Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

croissance (suite)

La connaissance des facteurs limitant la multiplication cellulaire revêt un intérêt tout particulier dans le cas de la croissance des tumeurs malignes. Les tissus cancéreux, malgré une structure organique voisine de celle des tissus normaux dont ils proviennent, ont une tendance anarchique à croître indéfiniment, aussi bien dans l’organisme qu’en culture organotypique. Il n’existe donc pas dans les tumeurs de facteur limitant ou coordonnant la croissance.


Croissance élémentaire

En ce qui concerne les organismes pluricellulaires, la recherche des lois élémentaires de la croissance a conduit à l’étude de la croissance relative, c’est-à-dire la croissance des organes comparée à la croissance de l’organisme tout entier.

Sir Julian Sorell Huxley (1887-1975), d’une part, et Georges Teissier (1900-1972), d’autre part, qui, dans ce domaine, ont fait œuvre de pionniers, aboutissent à l’expression mathématique du phénomène : « Lorsqu’un problème biologique a pour objet une grandeur mesurable, il est nécessaire, à un stade ou à un autre de son étude, d’user de méthodes mathématiques » (G. Teissier).

La représentation graphique de la marche de la croissance utilise des coordonnées logarithmiques, ce qui, sur les axes, traduit des accroissements relatifs égaux par des longueurs égales.

Dans un premier exemple simple concernant le Phasme Carausius morosus, x désignant la longueur totale du corps et y les dimensions des organes mesurés, on a représenté les variations de log y en fonction de log x (fig. 2). Il est remarquable de constater que, pour chacune des parties du corps étudiées, les points figuratifs de la croissance se placent sur une ligne droite. L’alignement est excellent et les écarts, toujours inférieurs à 5 p. 100, sont de l’ordre de grandeur de la précision des mesures. Au point de vue mathématique, cela signifie que
log y = α log x + log k
ou y = k.xα.

Dans ces expressions, k est une constante dépendant de l’unité de mesure adoptée et α exprime la pente de la courbe.

Si α = 1 (courbe inclinée à 45° sur l’axe des x), la croissance de l’organe par rapport à celle du corps est dite isométrique ou harmonique.

Si α ≠ 1, la croissance est allométrique ou dysharmonique. La dysharmonie est positive lorsque α > 1, et elle est négative lorsque α < 1.

Les circonstances où ont été observées les croissances dysharmoniques sont si diverses et si multiples, les groupes animaux chez lesquels on les rencontre si dissemblables que seul un phénomène commun à tous les organismes, à tous les tissus peut fournir l’interprétation des faits observés. Ce phénomène ne peut être que la nutrition. En effet, l’équation y = k.x peut s’écrire aussi

Cela signifie que y reçoit du système total x une part qui est proportionnelle à son rapport au système total α représente alors un coefficient de distribution qui indique la capacité de y à s’approprier une part plus ou moins grande de l’accroissement total. En d’autres termes, il s’agit de l’expression mathématique de la compétition entre les diverses parties d’un organisme pour les ressources nutritives disponibles. Cette interprétation rend d’ailleurs compte de l’existence des points anguleux ou des discontinuités observés dans les courbes de croissance relative. Ces discontinuités révèlent un changement important dans le métabolisme d’un organe par suite de l’entrée en fonction d’un agent nouveau affectant la croissance (par exemple un facteur d’origine endocrine).


Croissance biochimique

Il est d’ailleurs tout à fait remarquable que des faits semblables à ceux qui caractérisent la croissance morphologique apparaissent lorsqu’on étudie la « croissance biochimique ». Par exemple, chez l’Insecte Galleria mellonella, la teneur en eau p varie au cours des étapes du développement en fonction du poids sec P, en suivant les lois de croissance dysharmonique, mais présente au moment de la mue imaginale une discontinuité traduisant un changement considérable dans l’équilibre des différents constituants. Non seulement la teneur en eau varie (fig. 3), mais la quantité de graisses augmente de 125 p. 100, la teneur en phosphore diminue de 40 p. 100, etc. Au total, il existe une parfaite identité formelle entre la croissance biochimique et la croissance morphologique, et cette constatation, dont l’intérêt est évident, permet de passer à l’étude de la croissance globale de l’organisme.


Croissance globale de l’organisme


Allure et expression mathématique de la croissance globale

Une expression mathématique unique de la croissance chez tous les organismes animaux ne semble pas possible a priori, car elle varie considérablement avec les espèces. Cependant, un certain nombre de paramètres interviennent de façon constante, en particulier ceux qui traduisent l’interaction des processus d’anabolisme et de catabolisme. Aussi a-t-on pu proposer (Ludwig von Bertalanffy) une formule exprimant la variation du poids du corps en fonction du temps et dont l’expérience et le raisonnement montrent la validité en première approximation, au moins pendant certaines périodes de la vie des organismes :

Dans cette expression, w est le poids du corps, η est la constante de l’anabolisme, k est celle du catabolisme, et m et n sont des constantes qui dépendent de l’espèce considérée et des facteurs externes de toute nature qui peuvent affecter la croissance (température, possibilités alimentaires). On peut montrer que n est très peu différent de 1 et que m est égal à 2/3 ou à 1 selon que les espèces dont il s’agit ont un métabolisme basai proportionnel à la surface du corps (Vertébrés par exemple) ou à son poids (c’est le cas des Insectes). Or, la surface varie comme le carré des dimensions linéraires, alors que le poids, lui, varie comme le cube de ces dimensions.

Chez les Vertébrés, pris comme exemple, la valeur de l’anabolisme, proportionnelle à la surface du corps, est rattrapée tôt ou tard par celle du catabolisme, qui est proportionnelle au poids de l’organisme. L’équation, devenue

traduit le fait que la courbe obtenue est asymptotique à une valeur maximale si on utilise des coordonnées arithmétiques (fig. 4 a).