Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Corée (suite)

Les nations occidentales signataires de traités avec la Corée avaient commencé, dans plusieurs régions, de doter ce pays d’une infrastructure moderne (chemins de fer, télégraphe, installations portuaires, mines, etc.). Le Japon avait agi de façon identique et, lorsqu’il fut le seul maître, l’exploitation des richesses de la Corée fut entreprise sur une grande échelle. La plus grande partie de la récolte de riz fut exportée au Japon, et les Coréens durent importer du millet de Mandchourie pour se nourrir. En 1936, la consommation moyenne de riz par habitant avait diminué de près de moitié par rapport à 1912. L’industrie connut, elle aussi, un essor rapide et prit une part prépondérante dans les exportations coréennes, mais cette expansion se fit au détriment de la Corée.

Les Coréens — qui s’opposaient à toutes les tentatives visant à promouvoir la langue japonaise, à unifier le langage, les sentiments, les pensées et à compléter ainsi la fusion — éprouvèrent de plus en plus de difficultés à mener la lutte antijaponaise à l’intérieur du pays et partirent pour l’étranger afin d’y participer. Des soldats coréens luttèrent aux côtés des troupes du Guomindang (Kouo-min-tang) contre les Japonais. De même, en Mandchourie, des commandos de guérilla, la plupart contrôlés par le parti communiste, harcelèrent l’armée japonaise. Cette résistance fut prise en considération à la conférence du Caire (nov. 1943), où la Chine, les États-Unis et la Grande-Bretagne affirmèrent qu’ils étaient « déterminés à ce que, le moment venu, la Corée devienne libre et indépendante ». Cette déclaration fut reprise à la conférence de Potsdam (juill. 1945), approuvée par les Russes, et il fut convenu qu’un « trusteeship » des quatre Grands (Chine, États-Unis, Grande-Bretagne et U. R. S. S.) serait le meilleur garant de l’indépendance coréenne.

Les modalités d’application de cette résolution n’étaient pas encore fixées que les troupes soviétiques franchirent la frontière de la Mandchourie (9 août 1945). Les forces américaines étant occupées sur d’autres champs de bataille, le Comité des chefs d’état-major américains recommanda que la Corée fût divisée en deux parties délimitées par le 38e parallèle, les Japonais devant effectuer leur reddition, au nord de cette ligne, aux Soviétiques, au sud, aux Américains. Ce n’est que le 8 septembre 1945 que les Américains débarquèrent en Corée.

Cette division artificielle, effectuée avec une méconnaissance totale des réalités économiques de la Corée, allait poser des problèmes politiques insolubles. En effet, malgré les réunions américano-soviétiques au sein d’une commission mixte chargée de mettre en place le futur gouvernement coréen, on vit très rapidement les deux parties désireuses de rester sur leurs positions. L’intransigeance soviétique eut pour corollaire l’ultranationalisme et le sectarisme de Li Seung-man, revenu en Corée au mois d’octobre 1945 et soutenu par les Américains.

C’est dans ce climat qu’une « commission temporaire » de l’O. N. U. fut chargée d’organiser des élections en Corée après que les États-Unis eurent porté la question de la réunification de la Corée devant l’Assemblée générale des Nations unies. Le « Comité populaire de la Corée du Nord », élu en février 1947, refusa que ces élections aient lieu au nord du 38e parallèle. De celles organisées le 10 mai dans la zone sud sortit un gouvernement dit « de la république de Corée », solennellement proclamé le 15 août 1948. Peu après, la zone nord se proclamait à son tour république populaire de Corée, puis république démocratique populaire de Corée. Ainsi se trouvait réalisée, par suite de controverses où les Coréens ne jouèrent qu’un rôle partiel, la division du pays.


La Corée du Nord

(En cor. Čo-sŏn min-ču-ču-eui in-min kong-hoa-guk ou Čo-sŏn.)


Les débuts

Un homme symbolise la Corée du Nord depuis plus de vingt-cinq ans : Kim Il-sŏng. Né le 15 avril 1912 à Man-kyeung-dä, petite bourgade située à une douzaine de kilomètres au sud-ouest de P’yŏng-yang, il est le fils d’un paysan pauvre, ardent patriote, qui, dès 1917, fut emprisonné par les Japonais. À l’âge de quatorze ans, Kim Il-sŏng franchit le Ya-lu pour aller se réfugier en Mandchourie. Il participe à la lutte antijaponaise, adhère à la Ligue des jeunes communistes et, en 1926, crée la Ligue de la jeunesse anti-impérialiste.

Kim Il-sŏng prend une part active à l’organisation de la résistance, lutte contre les « éléments fractionnels et les opportunistes de gauche » qui, à ses yeux, méconnaissent le caractère propre de la révolution coréenne et de ses tâches immédiates. C’est à cette époque qu’est formulé le principe dit « de ču-č’e », c’est-à-dire d’indépendance, la révolution coréenne devant se faire, conformément à la situation réelle du pays, par ses propres forces, et se présenter comme un développement créateur de la théorie marxiste-léniniste sur la lutte armée.

Lorsque l’armée soviétique, accompagnée par les soldats coréens qui avaient lutté parfois à ses côtés pour libérer la Mandchourie, puis le nord de la Corée, pénètre en Corée (9 août 1945), une organisation de type soviétique est rapidement installée, l’armée coréenne fournissant facilement les cadres pour remplacer les Japonais, qui avaient fui devant l’invasion soviétique. Le 25 août 1945 est établi un Comité exécutif du peuple coréen. Le 8 février 1946, un Comité populaire provisoire de Corée du Nord, composé de délégués des comités locaux, se réunit à P’yŏng-yang. Kim Il-sŏng en est élu président.

En novembre 1946 se déroulent des élections ; la participation électorale est élevée : 99,6 p. 100. Deux mois après, à P’yŏng-yang, une Convention des comités populaires est réunie. En son sein seront choisis les 237 députés qui constitueront l’Assemblée populaire de la Corée du Nord. Celle-ci se réunit les 21 et 22 février 1947 et élit un présidium de 11 membres présidé par Kim Du-pong. Kim Il-sŏng devient, lui, président du Comité populaire de la Corée du Nord. Lors de sa réunion du mois de février 1947, la Convention des comités populaires approuve les réformes fondamentales : réforme agraire (mars 1946), égalité des sexes (juill. 1946), nationalisation de l’industrie, des transports et des banques (août 1946). Ces réformes, qui ne seront pas toujours facilement acceptées par la population, sont appliquées sans retard.