Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cuba (suite)

La crise économique mondiale qui survient en 1929 est catastrophique, et la production de sucre s’effondre : 3,1 Mt en 1931, 1,9 Mt en 1933. L’immigration espagnole s’arrête. La crise ruine les petits et moyens planteurs de canne à sucre, qui émigrent vers les montagnes (sierra Maestra, Escambray) avec les ouvriers agricoles sans travail afin de défricher et de cultiver de petits lopins de terre. L’accord international sur le sucre en 1937 s’efforce de stabiliser le marché ; une légère reprise s’amorce, confirmée pendant la Seconde Guerre mondiale.

L’après-guerre voit la production sucrière et la situation économique et sociale de l’île osciller en fonction de la conjoncture mondiale. Cette production ne dépasse pas celle de 1925, sauf en 1952 (7 Mt), alors que la population, qui s’accroît très vite grâce, maintenant, à l’excédent des naissances sur les décès (de 2 à 2,5 p. 100 par an), a doublé (6 700 000 habitants en 1958). Le marasme économique et social est permanent dans les campagnes. Cependant, après la crise de 1929 et surtout à la faveur de la Seconde Guerre mondiale, des industries de transformation se sont installées, et le commerce est prospère, alors que le secteur tertiaire s’hypertrophie. Mais les villes n’offrent qu’une relative et surtout très factice prospérité. Les Américains contrôlent l’économie (avec quelques riches Cubains). Ils possèdent entre autres 45 p. 100 des terres à sucre (1 173 000 ha partagés entre 13 compagnies, dont 114 240 ha pour la seule United Fruit, autour d’Antilla) et n’achètent le sucre que quand ils peuvent. La Havane, prospère et bourdonnante, n’est qu’une brillante façade masquant des campagnes pauvres encombrées de 400 000 à 500 000 chômeurs.


Le régime castriste

V. l’article Castro (Fidel).


La population cubaine


La croissance

La population s’accroît rapidement grâce à l’excédent naturel. Celui-ci, après avoir connu un très haut niveau jusqu’en 1965, est actuellement en baisse. La natalité, de 38 p. 1 000 au lendemain de la révolution, serait tombée à 28 p. 1 000 actuellement ; la mortalité n’a diminué que légèrement, de 8 p. 1 000 vers 1960 à 6,5 p. 1 000 en 1970. Ainsi, l’excédent naturel, proche de 3 p. 100 en 1965, ne dépasse guère 2 p. 100 en 1970.

Avant la révolution, la tradition catholique, le culte de la fécondité et l’ignorance des populations favorisaient beaucoup la natalité. À partir de 1959, les deux premiers facteurs sont renforcés par l’euphorie révolutionnaire, qui se traduit par l’abaissement de l’âge pour la formation des couples ; aussi, la fécondité s’accroît-elle. La jeunesse de la population (il y a 39 p. 100 de moins de quinze ans), les bonnes conditions sanitaires (1 médecin pour 1 300 habitants, nombreux dispensaires bien répartis sur tout le territoire, 70 p. 100 des accouchements en clinique) réduisent la mortalité à un très bas niveau, si bien que la croissance naturelle peut atteindre des taux records vers 1965. À partir de 1966, la natalité diminue à cause de l’essor du travail féminin. Ce dernier facteur et les progrès de l’instruction sont à l’origine de la baisse actuelle de la natalité, qui va probablement s’accentuer. Le gouvernement cubain ne pratique aucune politique antinataliste. Le couple est libre d’avoir le nombre d’enfants qu’il désire ; le gouvernement ne lui accorde pas d’allocations familiales, mais il prend autant que possible l’enfant en charge. La société aide l’enfant et non la famille.

Dans le domaine de la mortalité, s’il est possible d’abaisser encore un peu la mortalité infantile (44 p. 1 000), il ne faut pas espérer voir la mortalité générale descendre beaucoup plus bas que 6 p. 1 000, l’espérance de vie dépassant soixante ans.

Il est donc probable que le tassement de l’excédent naturel s’accentuera dans les années à venir. Les transformations économiques et sociales engendrées par la révolution ne sont pas favorables à long terme à une forte croissance naturelle en dépit de la structure par âges. Après 1958, une partie appréciable de l’excédent naturel a été absorbée par l’émigration politique. Le régime castriste a laissé partir une bonne partie de la bourgeoisie et des cadres. On estime à 0,8 p. 100 par an en moyenne l’émigration politique (60 000 personnes environ), si bien que la croissance réelle de la population serait ramenée aux alentours de 1,5 p. 100. Ce mouvement affecte surtout les classes adultes et a pour conséquence de rajeunir encore plus la population cubaine. Il est probable qu’il diminuera dans les années à venir.


Population rurale et population urbaine

La distribution de la population est due autant à des causes historiques et économiques qu’à des causes physiques. Dans ce pays au relief peu différencié, les sols ont une très grande importance. Les 3 200 000 ruraux se localisent surtout sur les bons sols argileux rouges, gris ou noirs. Les plus fortes densités rurales, de 40 à 50 habitants au kilomètre carré, se rencontrent sur le long ruban que forment ces sols depuis Pinar del Río jusqu’au sud de Camagüey en passant par La Havane et Matanzas, dans la vallée du Cauto et dans la Vallée centrale de l’Oriente. Quelques taches de très forte densité, plus de 100 habitants au kilomètre carré, coïncident avec les zones de culture du tabac (Pinar del Río, région de La Havane, centre de la province de Las Villas [région de Remedios]). La culture du café donne également de fortes densités sur les pentes des montagnes de l’extrême Sud-Est, autour de Santiago. À l’écart de ces zones, les densités rurales tombent à 10, 15 et même 5 habitants au kilomètre carré : montagnes, hauteurs calcaires ou de roches anciennes, savanes à élevage du Centre et de l’Est sur des sols peu fertiles. Les axes routiers et ferroviaires est-ouest ont fixé un ruban de population large de 1 à 5 km, qui se surimpose au paysage naturel et contraste parfois avec sa pauvreté. Dans ce pays de grandes plantations à activité saisonnière, la main-d’œuvre s’est fixée le long des voies de communication de façon à pouvoir se déplacer aisément vers différents lieux de travail au cours de l’année. Dans presque toutes les campagnes, l’habitat se répartit linéairement sous la forme de maisonnettes égrenées le long des routes et des chemins. La révolution s’efforce de regrouper l’habitat en villages organisés composés de 20 à 200 maisons, car la dispersion traditionnelle de l’habitat est un obstacle à l’implantation des équipements collectifs et à la pénétration des idées révolutionnaires.