Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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couleur (suite)

Les couleurs dans le décor ou l’environnement

Certaines personnes ont pu penser qu’il n’était pas souhaitable d’enserrer dans des règles strictes l’usage de la couleur en tant que facteur d’ambiance et d’environnement du travail. Pourtant, l’usage de couleurs froides dans un atelier surchauffé, celui des couleurs dynamiques et revitalisantes dans un autre où s’effectuent des travaux pénibles, des taches vertes équilibrantes devant les yeux d’une personne active... sont des bases saines et utiles. Par contre, des abus et des fantaisies dans l’usage de la couleur peuvent être la cause de fatigues visuelles, voire nerveuses, et celle aussi de risques ou de fausse sécurité. Des règles et des normes ont donc été édictées qui, tout en laissant une large marge au décorateur et en permettant à l’utilisateur de s’intégrer aux cas d’espèces, donnent des bases importantes.

Dans la maison, les couleurs doivent être conçues au choix des utilisateurs et dans des harmonies réelles et orchestrées. Dans les lieux communs au contraire, elles doivent répondre au meilleur résultat pour le plus grand nombre.

S’il importe de savoir comment réaliser logiquement une ambiance colorée, il importe aussi, et plus encore peut-être, de savoir ce qu’il ne faut pas faire. On évitera ainsi de renouveler de fâcheux errements et de pénibles fautes de goût.

Il convient notamment, tout d’abord, d’éviter les couleurs trop vives et trop saturées sur de grandes surfaces. Ce n’est pas seulement une agression vis-à-vis de l’œil et du goût, c’est aussi et surtout une fatigue visuelle et nerveuse par difficulté d’adaptation chromatique : pas de fours ou d’étuves peints en orange pour évoquer la chaleur ou en bleu sous le fallacieux prétexte de les... refroidir ; pas de ponts roulants entièrement peints en orange ou en jaune. Il faut aussi éviter en grandes surfaces les bruns déprimants ou les gris tristes qui utilisent mal la lumière et sont psychologiquement néfastes.

Enfin, il est essentiel d’adapter, dans un décor ou un environnement, la couleur et la nuance de lumière qui lui conviennent, l’une n’allant jamais sans l’autre.

Représentations du spectre chromatique

Le spectre chromatique a été divisé selon divers critères en six, sept, dix, douze, seize teintes principales. La division en six couleurs disposées dans un cercle chromatique est la méthode la plus courante pour la représentation du spectre. Les couleurs primaires alternent avec les complémentaires ; chaque complémentaire — mélange des deux couleurs primaires avoisinantes — se situe à l’opposé de la couleur primaire à laquelle elle correspond.

Artistes et hommes de science ont proposé diverses méthodes de notation systématique pour le repérage des couleurs. Des surfaces géométriques, puis des constructions volumétriques ont été établies pour symboliser les relations chromatiques et servir d’étalons de comparaison. L’astronome allemand Johann Tobias Mayer (1723-1762) proposa un triangle trichromatique ; Jean Henri Lambert (1728-1777), une pyramide. Philipp Otto Runge (1777-1810), peintre romantique ami de Goethe, établit la sphère chromatique avec des pôles blanc (nord) et noir (sud). L’Art de la couleur, de Johannes Itten (1888-1967), reprend ce système. Newton, Eugène Chevreul (1786-1889), Wilhelm Ostwald (1853-1932) et Albert Munsell (1858-1918) utilisèrent le cercle chromatique selon des modalités plus ou moins complexes. Récemment, d’autres systèmes, comme le système allemand DIN, ont été établis pour répondre aux exigences techniques et scientifiques contemporaines.

M. E. I.

 Encyclopédie Prisma de la couleur (Prisma, 1957). / J. Bergmans, Vision des couleurs (Dunod, 1960). / J. Itten, Kunst der Farbe (Ravensburg, 1961 ; trad. fr. l’Art de la couleur, Dessain et Tolra, 1967). / J. Albers, Interaction of Colours (Newhaven, 1963). / G. Bouté, l’Esprit de la couleur (Dessain et Tolra, 1970).
Publication périodique : Couleurs, revue du Centre d’information de la couleur et de l’Association française de colorimétrie (Paris).

La couleur dans l’art

L’histoire des arts visuels est aussi l’histoire des utilisations de la couleur à travers les siècles. La couleur a joué deux rôles principaux dans l’art : symbolique ou naturaliste. De nos jours, elle acquiert peu à peu un caractère propre, en traduisant des recherches optiques, décoratives, plastiques ou psychologiques. Ses modes d’emploi, presque infinis, dépendent d’un ensemble de facteurs qui dépassent le cadre purement esthétique : possibilités techniques diverses offertes aux artistes (v. peinture), habitudes et goûts propres à chaque société, contenus symboliques et psychologiques variés attribués à la couleur.

Celle-ci constitue par excellence la matière première du peintre, mais architectes et sculpteurs l’utilisent également. Les temples et les statues de la Grèce préclassique étaient vivement colorés en rouge, bleu, jaune ocre. Les chapiteaux des églises romanes, les statues baroques espagnoles devaient ou doivent en partie leur force expressive à leur polychromie, symbolique pour les premiers, naturaliste pour les secondes. Aujourd’hui, les larges surfaces monochromes des sculptures « minimalistes » américaines réinstallent la couleur avec toute sa force optique dans les trois dimensions de l’espace (v. minimal art).

Rien qu’aux xixe et xxe s., la couleur a été utilisée de façon très diverse par les peintres. Ils ont recherché des contrastes maximaux par l’usage de couleurs pures juxtaposées : ainsi dans la peinture fauve (v. fauvisme) et dans certaines œuvres de l’op’art (v. cinétique [art]). L’effet contraire, un contraste presque imperceptible à base d’accords en demi-teintes, constituait la règle de base pour la palette des paysagistes anglais et des premiers cubistes. Quelques artistes montrent une préférence pour les gammes très riches, tandis que d’autres utilisent un nombre restreint de couleurs, allant même jusqu’aux propositions monochromatiques (Yves Klein*, Ad Reinhardt [1913-1967]).