Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Cortone (Pierre de) (suite)

En 1637, le grand-duc de Florence Cosme II demanda à Pietro de peindre à fresque sur les parois de la Stanza della Stufa, au palais Pitti, les allégories des quatre âges de l’humanité. Pietro exécuta aussitôt l’âge d’or et l’âge d’argent ; puis il s’interrompit pour se rendre d’abord à Venise, où il put étudier les maîtres de la couleur, puis à Rome, où il acheva le plafond du palais Barberini. Il revint à Florence en 1640 afin de peindre les deux autres allégories, l’âge d’airain et l’âge dé fer. Mais il entreprit aussi de décorer, dans le grand appartement du même palais, une série de stalles dont chacune devait évoquer la divinité d’une planète, au moyen de sujets peints à fresque dans des encadrements de stuc ; il travailla personnellement dans les salles de Jupiter, de Mars et de Vénus, se contentant de répartir entre ses élèves le reste de la tâche. Ces compositions, surtout celles des quatre âges, sont peut-être ce que Pietro a laissé de plus séduisant. Elles font triompher la virtuosité du peintre, son sens décoratif, la souplesse de son dessin, qui évite de fixer trop franchement les contours, sa palette claire et chatoyante, qui doit beaucoup à Véronèse*. Une lumière très pure baigne ce monde à la fois héroïque et tendre.

Pietro revint à Rome en 1647. Il entreprit aussitôt de peindre à fresque la coupole de l’église des Philippins, Santa Maria in Vallicella, dite Chiesa Nuova. Cet ouvrage, la Trinité dans une gloire céleste, achevé en 1651, Pietro reprit son activité de peintre officiel de la cour pontificale. Le pape Innocent X le chargea de décorer la galerie du palais Pamphili, sur la piazza Navona. Les fresques de l’Énéide qu’il y exécuta de 1651 à 1654 constituent le troisième grand ensemble profane du peintre. Elles prouvent une fois de plus sa science de la perspective verticale, de même que la voûte de la nef de Santa Maria in Vallicella, peinte de 1662 à 1665 et représentant un miracle de saint Philippe. Depuis 1652 jusqu’à sa mort, Pietro donna des modèles pour les mosaïques de Saint-Pierre du Vatican ainsi que des cartons de tapisseries pour les Barberini. C’est aussi pendant sa seconde période romaine qu’il peignit un certain nombre de grands tableaux d’autels : le Martyre de saint Laurent, pour San Lorenzo in Miranda ; Saint Charles Borromée et les pestiférés, pour San Carlo a’ Catinari ; d’autres pour des églises de Pérouse, de Cortona, d’Arezzo, d’Imola et de Venise. Après sa mort, et au-delà de ses disciples immédiats (Ciro Ferri [1634-1689], Giovanni Francesco Romanelli [1610-1662]), l’ampleur de son style décoratif devait inspirer tout un courant de la peinture baroque, représenté à Rome par le Baciccia (1639-1709) et Andrea Pozzo (1642-1709), voire à Venise par Tiepolo*.

Les mérites du peintre ne doivent pas faire oublier la qualité de son œuvre d’architecte. Le faste baroque s’y tempère d’une rare élégance. Pietro éleva l’église Santi Luca e Martina, près du Forum, à partir de 1634, mais l’essentiel date de sa seconde période romaine : le rhabillage, pour le compte d’Alexandre VII, de l’église Santa Maria della Pace, avec un frontispice remarquable par le jeu des surfaces concaves et convexes ; la façade de Santa Maria in Via Lata, aux colonnes très harmonieusement distribuées ; enfin la coupole de San Carlo al Corso.

B. de M.

Cosaques

Combattants irréguliers habitant les confins de la Moscovie et de la Pologne ; par la suite, paysans-soldats privilégiés formant des régiments spéciaux dans la cavalerie russe.


L’origine des Cosaques reste controversée : si le mot a été emprunté aux Tatars, qui désignaient par là des détachements irréguliers, spécialisés dans les raids de pillage en territoire ennemi, on suppose que, dès le xve s., sinon plus tôt, les habitants des confins moscovites et lituaniens ont imité spontanément cet exemple. Au xvie s., les États organisés tentèrent de régulariser l’institution : le gouvernement polono-lituanien soumit les Cosaques de l’Ukraine à la juridiction des starostes (commandants des châteaux forts) de la frontière, tandis que les tsars installaient des Cosaques dits « urbains » dans des villages fortifiés.

Mais un grand nombre de Cosaques réussirent à se soustraire à cette tutelle en se déplaçant vers le sud ou vers l’est ; leurs rangs se gonflèrent progressivement des nombreux fugitifs qui voulaient échapper soit au durcissement du servage, soit aux persécutions de la Contre-Réforme polonaise contre les orthodoxes.

Dans la seconde moitié du xvie s. se constituèrent les deux communautés cosaques les plus célèbres : en marge de la Pologne, celle des Zaporogues, fixés au-delà des porogi (« rapides ») du Dniepr ; sous la suzeraineté nominale de la Russie, celle des Cosaques du Don, répartis en stanitsy (« hameaux ») sur le cours inférieur du fleuve et de ses affluents.

Ces collectivités constituaient primitivement une sorte de démocratie militaire : elles se réunissaient périodiquement en assemblées générales appelées, chez les Cosaques du Don, le kroug et, chez les Zaporogues, la setch, dont le nom passa à l’île du Dniepr, qui servait de quartier général ; ces assemblées jugeaient souverainement au criminel en condamnant les coupables à la noyade et elles élisaient l’ataman (« commandant en chef »), dont le pouvoir devenait absolu pendant la durée des expéditions.

La guerre restait en effet la raison d’être des Cosaques : pour les empêcher de s’en laisser détourner par des travaux trop absorbants, on leur interdisait la culture ; les produits de l’élevage et de la pêche assuraient la subsistance et alimentaient les échanges avec les Russes et les Tatars.

En dépit des légendes romantiques, l’égalité originelle ne se maintint pourtant pas longtemps : comme les chefs se choisissaient généralement dans les mêmes familles, le terme de starchina (« autorités ») finit par désigner une catégorie supérieure, qui se faisait attribuer les meilleurs pâturages et les meilleures pêcheries. Même les Cosaques du rang se distinguèrent bientôt par leur niveau de fortune : si les colons anciens avaient généralement acquis une aisance suffisante pour mériter l’appellation de domovity (« ceux qui ont pignon sur rue »), la plupart des immigrés récents portaient le qualificatif méprisant de golytba (« va-nu-pieds »). Pour vivre, ces derniers pillaient à l’occasion les caravanes de passage, voire les villes voisines, sans faire toujours la distinction entre les amis et les ennemis.