. L’ammoniac gazeux en faible dose peut aussi être absorbé par les feuilles et suffit à éviter des troubles consécutifs à une carence en azote ; mais, naturellement, l’organisme ne supporte pas une accumulation interne d’ammoniaque.

Les végétaux supérieurs se révèlent donc être autotrophes pour l’azote comme ils le sont pour le carbone, mais, par contre, de nombreux Champignons sont hétérotrophes pour ces deux substances et il leur faut trouver dans la nature des molécules organiques contenant de l’azote.

Rappelons que les plantes carnivores* attrapent dans des feuilles en forme de piège des animaux (le plus souvent des Insectes) qui sont digérés et dont les molécules azotées servent d’aliment au végétal, qui peut s’en contenter comme source unique d’azote. Quelques Champignons se ravitaillent d’une manière analogue.

Dans le domaine des Bactéries, on trouve toutes les possibilités déjà étudiées, utilisation des sels d’ammonium, des nitrites, des nitrates ou de substances organiques : acides aminés, déchets divers... Mais, en outre, certaines d’entre elles sont capables d’utiliser l’azote atmosphérique ; quelques Champignons sont aussi doués de cette propriété : Saccharomyces, Pullularia... Cette accumulation d’azote dans le corps des Bactéries provoque, après leur mort, un enrichissement, de la station en matières azotées organiques décomposâmes, en nitrites et nitrates. D’autres, obligatoirement hétérotrophes pour le carbone, sont symbiotiques : elles vivent hébergées par un hôte qui leur fournit les sucres, mais elles sont capables de prélever l’azote atmosphérique et de synthétiser des acides aminés qui serviront à leur hôte aussi bien qu’à elles-mêmes. C’est le cas de l’association Rhizobium-Légumineuses. Le Rhizobium vit dans des nodosités portées par les racines de nombreuses Légumineuses (89 p. 100 des espèces de ce groupe). Ces renflements sont de taille et de forme variées, ellipsoïdale chez le Trèfle, arrondie chez le Pois, subdivisée chez la Vesce. Les Rhizobiums sont nombreux dans le sol, où ils ne fixent pas l’azote mais survivent simplement au voisinage d’autres micro-organismes (Azotobacter). Lorsque la plante se développe, des Bactéries pénètrent par un poil absorbant, qui commence à se déformer, puis la Bactérie gagne l’écorce de la racine et infecte de proche en proche des zones corticales devenues mucilagineuses. Lorsqu’une cellule est envahie, elle se divise activement, une tumeur se forme et fait ultérieurement saillie à l’extérieur. Dans la zone profonde du nodule, les Bactéries qui ont grossi prennent un aspect vacuolisé et ne se divisent plus (on les appelle bactéroïdes). C’est alors qu’elles sont aptes à utiliser l’azote atmosphérique.

Le nodule est relié à la plante hôte par des vaisseaux qui permettent les échanges nutritifs ; ses synthèses sont faibles quand il est jeune, puis il atteint un rendement maximal qui diminue lorsqu’il vieillit et que ses tissus dégénèrent. Un pigment rouge voisin de l’hémoglobine, la leghémoglobine, apparaît dans les nodules en pleine activité ; il semble lié à l’union des deux symbiotes et est indispensable à la synthèse azotée ; il jouerait un rôle de transporteur d’électrons. Dans les nodules âgés, le pigment dégénère en un pigment vert qui rappelle les pigments biliaires issus de la décomposition de l’hémoglobine.

Cette symbiose est d’une grande importance biologique, car le Rhizobium fixe des quantités importantes d’azote, récupérées par les Légumineuses et éventuellement d’autres végétaux. Après la mort des Bactéries ou même peut-être pendant leur vie, les molécules synthétisées diffuseraient dans le milieu ambiant, hors des racines hôtes. Un hectare planté de Légumineuses fixe environ 100 à 400 kg d’azote par an. Même si seules les racines restent dans le sol lorsque tous les organes aériens ont été récoltés, au moins 20 kg d’azote par hectare viennent chaque année enrichir le sol. Par décomposition des tissus végétaux, cet azote se transforme en engrais utilisable pour des cultures ultérieures ; la plantation des Légumineuses est donc à introduire dans les assolements pour améliorer un champ qui a été vidé de son azote les années précédentes, par le Blé ou la Betterave par exemple. Les Rhizobiums sont spécifiques de l’espèce hôte qu’ils ont l’habitude de fréquenter, et on ne peut infecter de la Luzerne en utilisant une race de Bactéries hébergée par le Trèfle. Mais aussi, au bout de plusieurs années, le Rhizobium disparaît, vraisemblablement détruit par des virus ; ainsi on ne peut cultiver indéfiniment de la Luzerne au même endroit. Des associations de même type peuvent aussi exister entre des Algues bleues et des Hépatiques, des Ptéridophytes ou encore des Gymnospermes ainsi que chez les Lichens.