Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cuba (suite)

Le climat

Il est du type tropical maritime pluvieux. Mais la situation en latitude, la proximité de la masse continentale nord-américaine y nuancent les régimes thermiques et pluviométriques. Si la moyenne des températures est de 25 °C, les écarts moyens sont déjà plus marqués que dans le reste des Antilles ; août a 28 °C de température moyenne, et janvier 22 °C. Quand de grandes vagues de froid descendent dans les plaines du Midwest américain, il n’est pas rare qu’on en ressente les effets à Cuba. Les « Nortes », qui soufflent de décembre à février, peuvent amener des gelées dès 300 m d’altitude. Le régime pluviométrique est nettement marqué par un minimum de décembre à mars. La durée de l’action de la zone intertropicale de convergence est plus limitée dans cette région proche du tropique.

Il ne tombe guère que le quart des précipitations pendant la saison sèche du « carême » (nov.-avr.). Mais il peut arriver que le déficit pluviométrique soit beaucoup plus marqué et que les cultures en souffrent. Les régions élevées, et particulièrement la sierra Maestra, sont plus arrosées que les plaines basses ou les régions à l’abri des vents pluvieux d’est. Néanmoins, le relief étant peu marqué, il n’y a pas de grands contrastes régionaux. L’île est fréquemment affectée par les cyclones tropicaux.


La végétation

La végétation naturelle primaire, dont il ne reste que des témoins épars, était constituée sur les deux tiers de la superficie par la forêt dense. Mais les savanes recouvraient également de vastes zones sous forme de savanes humides ou de savanes sèches. Elles sont aujourd’hui beaucoup plus étendues, car elles ont remplacé la forêt et servent de terrains de parcours du bétail. Les forêts ne recouvraient plus que 14 p. 100 du territoire en 1965, et le reboisement s’impose avec urgence.

Le milieu naturel donne à Cuba une vocation agricole tout à fait exceptionnelle. Par contre, la nature géologique du sous-sol dans l’état actuel des connaissances n’a pas doté le pays de ressources énergétiques. Dans les formations du socle qui affleurent, on trouve du manganèse, du fer, du cuivre, du chrome, du soufre, du cobalt et surtout du nickel. Le sel marin peut être facilement exploité. Si la vaste étendue des sols fertiles et le climat sont des atouts précieux, l’absence d’une source d’énergie à bon marché hypothèque le développement économique.

J.-C. G.


L’évolution historique jusqu’en 1959

La grande île des Caraïbes, l’un des premiers territoires américains à être occupés par les Espagnols (1511), base de départ pour la conquête du Mexique, a connu, sous la colonie, une histoire à la fois exemplaire dans ses extrêmes et particulière en ce qu’elle diverge du reste du continent. À Cuba, comme à Saint-Domingue, les autochtones amérindiens ont été exterminés de manière foudroyante et remplacés par une immigration d’esclaves noirs, de maîtres blancs et de petits Blancs qui donne au monde caraïbe une palette raciale différente de celle du continent, Brésil excepté. La capitainerie générale de Cuba devint très rapidement la prestigieuse île du sucre et du tabac, avec qui l’Espagne faisait 35 p. 100 de tout le trafic colonial à la veille de l’effondrement de son empire. La prospérité des grands propriétaires et des grands commerçants résidant à La Havane était liée à la métropole, ainsi que leur sécurité face aux révoltes d’esclaves. L’exemple terrifiant de l’indépendance de Saint-Domingue suffit à ôter aux créoles cubains, pour soixante ans, toute velléité de rébellion contre l’Espagne. En conservant la grande île, l’Espagne pouvait, comme la France au lendemain du traité de Paris, se consoler d’avoir perdu un empire, puisque la perle sucrière était sauve. C’est d’ailleurs l’importance économique de Cuba qui explique l’acharnement avec lequel les Espagnols combattirent les insurgés de 1868 à 1899.


Les guerres d’indépendance

« La politique obéit, comme la physique, aux lois de la gravitation. Et de même qu’une pomme arrachée à l’arbre natal par la tempête ne peut que tomber sur le sol, de même Cuba, arrachée par la violence à ses liens contre nature avec l’Espagne et incapable de se gouverner elle-même, ne peut que graviter dans la direction des États-Unis, qui, obéissant à la même loi naturelle, ne peuvent la rejeter de leur sein. » Ces paroles, prononcées en 1823 par le secrétaire d’État américain John Quincy Adams (1767-1848), expliquent les modalités et les limites de l’indépendance cubaine, obtenue au prix de sacrifices sanglants. En 1868, Carlos Manuel Céspedes (1819-1874) se révolte contre l’Espagne et libère ses esclaves. Máximo Gómez (1836-1905), dominicain, ancien soldat espagnol, dirige la première charge à la machette contre l’armée royale. L’insurrection se généralise dans les provinces d’Oriente et de Camagüey, mais La Havane et les provinces occidentales ne sont pas touchées. La guerre de dix ans est marquée par l’acharnement du combat et par les divisions entre les insurgés : divisions régionales (entre l’Oriente et la province de Camagüey), politiques (entre les dirigeants civils), militaires enfin (entre les généraux). En 1878, l’Espagne signe la paix avec les insurgés : Cuba obtient une certaine autonomie et sa représentation aux Cortes de Madrid ; en 1880, l’esclavage est aboli (il y avait 528 800 Noirs sur 1 632 000 habitants). Le poète José Martí (1853-1895), adversaire du compromis autonomiste, est le promoteur de la lutte armée pour l’indépendance. Les efforts des généraux rebelles Calixto García, Antonio Maceo (1845-1896) pour ranimer la « petite guerre » échouent. En 1892, Martí fonde le parti révolutionnaire cubain, anti-impérialiste, anticaudilliste et démocratique-populiste. En 1895, José Martí et Máximo Gómez lancent « le manifeste de Montechristi », pour une nouvelle guerre contre l’Espagne, et, à partir de Saint-Domingue, débarquent à Cuba. Le 19 mai, José Martí trouve la mort au combat. Tandis que les rebelles s’implantent dans les campagnes, les Espagnols se contentent de conserver les villes. Le nouveau capitaine général V. Weyler y Nicolau (1839-1930) mène une politique de répression à grande échelle, anticipant sur les méthodes de la guerre moderne ; il fait la politique de la terre brûlée, regroupant la population rurale dans des camps de concentration pour condamner l’insurrection à la mort lente. La famine fait 50 000 morts à La Havane en 1896. Mais Weyler est rappelé en Espagne par le gouvernement, qui offre vainement l’autonomie complète aux Cubains. Quand des désordres éclatent à La Havane, les États-Unis y envoient le croiseur Maine pour protéger les vies et les biens américains. Le 15 février 1898, une mystérieuse explosion se produit à bord du Maine et fournit aux États-Unis le prétexte pour entrer en guerre contre l’Espagne. Après une série de défaites, les Espagnols capitulent (12 août 1898), mais le général américain interdit au commandant de l’armée cubaine d’assister à la cérémonie. Le 1er janvier 1899, le pouvoir est transmis à un gouverneur américain, et, malgré toutes les protestations des insurgés, le président William McKinley (1843-1901) déclare que Cuba devra rester unie aux États-Unis « par des liens particulièrement intimes et forts ».