Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

criminalistique (suite)

Par approches successives, on arrive ainsi à l’identification du coupable. Bien que l’aveu ne soit plus la preuve par excellence, l’interrogatoire reste à la base de la recherche de la culpabilité. N’apporte-t-il pas progressivement des éléments ? Certaines affaires ne comportent d’ailleurs nul indice matériel. La police technique enseigne donc les règles psychologiques de l’aveu et des mobiles. Elle doit observer une déontologie particulière interdisant l’usage de la torture, la provocation et la narco-analyse (à ne pas confondre avec le détecteur de mensonge utilisé en certains pays). Lorsque cette information préliminaire est terminée, il est procédé à l’arrestation du coupable et à sa mise à la disposition d’un magistrat qui établira les charges définitives et ordonnera à cet effet les expertises et les compléments d’enquête avec appel, le cas échéant, à l’organisme international, dit Interpol. Le magistrat doit connaître, lui aussi, les règles, les possibilités, les mécanismes de la police technique et de la police scientifique afin de contrôler les éléments fournis, de déjouer les ruses des malfaiteurs et de s’assurer de l’observation des règles légales.

La police technique se prolonge encore par l’élaboration et l’application de mesures prophylactiques contre la délinquance : contrôles préventifs, barrages routiers, pose de bornes d’appel, fichiers électroniques d’identification des véhicules et des objets volés, liaisons radiotéléphoniques multiples et rapides. On revient ainsi à la criminalistique, puisqu’il y a un échange incessant de relations entre les sciences utilisées par la police scientifique et celles dont se sert la police technique.

M. L. C.

 H. Gross, Handbuch für Untersuchungsrichter als System der Kriminalistik (Graz, 1893 ; nouv. éd., Munich, 1943 ; trad. fr. Manuel d’instruction judiciaire. Marchal et Billard, 1899 ; 2 vol.). / E. Locard, Traité de criminalistique (Desvigne, Lyon, 1936). / R. Lechat, la Technique de l’enquête criminelle (Éd. Moderna, Bruxelles, 1949 ; 3 vol.). / C. Sannié, la Recherche scientifique du criminel (A. Colin, 1955). / J. Gayet, Manuel de police scientifique (Payot, 1961). / P.-F. Ceccaldi, la Criminalistique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 3e éd., 1976). / L. Kappeler, Das Buch der Kriminalistik (Berlin, 1962). / H. Wals, Forensic Science (Sweet et Maxwell, Londres, 1968). / M. Le Clère, Manuel de police technique (Police-revue, 1967 ; 2e éd., 1974).

criminologie

Science de la criminalité, dont l’objet est de rechercher les causes et les caractères de la délinquance ainsi que d’étudier les méthodes de traitement des délinquants.



Les définitions de la criminologie

Selon Enrico Ferri (1856-1929), la criminologie doit étudier le délit comme un phénomène social et indiquer la méthode qu’il convient d’employer pour préserver la société. Cette conception, qui inclut même le droit pénal, devait être écartée, notamment sous l’influence d’un juriste italien, Rocco (1875-1935).

L’école autrichienne (Hans Gross [1847-1915], Ernst Seelig [1895-1955], Roland Grassberger [né en 1905]) a développé une conception encyclopédique de la criminologie. Cette dernière engloberait de nombreuses disciplines particulières se consacrant à l’étude de la réalité criminelle, des faits de procédure et de la défense contre le crime. Elle comprendrait non seulement l’anthropologie criminelle, la psychologie criminelle, la sociologie criminelle et la pénologie, mais encore la criminalistique*, la psychologie judiciaire. À vrai dire, ces dernières disciplines ne sauraient constituer que des sciences annexes ou auxiliaires du droit pénal, car elles ne permettent pas de connaître les causes de la délinquance ou les moyens de la prévenir.

Il est généralement admis, à l’heure actuelle, que la criminologie est la science qui étudie l’infraction en tant que phénomène social. En France, en particulier, Jean Pinatel rappelle la définition énoncée par Durkheim*, selon laquelle est « crime tout acte puni [par la société], et nous faisons du crime ainsi défini l’objet d’une science spéciale, la criminologie ». Pour Maxime Laignel-Lavastine et Victor Stanciu, la criminologie « est l’étude complète et intégrale de l’homme, avec la préoccupation constante de mieux connaître les causes et les remèdes à son activité antisociale ».

Les « criminalistes » français souscrivent largement à une telle définition. Robert Vouin et Jacques Léauté définissent la criminologie comme l’étude scientifique du phénomène criminel, qui « s’efforce de l’expliquer, de dégager les lois naturelles qui le régissent [...] et de le prévoir ». Quant à Roger Merle et André Vitu, ils la définissent comme la « science du criminel, du phénomène criminel et des thérapeutiques de la criminalité ». Gaston Stefani, Georges Levasseur et Roger Jambu-Merlin, il est vrai, ne lui assignent que l’étude des causes de la délinquance. Mais, s’ils font de la science pénitentiaire une discipline distincte, ils reconnaissent que des liens étroits unissent les deux disciplines.

À l’étranger, la criminologie comporte toujours une partie consacrée aux méthodes de traitement des condamnés en vue de leur réinsertion sociale. Telle est la conception d’Edwin H. Sutherland, de Denis Szabo et de Seelig.


L’originalité de la criminologie

Parce qu’elle envisage les facteurs de la délinquance, la criminologie doit faire appel à d’autres disciplines. Elle doit, en premier lieu, rechercher la réalité criminelle. Il lui faut décrire les phénomènes avant d’en rechercher l’explication. Toutefois, il ne saurait exister une criminologie descriptive et des criminologies explicatives, car c’est par la synthèse des criminologies spécialisées que la criminologie générale peut s’élaborer. Dès lors, la biologie criminelle permettra au criminologue de connaître dans quelle mesure la délinquance est influencée par les aspects génétiques, anatomiques, physiologiques ou pathologiques du délinquant. L’étude de cette discipline a été florissante en Italie et même en Autriche (école de Graz). La psychologie criminelle, pour sa part, en étudiant les aptitudes sociales et les attitudes morales du délinquant, permettra de connaître les motifs des actes délictueux et tendra à donner des indications utiles pour l’organisation du traitement du délinquant. Enfin, la sociologie criminelle fournira des enseignements précieux en ce qui concerne l’importance sociale du phénomène criminel.