Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

coopération (suite)

Les coopératives de consommateurs ont pour but de vendre à leurs adhérents les objets de consommation qu’elles achètent ou fabriquent, soit elles-mêmes, soit en s’unissant entre elles. Leur objet peut recouvrir tout ce qui est nécessaire à l’existence en général. Toute personne peut faire partie de ces coopératives. Elles peuvent vendre à d’autres que des coopérateurs (clients occasionnels ou clients habituels [adhérents]). Les assemblées générales groupent tous les associés. L’administration est confiée à des délégués. La rémunération du capital de la coopérative est prévue par les lois de 1917 et de 1944, ainsi que l’affectation des excédents sous forme de ristourne.

Les Équitables Pionniers de Rochdale et les principes de la coopération de consommation

En décembre 1844, dans Toad Lane à Rochdale, faubourg industriel de Manchester, vingt-huit ouvriers tisserands, qui ont chacun, avec peine (quelques-uns sont en chômage), souscrit une livre, ouvrent une boutique : c’est la Rochdale Society of Équitable Pioneers, la première coopérative de consommation qui aura réussi et bien réussi. Les Équitables Pionniers ont élaboré un manifeste dans lequel ils prévoient la généralisation de la coopération à toute l’économie et énoncent sept principes, qui, depuis, ont servi de base à toutes les coopératives de consommation. L’Alliance coopérative internationale (A. C. I.) a codifié ces principes en 1937. Une nouvelle formulation était en cours de discussion en 1970 :

• adhésion libre de toute personne remplissant les conditions statutaires (les adhérents achètent ou n’achètent pas, à leur gré, dans les magasins de la société coopérative ; dans de nombreux pays [notamment en France], les coopératives vendent également à des clients non coopérateurs, qui, bien entendu, ne bénéficient d’aucune ristourne) ;

• pouvoir démocratique (un adhérent, une voix, quel que soit le nombre de ses actions, c’est-à-dire le risque économique pris) ;

• rémunération à taux fixe et limité du capital ;

• répartition des excédents aux membres, en fonction du seul montant de leurs opérations avec la société (la « ristourne », ce « coup de génie des pionniers », selon Charles Gide, tend cependant, dans les coopératives modernes, à ne redistribuer qu’une partie des bénéfices réalisés, le solde étant affecté à des œuvres sociales).

Des expériences inspirées de Rochdale sont tentées à Lyon, en 1863, en pleine Croix-Rousse (quartier ouvrier) ; des hommes politiques fort éloignés du socialisme associationniste s’intéressent aux Équitables Pionniers : un des Casimir-Perier (Auguste, banquier et propriétaire des mines d’Anzin), le comte de Paris, Jules Simon, etc. Le premier écrit (1864) : « Avec une merveilleuse intelligence des besoins, des qualités, des défauts même des populations ouvrières, ils créèrent pour ainsi dire, du premier jet, le modèle où il faut chercher les plus sûrs enseignements et les meilleurs exemples. »

R. M.


Les coopératives de production et de transformation

Dans la coopération de production et de transformation, les premières places reviennent aux coopératives ouvrières de production et surtout aux coopératives agricoles.


Les coopératives ouvrières de production

Dans la coopérative ouvrière de production — dont un exemple historique, en France, est donné par le « Familistère de Guise » (J.-B. A. Godin) —, les travailleurs assument collectivement la fonction d’entrepreneur. L’objet de cette coopérative est de grouper les travailleurs d’un même métier en vue de l’exercice en commun de leur profession dans des conditions qui leur paraissent le mieux sauvegarder leur indépendance et leur dignité dans l’accomplissement du travail.

Les coopératives de production proprement dites se sont surtout établies dans les branches où l’utilisation de la main-d’œuvre est relativement plus importante que l’emploi des machines. Elles existent dans le bâtiment et les travaux publics (Danemark, France, Israël, Italie, Suisse, Tchécoslovaquie), dans l’imprimerie (France, Italie) et aussi dans les industries du vêtement et de la chaussure (Grande-Bretagne).

Malgré les espoirs qui avaient été mis en elles, les coopératives ouvrières de production n’ont pu abolir le salariat, ni conserver strictement leur caractère coopératif ; du fait des fluctuations économiques, elles sont appelées à embaucher des auxiliaires non coopérateurs (en France 52 p. 100, en Israël 53 p. 100) ; par ailleurs, les fondateurs ont trop souvent tendance à vouloir rester peu nombreux, même lorsque le succès conduit à accroître les effectifs. On se trouve là en face d’une déviation de l’esprit coopératif lui-même.

Il faut sans doute assimiler aux coopératives ouvrières de production les « communautés de travail » constituées à la suite de l’expérience tentée en 1941, à Valence, par Marcel Barbu (communauté Boimondau, fabrique de montres).

Assez souvent, les coopératives de main-d’œuvre ne disposent d’aucun capital important. Elles se bornent à exécuter des tâches bien définies, pour lesquelles elles ont passé des marchés avec les collectivités publiques ou des entreprises privées. Intervenant en qualité de sous-traitants, elles se chargent d’organiser la main-d’œuvre requise pour l’exécution d’une opération donnée de production ou pour effectuer un service. En même temps qu’elles sauvegardent les intérêts de leurs membres, elles épargnent à l’autre partie contractante les problèmes de discipline ; elles évitent également l’intervention d’un intermédiaire prélevant un profit. Elles ont pour objet de débattre le prix de l’ouvrage avec l’entrepreneur principal, puis de répartir les tâches et les rémunérations entre leurs membres de façon équitable et conformément à des règles que ces derniers se sont données à eux-mêmes.

La coopération est également répandue parmi les travailleurs industriels indépendants (tisserands, tailleurs, ébénistes, cordonniers, potiers, serruriers, horlogers, opticiens). Elle leur permet d’acquérir matières premières, outillages et équipements à des conditions raisonnables, et d’obtenir des crédits, grâce auxquels ils disposent de moyens financiers nécessaires entre le moment où ils achètent les matières premières et celui où ils touchent le prix de leurs produits.

En France, l’importance économique des coopératives ouvrières de production est faible : elles occupent 35 000 travailleurs et réalisent un chiffre d’affaires de 3,5 milliards de francs, équivalant à 0,5 p. 100 de la production industrielle française.