Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

cubisme (suite)

Les cubistes orthodoxes


Serge (ou Édouard) Férat

(Serge Jastrebzoff, dit) [Moscou 1881 - Paris 1958]. Fixé à Paris en 1901, il expose dans les Salons. Il est l’un des premiers amateurs du Douanier Rousseau, devient en 1913 propriétaire de la revue les Soirées de Paris, où Apollinaire défend toute l’avant-garde littéraire et plastique, et expose dans la salle cubiste en 1914. Il est le créateur des costumes et décors des Mamelles de Tirésias en 1917. Sa peinture se signale par sa fraîcheur de coloris, son charme intime et raffiné (Nature morte, verre, pipe et bouteille, 1914-15, musée national d’Art moderne).


Albert Gleizes

(Paris 1881 - Avignon 1953). Il est l’un des fondateurs de l’Abbaye de Créteil avec Charles Vildrac, Georges Duhamel, Jules Romains. Dès 1907, ses recherches intellectuelles l’orientent dans la même voie de simplification que le cubisme, dont il deviendra par la suite le théoricien (Du cubisme, 1912, en collaboration avec Metzinger ; le Cubisme et la tradition, 1913, etc.). Il participe à la création du groupe de la Section d’Or, qui se réunit tantôt chez lui, tantôt chez Villon. Sa vision reste fidèle au sujet et se distingue par sa monumentalité (la Femme aux phlox, 1910-11, Museum of Fine Arts, Houston ; les Moissonneurs, 1912, musée Guggenheim, New York, l’un des plus grands formats de la peinture cubiste). Réformé pendant la guerre, il rejoint à New York Picabia*, dont l’abstraction moderniste répond un moment à ses recherches. Par la suite, préoccupé de problèmes spirituels, il tente d’appliquer la synthèse cubiste aux traditions de l’art sacré.


Henri Le Fauconnier

(Hesdin 1881 - Paris 1946). Élève de l’académie Julian, admirateur des nabis*, il s’oriente vers le cubisme à partir de 1909 (Portrait de Pierre Jean Jouve), mais sans dépasser le stade d’une simplification en facettes, respectueuse de la perspective classique. En 1912-13, il subit l’influence de Léger, puis évolue vers un expressionnisme qu’imiteront ses confrères hollandais, auprès desquels il séjourne de 1914 à 1921. Un réalisme austère marque la suite de sa carrière.


André Lhote

(Bordeaux 1885 - Paris 1962). Critique tout autant que peintre, il a défendu l’art moderne avec véhémence dans son académie de la rue d’Odessa et dans des écrits importants (Traité du paysage, 1939 ; Traité de la figure, 1950). Son esprit d’analyse, son goût des démonstrations théoriques ont rallié au cubisme, à partir de 1911, cet autodidacte féru de sculpture gothique et admirateur de Cézanne, qui s’était d’abord orienté vers le fauvisme. Il participe avec les cubistes au Salon d’automne et aux premières manifestations de la Section d’Or, mais refuse de s’inféoder à un groupe. Son art inclinera vers un « cubisme sensible » où le paysage et l’être humain tiennent une place importante.


Louis Marcoussis

(Ludwik Markus, dit) [Varsovie 1878 - Cusset 1941]. Il est influencé par l’impressionnisme jusqu’en 1907, puis, après avoir rencontré Apollinaire, Braque et Picasso vers 1910, adopte le cubisme et participe ensuite aux réunions de la Section d’Or ; il restera fidèle à cette esthétique, en la pliant à sa sensibilité (la Tranche de pastèque, 1926 ; le Liseur sous la lampe, 1937). Graveur remarquable, il illustre Aurélia de Nerval et Alcools d’Apollinaire.


Jean Metzinger

(Nantes 1883 - Paris 1956). Organisateur et théoricien du cubisme, il entre en contact avec les artistes du Bateau-Lavoir en 1908 par l’intermédiaire de Max Jacob. Il expose au Salon des indépendants de 1910 un Portrait d’Apollinaire, qualifié par son modèle de premier portrait cubiste, et au Salon d’automne de 1911 le Goûter, surnommé « la Joconde du cubisme ». En 1910 paraît sa Note sur la peinture, en 1912 Du cubisme, écrit avec Gleizes. Il ne reniera jamais les doctrines de sa jeunesse, même dans ses œuvres abstraites.


Les dissidents


Robert Delaunay*

Les déformations audacieuses qu’il introduit dans la série des églises Saint-Séverin, en 1909, sont parallèles aux recherches des cubistes, auxquels il se joint en 1910 tout en s’en différenciant déjà par l’importance primordiale accordée à la lumière et à la couleur.

De 1910 à 1912, sa période proprement cubiste, qu’il nomme, sans intention péjorative, sa « période destructive », est consacrée aux Villes et aux Tours. L’architecture structurée de certaines Fenêtres sur la ville s’apparente au cubisme analytique, tandis que s’en éloigne le lyrisme des Tours Eiffel, où les contrastes colorés brisent les volumes, dérèglent la perspective, exaltent l’espace.

Les Tours de Laon de 1912, la Ville de Paris au Salon des indépendants de la même année marquent à la fois l’apogée et la fin du passage météorique de Delaunay à travers le cubisme. L’Équipe de Cardiff (1912-1913, musée d’Eindhoven) illustre cependant, aussi bien que les Disques de 1913, l’acheminement vers cette hérésie colorée du cubisme qu’Apollinaire baptise orphisme et qui groupe, autour de Delaunay, Kupka*, Picabia et les Américains Bruce, Frost, Morgan Russell, Macdonald-Wright. Lyrisme de couleurs pures, contrastes simultanés, dynamisme des formes circulaires orientent de plus en plus l’art de Delaunay vers les rythmes purs et l’abstraction.


Roger de La Fresnaye

(Le Mans 1885 - Grasse 1925). Il est élève à l’École nationale des beaux-arts en 1904 et à l’académie Ranson en 1908, où il reçoit les leçons de Maurice Denis et de Paul Sérusier. Sa manière est sobre, analytique. Tête d’or de Claudel lui inspire une série de dessins à partir desquels il exécute le Cuirassier (1910-11, musée national d’Art moderne) et l’Artillerie (1911, coll. part.), dont l’imagerie directe et les volumes simplifiés scandalisent le public. Avec ses paysages de La Ferté-sous-Jouarre et de Meulan, La Fresnaye passe de la leçon de Gauguin à celle de Cézanne. En 1912, il commence à fréquenter les cubistes, mais plus rarement ceux du Bateau-Lavoir, assiste aux dîners des Artistes de Passy et s’associe au mouvement de la Section d’Or. Il collabore, aux côtés de Villon, de Paul Vera et de Marie Laurencin, à la Maison cubiste d’André Mare et Duchamp-Villon.