Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Corée (suite)

Le déclenchement de la guerre

Le dimanche 25 juin, sous une grosse pluie de mousson, 5 divisions nord-coréennes franchissent le 38e parallèle et dévalent vers le sud. La surprise est totale, aussi bien à Séoul qu’à Washington. Au Conseil de sécurité, l’absence de l’U. R. S. S. permet l’adoption d’une motion américaine enjoignant à la Corée du Nord de replier ses troupes sur le 38e parallèle, et à toutes les Nations unies d’intervenir dans ce but. Ainsi, grâce à ces circonstances fortuites, les États-Unis peuvent faire entériner par l’O. N. U. la responsabilité de la riposte. Les chars nord-coréens étant entrés dans Séoul dès le 27, Truman ordonne au général MacArthur* d’engager les forces aériennes et navales américaines puis, le 30, les divisions américaines stationnées au Japon. Elles seront ensuite renforcées de détachements anglais, canadiens, néo-zélandais, sud-africains, australiens et, plus tard, de bataillons français (commandé par le général Magrin-Vernerey dit Monclar [1892-1964]), belge, néerlandais, thaïlandais, colombien, éthiopien, philippin, grec et turc, qui souligneront le caractère international de leur action.


Juin-novembre 1950, offensive nord-coréenne, contre-offensive de MacArthur

Forts de 80 000 hommes, ayant le monopole des chars et de l’aviation, les nordistes avancent comme un raz de marée vers le sud, tandis que MacArthur télégraphie à Washington : « Effondrement complet Corée du Sud imminent. » Les premières troupes américaines, débarquées le 5 juillet, ne peuvent empêcher la chute de Č’ŏng-ču (ou Chongju) et de Tä-čŏn (ou Taejon) [15-20 juill.]. En un mois, la Corée du Sud est totalement envahie, à l’exception de la tête de pont américaine de Pu-san. Dès le 6 août, MacArthur décide de risquer un débarquement sur les arrières de l’adversaire. L’opération, menée le 15 septembre par le 10e corps américain à In-č’ŏn (ou Inchon), est un remarquable succès qui permet aux forces de MacArthur d’entrer à Séoul le 28, puis de reprendre la liaison avec les forces venues de Pu-san. Totalement surpris, les Nord-Coréens refluent vers le nord, poursuivis sans répit par les Américains au-delà du 38e parallèle en direction de la frontière sino-coréenne, que sillonne le fleuve Ya-lu. Le 26 octobre, le 10e corps débarque à Wŏn-san et pousse en direction de la frontière soviétique ; à l’ouest le 9e corps, qui, le 19, a pris la capitale nordiste de P’yŏng-yang, s’arrête à proximité du Ya-lu.

Chez les Américains, l’euphorie est entière, on parle d’organiser des élections libres dans toute la Corée et de terminer la campagne. Tous les soldats de l’O. N. U. seront rentrés chez eux pour Noël, déclare le général MacArthur.


L’intervention chinoise : novembre 1950

Cette victoire précaire va être rapidement remise en question. Dès la fin d’octobre, des soldats chinois font leur apparition sur le front du Ya-lu, où les Américains découvrent l’existence de plus de 40 divisions chinoises (environ 300 000 hommes). En dépit des efforts de médiation de l’Inde, l’intervention de Mao Zedong (Mao Tsö-tong) sera condamnée le 1er février 1951, non par le Conseil de sécurité, où l’U. R. S. S. a renvoyé son représentant et retrouvé son droit de veto, mais par l’Assemblée générale de l’O. N. U., d’ailleurs divisée.

À cette date, la tension internationale sera d’autant plus grande que, le 27 novembre 1950, des troupes sino-coréennes, que commande le général chinois Lin Piao*, ont pris l’offensive et refoulé les forces de l’O. N. U. bien au-delà du 38e parallèle. Le 4 décembre, les Sino-Coréens sont rentrés à P’yŏng-yang. Grâce à la rapidité de leur retraite, les troupes de MacArthur, dont une partie rembarque à Heung-nam, réussissent à rompre le contact et à se rétablir, vers le 15 décembre, sur une ligne très proche du 38e parallèle. Elles en sont délogées le 1er janvier par une nouvelle offensive sino-coréenne sur Wŏn-ču (ou Wonju). Par un froid de – 30 °C, les routes sont encombrées de foules de réfugiés fuyant devant les Chinois, et les troupes de la VIIIe armée américaine refluent en désordre. Leur chef, le général Walton Walker, avait été tué le 23 décembre.


Janvier-avril 1951, la riposte du général Ridgway

La situation va être sauvée par l’énergie de son successeur, le général Ridgway (né en 1895), qui parvient à s’accrocher à la mi-janvier sur une ligne au sud de Séoul. Le 4 février, l’important nœud routier de Či-p’yŏng-ni est repris par les Américains. Du 25 janvier au 16 avril, les forces de l’O. N. U. reprennent l’offensive, entrent dans Séoul le 14 mars et repoussent les Chinois au-delà du 38e parallèle, où elles s’installent le 31.


11 avril 1951 : Truman relève MacArthur

Sur ce front provisoirement stabilisé, quelle stratégie adopter ? MacArthur, partisan déclaré d’une victoire décisive sur la Chine, prône la reprise de l’offensive sur le Ya-lu, quitte à envisager un emploi éventuel de l’arme atomique. Truman, au contraire, obligé de tenir compte des réticences de ses alliés (surtout des Anglais), conscient de l’importance de l’engagement américain en Europe et du manque d’unanimité de l’O. N. U. sur l’affaire coréenne, refuse catégoriquement le risque d’un conflit ouvert avec la Chine. C’est pourquoi il décide, le 11 avril, le remplacement de MacArthur par Ridgway, ce qui traduit le refus d’une décision militaire et la recherche d’une solution politique du conflit. Quelques jours plus tard (23 avr.), une nouvelle offensive chinoise, renouvelée le 16 mai, entraîne un repli des forces de l’O. N. U. au sud du 38e parallèle. Le 23 mai, les Américains récupèrent le terrain perdu et dépassent à l’est le 38e parallèle de 80 km.


Juin 1951 - juillet 1953, en marche vers l’armistice

Au moment où le rétablissement de la situation militaire permet à Ridgway de reprendre sa progression vers le nord, il reçoit brusquement l’ordre de s’arrêter et d’établir ses troupes en position défensive. Après de nombreux sondages diplomatiques, les négociations d’armistice avaient en effet commencé le 10 juillet 1951 à Kä-sŏng (ou Kaesong). Rompues dès la fin d’août, elles reprennent en octobre à P’an-mun-čŏm (Panmunjom), mais elles n’aboutissent qu’après d’interminables pourparlers, et l’accord ne sera signé que le 27 juillet 1953, quelques mois après la mort de Staline.

Sur le front, la phase active du conflit avait fait place à une guerre de position conduite à partir d’avril 1952 par le général Clark (né en 1896), successeur de Ridgway à la tête des forces de l’O. N. U. : elle ne connut qu’une série d’engagements limités, quoique souvent encore très meurtriers.

La guerre de Corée, qui marqua le point culminant de la guerre froide entre l’Est et l’Ouest, s’achevait donc par un match nul. Elle traduisait la volonté des États-Unis comme celle de l’U. R. S. S. (dont la première bombe thermonucléaire éclatera quelques jours après l’armistice) d’éviter en tout état de cause un affrontement direct, avec son risque nucléaire.