Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Crabe (suite)

L’abdomen est réduit à une sorte de languette repliée sous le céphalothorax et maintenue par un dispositif analogue à un bouton-pression ; chez la femelle, sa forme est ogivale, et il montre nettement les sept segments qui le constituent ; il apparaît plus étroit chez le mâle, et les segments 3, 4 et 5 sont souvent fusionnés. L’abdomen se soulève au moment de l’accouplement ; ainsi le mâle peut dégager ses stylets copulateurs et déposer les spermatozoïdes dans les orifices génitaux de la femelle, à la base de la troisième paire de pattes locomotrices. À la ponte, les œufs, émis par centaines de milliers ou par millions, se fixent aux quatre paires de pattes abdominales de la femelle et forment une masse imposante qui maintient l’abdomen soulevé. Le développement passe par trois stades larvaires planctoniques, appelés zoé, métazoé et mégalope, avant d’atteindre la morphologie du Crabe achevé. Chez les Crabes d’eau douce, comme Potamon, les œufs sont relativement gros et peu nombreux (de 200 à 300), et, à l’éclosion, ils libèrent d’emblée de petits Crabes. À cause de leur grande taille et de leur relative facilité d’élevage en aquarium, les Crabes ont fourni aux biologistes un matériel de recherche en différents domaines : modalités de la croissance (travaux de Teissier sur Maia squinado) ; étude de la régénération des appendices après autotomie ; modification de la couleur en fonction de l’environnement et rôle de la glande du sinus, située dans le pédoncule oculaire, dans l’adaptation chromatique ; mécanismes neuro-humoraux conditionnant la mue (l’organe Y situé près des mandibules déclenche la mue, alors que l’organe X des pédoncules oculaires l’inhibe) ; intervention de la glande androgène dans l’apparition des caractères sexuels secondaires du mâle.

Les Crabes procurent à l’Homme un appoint alimentaire qui est loin d’être négligeable. On consomme en Europe le Tourteau, l’Étrille et l’Araignée de mer ; en Amérique du Nord, on pêche Callinectes sapidus et, dans les Antilles, on mange le Tourlourou (Gecarcinus, Crabe terrestre). Dans le Pacifique, les Japonais et les Russes pèchent des Araignées de mer et en font des conserves.

On répartit les Brachyoures en cinq tribus : a) les Dromiacés, les plus primitifs, qui ont un certain nombre de caractères les rapprochant des Anomoures ; b) les Oxystomes (Calappa), qui exhalent l’eau qui a circulé sur les branchies par un dispositif particulier ; c) les Corystéides (Cancer) ; d) les Brachyrhynques, à la carapace carrée ou pentagonale, groupant la majorité des espèces ; e) les Oxyrhynques, les plus évolués, dont la carapace se prolonge en avant par un rostre, ce qui les fait nommer Crabes triangulaires (Maia, Macrocheira).


Quelques Crabes communs ou remarquables

Beaucoup de Crabes vivent sur le littoral. Souvent caché sous les Algues ou dans un creux de rocher à marée basse, le Crabe enragé (Carcinus mœnas), au dos verdâtre, abonde sur nos côtes ; il peut héberger divers parasites, parmi lesquels le Portunion (Crustacé Isopode), dans sa cavité viscérale, et la Sacculine (Crustacé Cirripède), qui, à maturité, laisse émerger sous l’abdomen de l’hôte une sorte de sac où s’élaborent ses produits génitaux ; profondément insérée dans le corps du Crabe par un système de filaments ramifiés, la Sacculine provoque la castration du Crabe et, lorsqu’elle atteint un mâle, fait prendre à son abdomen la morphologie d’une femelle.

Le Pinnothère est un petit Crabe que l’on trouve assez souvent dans la cavité branchiale des Moules, où il vit en commensal. Dromia vulgaris se cache fréquemment sous une Éponge ou sous une coquille, qu’elle maintient avec ses pattes postérieures, fines et rejetées sur le dos.

Appelé couramment Tourteau, Dormeur, Poupart, Cancer pagurus se reconnaît à sa carapace elliptique, plus large que longue, à ses fortes pinces à bouts noirs et à sa grande taille (il atteint jusqu’à 15 cm de large) ; on le rencontre à marée basse dans les fentes de rochers, mais on pêche les plus gros individus jusqu’à 100 m de profondeur. C’est également sur les fonds de 50 m au plus que l’on rencontre les Araignées de mer (Maia squinado), qui poussent très loin le camouflage, en fixant sur leur dos épineux des Algues variées et se transforment ainsi en véritables jardins ambulants. Si les Maia des côtes européennes mesurent jusqu’à 17 cm de long, leurs cousins japonais Macrocheira sont encore plus grands, et les pinces des mâles s’allongent sur 1,70 m, ce qui ne représente pas loin de 4 m d’envergure pour l’animal entier !

Signalons trois formes curieuses qui vivent dans les récifs coralliens : Melia (= Lybia) tessellata, des océans Indien et Pacifique, porte dans chacune de ses pinces une petite Anémone de mer, dont il se sert pour se protéger et pour capturer des proies ; Haplocarcinus vit en parasite sur des Madrépores en déterminant sur eux la formation de galles, dans lesquelles il reste prisonnier ; Cryptochirus s’installe dans une loge de Madrépore, souvent par couples.

Il existe des Crabes capables de nager. L’Étrille (Portunus puber) possède des pattes postérieures dont le dernier article, aplati, peut servir de palette natatoire, mais elle ne s’éloigne guère de la côte et on la trouve fréquemment sous les pierres ou dans les fentes, à marée basse. Polybius est nettement pélagique ; ses quatre paires de pattes sont élargies ; il vit en groupes, jusqu’à 100 m de profondeur, et sa voracité justifie son nom usuel de Crabe à Sardines.

Beaucoup de Crabes peuvent s’enfoncer dans le sable des plages, parfois très rapidement, comme Corystes. Le Crabe honteux de Méditerranée (Calappa granulata) possède d’énormes pinces triangulaires, qu’il rabat sur le devant, masquant ainsi parfaitement sa tête ; on le trouve souvent enfoui dans le sable. Uca est un Crabe tropical à la biologie bien particulière, d’abord parce qu’il creuse des terriers dans la zone de balancement des marées, ensuite parce que le mâle possède deux pinces dissymétriques avec lesquelles il produit une stridulation (Crabe violoniste), enfin parce que cette émission peut avoir une signification sexuelle et accompagner de véritables danses nuptiales.