Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

alcènes (suite)

Propriétés physiques

Il convient d’abord de rappeler (v. stéréochimie) que l’alcène le plus général

peut se présenter sous deux formes non spontanément interconvertibles, chaque fois que l’on a simultanément R1 ≠ R2 et R3 ≠ R4 ; ces formes sont appelées cis et trans, et sont représentées ainsi :

Cela tient à ce que les deux carbones éthyléniques et les atomes qui leur sont directement reliés sont dans un même plan et forment un ensemble rigide. Les isomères cis et trans ont des propriétés vulgaires très voisines, mais peuvent être différenciés par analyse spectrale (infrarouge, résonance magnétique nucléaire).

Les alcènes absorbent dans l’ultraviolet vers 1 850 Å et dans l’infrarouge entre 1 623 cm–1 (éthylène) et 1 680 cm–1 (éthylènes tétrasubstitués).

Les points d’ébullition des alcènes sont voisins de ceux des alcanes de même squelette. L’état solide est tout à fait exceptionnel à la température ambiante.

La densité et l’indice de réfraction sont un peu plus élevés que chez les alcanes. La solubilité dans l’eau est plus grande, quoique encore très faible. Par contre, à l’inverse des alcanes, les alcènes sont solubles dans SO2 liquide (il s’agit d’une addition réversible, parfois utilisée à la séparation d’un mélange alcanes-alcènes).


Propriétés chimiques

Le caractère essentiel des alcènes est la non-saturation. L’éthylène ne donne jamais lieu à substitution avant la disparition de la liaison double. C’est moins absolu pour ses homologues, mais, en aucun cas, la substitution ne porte sur les carbones éthyléniques.

Par exemple, à 600 °C :

La liaison éthylénique peut subir de nombreuses additions ; la plus simple est l’hydrogénation en alcane ; elle ne peut guère être réalisée que par voie catalytique (Ni, Pt). Le chlore et le brome s’additionnent aisément, mais l’iode difficilement :

Certains oxydants, KMnO4 dilué, OsO4 + H2O2, CF3—CO3H, conduisent à des α-glycols :

Pour toutes ces additions symétriques, la question du sens de l’addition sur un alcène symétrique ne se pose qu’au point de vue stéréochimique. On dit qu’il y a trans-addition du brome, ce qui s’exprime ainsi :

Mais l’addition de 2 OH au permanganate est une cisaddition.

Par contre, les alcènes subissent des additions dissymétriques obéissant à la règle de Markovnikov : le radical le plus négatif (le nucléophile) se fixe sur le carbone le plus substitué :

Les oxacides s’additionnent de deux façons ; avec H2SO4 concentré, on a surtout

L’hydroxyle régénère H2SO4, et l’alcool R—CHOH—CH3.

Les acides hypohalogéneux se comportent différemment :

L’oxydation permanganique poussée rompt la molécule en acides ou en cétones :

L’ozone s’additionne en un ozonide (explosif), dont l’hydrolyse conduit à des aldéhydes ou à des cétones :

Ces dégradations permettent de localiser la double liaison dans le squelette de l’alcène.

Les acides et les alcalis très forts provoquent la « migration » de la double liaison, le plus souvent vers l’intérieur de la chaîne :

L’une des propriétés les plus intéressantes des alcènes est leur polymérisation indéfinie, catalysée par les acides, le sodium, l’éthyl-aluminium ; dans le cas de l’éthylène, on aboutit à une chaîne très longue appelée polythène :

Le polythène est un verre organique très inerte ; les hauts polymères d’autres alcènes constituent des fibres synthétiques ou des résines et parfois des élastomères.

C. P.

 S. Patai (sous la dir. de), Chemistry of Alkenes (New York, 1964).

alchimie

Art de la transmutation des métaux. Considérée de façon sommaire, elle est l’art caché des « faiseurs d’or » du Moyen Âge. Son but fut d’assurer à ses adeptes richesse, santé et pouvoir sur la nature ; cela par la possession de la « pierre philosophale », capable, aux dires des alchimistes, de changer en argent ou même en or les métaux les plus vils, de guérir, panacée, toutes les maladies et d’assurer à son possesseur une vie presque éternelle et des vertus surnaturelles.


L’alchimie fut sans doute pratiquée en Chine, en Inde, plusieurs dizaines de siècles avant notre ère, mais c’est à Alexandrie que naquit cette alchimie qui devait plus tard, par l’intermédiaire des Arabes, se propager en Occident et y connaître, du xiiie au xvie s., son plus grand développement. L’époque de la Renaissance vit son déclin, en même temps que l’essor de la chimie proprement dite.

Les alchimistes ont sans doute beaucoup peiné sur leurs fourneaux dans le secret de leurs officines, mais ils ont aussi beaucoup écrit pour relater leurs essais ; bien qu’un certain nombre de leurs livres aient été détruits à diverses époques sur ordre des autorités civiles ou religieuses, beaucoup de grimoires d’alchimie sont parvenus jusqu’à nous. Ces écrits sont souvent apocryphes, faussement attribués par leurs auteurs à des dieux de la mythologie (Hermès) ou à des personnages célèbres, cela pour accroître leur autorité et pour éviter des persécutions à leurs véritables auteurs. Dans ces livres sont d’abord dessinés et décrits les appareils en usage : fourneaux, cornues, alambics, etc. On y trouve ensuite exposés, d’une manière allégorique accessible aux seuls adeptes et qui fait souvent un large usage de symboles et de signes conventionnels, les procédés préconisés par l’auteur pour l’obtention, généralement fort longue et compliquée, de la pierre philosophale ; on y rencontre enfin les éléments des théories alchimistes, les propositions premières qui servaient aux alchimistes de point de départ et de guide pour leurs recherches pratiques. Ces théories affirment que la matière est une, mais multiforme, tous les corps des trois règnes étant issus de ses multiples combinaisons ; les quatre éléments des Anciens (terre, eau, air, feu) en désignent les différents états. Deux principes cependant entrent dans sa constitution, symbolisés l’un par le soufre, principe actif, masculin, l’autre par le mercure, passif et féminin. Les métaux alors connus (fer, plomb, cuivre...) sont associés chacun à une planète (car les alchimistes croyaient que leurs opérations étaient soumises aux influences astrales) ; l’or est associé au Soleil et l’argent à la Lune. Tous ces métaux sont vivants, au même titre que les animaux et les plantes, et évoluent lentement, dans le sein de la terre, de l’état imparfait de métal altérable à l’état parfait, argent ou or, de métal inaltérable ; la pierre philosophale est le ferment qui accélère cette évolution et qui doit permettre à l’alchimiste de réaliser le « grand œuvre », c’est-à-dire la transmutation des métaux en or.

Les théories aberrantes de l’alchimie ont empêché ses adeptes de faire progresser la chimie, cela malgré des observations pertinentes portant sur les propriétés des corps ; malgré aussi quelques découvertes, comme celle de l’antimoine, et malgré le perfectionnement de certaines techniques, comme la distillation.

R. D.