Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

criminalistique (suite)

Parmi les taches, celles de sang sont primordiales. Soumises à des réactions d’orientation (est-ce du sang ?), puis de certitude (sang d’homme ou d’animal ?), elles permettront d’attribuer cette sécrétion à tel individu. L’analyse des poils renseigne sur l’espèce, l’âge, les modalités de la chute ou de l’arrachement. Le laboratoire identifie également les peintures, les émaux, les vernis et les textiles. Quant aux traces, on distingue les traces instrumentales (prélevées par moulage ou par photographie), les traces vestimentaires et les traces corporelles : parmi celles-ci, les empreintes digitales, dont le mérite de la découverte revient à William James Herschel (1877) et qui furent étudiées par Francis Galton (1892), occupent une place de choix.

Elles sont, à l’heure actuelle, le moyen le plus sûr d’identifier un individu. Chaque phalangette présente un dessin formé de lignes en relief portant les papilles sudorales, ordonnées autour d’un ou de plusieurs points centraux. Un comptage et une classification de ces dessins ont établi leur dissemblance absolue d’un individu à un autre et, par conséquent, permis l’identification scientifique de chaque individu laissant sur une surface unie ou molle son empreinte : verre, métal, papier, etc. Les tribunaux admettent la certitude de similitude entre l’empreinte d’un seul doigt découverte sur les lieux du crime et celle d’un suspect lorsqu’il est apporté la preuve de dix-sept points de comparaison, exigence abaissée à quinze si on dispose de l’empreinte de deux ou trois doigts. Ainsi se trouvent facilités la recherche des récidivistes, dont la carte dactyloscopique est conservée quatre-vingts ans dans les « sommiers » de police, et le dépistage des fausses identités : individus se faisant condamner sous un faux nom ou le nom d’un tiers. Par contre, l’anthropométrie, mesure de certaines longueurs osseuses, n’a plus qu’une valeur d’appoint.

La balistique, autre branche de la police scientifique, interroge les traces de poudre, d’extraction et d’éjection des munitions tirées, pour individualiser l’arme utilisée. Elle détermine par ailleurs les trajectoires, jouant ainsi un rôle capital dans l’admission des témoignages en faisant écarter ou admettre la thèse de la légitime défense. On voit ici un des cas de subordination du droit criminel à la police scientifique et à la police technique.

Les documents écrits ou peints peuvent être contrefaits, c’est-à-dire créés de toutes pièces, ou bien falsifiés par suppression, adjonction ou substitution. Le domaine du faux est fort varié : signature apocryphe d’un acte officiel ou privé, établissement d’un faux testament ou certificat, pastiches de tableaux ou fausses attributions d’une œuvre d’art, faux billets de banque ou effets de commerce faux. Le laboratoire de police scientifique utilise alors des méthodes optiques (radiations ultraviolettes ou infrarouges), électriques (conductibilité du papier) et chimiques (chromatographie et analyse des encres et des peintures). Pour les textes manuscrits et dactylographiés, on a recours à des expertises d’écritures et à des procédés d’identification de machines.


Police technique

La police scientifique travaille en laboratoire, mais la recherche du crime et de ses auteurs relève uniquement des investigations de la police. Celles-ci ne s’improvisent pas. Depuis 1893, les règles logiques et techniques en ont été dégagées par Hans Gross (1847-1915), magistrat autrichien, auteur d’un Manuel d’instruction judiciaire. La technique est ici subordonnée aux règles primordiales de la procédure pénale, qui protège les libertés individuelles.

La police technique est tout à la fois la science du constat criminel, la connaissance des modes opératoires délictueux et l’utilisation de méthodes appropriées dans la recherche du coupable et l’administration de la preuve.

Le constat a pour objet de rassembler les preuves matérielles — ce qui appelle le concours de la police scientifique, notamment au cas d’empreintes ou de traces — et de recueillir les témoignages. Il comporte quatre opérations dans un ordre immuable : photographie, relevé des indices, description des lieux, plan topographique.

La connaissance des modes opératoires, préalable à l’enquête, permet l’élaboration d’hypothèses, l’élimination de la cause fortuite ou de la coïncidence, parfois l’attribution directe de l’acte à son auteur par la répétition rigoureuse des mêmes faits.

Ces modes varient avec les infractions. Schématiquement, on peut ranger celles-ci dans cinq grandes classes :
1o attentats contre les personnes : assassinats, homicides volontaires et involontaires (accidents) [il s’agit de démêler crime, suicide, accident ; auteur préméditant, passionnel ou occasionnel. L’avortement criminel se rattachait à cette classe] ;
2o attentats contre les biens : vols d’astuce, vols par violences sur les choses (usage de leviers ou de fausses clés), par violences sur les personnes (attaque individuelle ou gang), escroqueries avec faux nom ou par manœuvres faisant croire à un événement chimérique, abus de confiance, incendies volontaires par cupidité ou vengeance ;
3o attentats contre l’État : trahison et espionnage, dont la détection fait souvent appel à des matériels radioélectriques et prête à des développements d’enquête éloignés des méthodes habituelles ;
4o attentats contre la moralité et la foi publique : d’abord différentes infractions contre les mœurs et aussi certaines déviations sexuelles pouvant être marginales ; quant à la foi publique, elle est bafouée par les différents faux en écritures ;
5o attentats contre l’économie : fausse monnaie, banqueroute, fraudes sur la qualité ou la quantité des marchandises.

Après avoir étudié les conditions et les particularités de l’infraction, recueilli les objets ou les indices trouvés sur les lieux, le policier technique s’efforce d’étayer son opinion. Il fait appel au recoupement des témoignages matériels et verbaux, à des surveillances, à des filatures (parfois avec l’aide de chiens ou sous le couvert de déguisements). Sa tâche est facilitée par une politique préalable de pénétration des milieux et de réseaux d’informateurs ainsi que par le recours à la consultation de fichiers et aux perquisitions.