contrebassistes de jazz (suite)
À la fin des années 30, Jimmy Blanton apparaît dans l’orchestre d’Ellington comme le révolutionnaire de la basse : avec lui, l’instrument ajoute à son rôle harmonico-rythmique une fonction mélodique. Rares seront ensuite les bassistes qui échapperont à son influence. Ray Brown et Oscar Pettiford (1922-1960), ses plus remarquables disciples, développeront son style en insistant sur la sûreté harmonique et l’importance du volume sonore. Avec l’apparition du bop, la basse se maintient au premier plan de l’orchestre : c’est elle qui assure la pulsation fondamentale. Parmi les plus remarquables instrumentistes : Paul Chambers (1935-1969), que l’on entendra surtout auprès de Miles Davis, George Duvivier, Nelson Boyd, Percy Heath, Al McKibbon, Milt Hinton (venu des orchestres « swing », il s’adaptera sans peine à l’univers « bop »), Charlie Mingus, les frères Red et Whitey Mitchell, Tommy Potter, Eddie Safranski, Chubby Jackson, Wilbur Ware. L’apparition d’un virtuose comme Scott La Faro et du jazz « free » ainsi que l’utilisation (notamment par les musiciens pop) de la basse électrique vont confirmer et accélérer l’émancipation des bassistes ; ils sont désormais des musiciens et des solistes (improvisateurs) à part entière, à l’exemple de Gary Peacock, Charlie Haden, Richard Davis, Chuck Israels, Steve Swallow, Barre Phillips, Henry Grimes, Jimmy Garrison, Alan Silva, Miroslav Vitous.
Quelques contrebassistes de jazz
Jimmy Blanton
(Saint Louis, Missouri, 1921 - Californie 1942). Au sein de l’orchestre de Duke Ellington de 1939 à 1941, il fut l’un des principaux responsables d’une modernisation, surtout rythmique, de l’univers ellingtonien. Mais son rôle essentiel se situe au niveau instrumental : avec lui, la basse n’est plus seulement accompagnatrice ; solos à l’archet ou pizzicato, invention mélodique comparable à celle des autres improvisateurs, travail sur la sonorité et augmentation du volume sonore : ces divers éléments de son jeu, conjugués à une exceptionnelle virtuosité, font de Blanton le premier révolutionnaire de la basse et l’inspirateur de tous les bassistes modernes, voire « free ».
Enregistrements (avec Ellington) : Jack the Bear (1940), Pitter Panther Patter (1940), Mr. J. B. Blues (1940), Body and Soul (1940), Across the Track Blues (1940).
Scott La Faro
(Newark, New Jersey, 1936 - Geneva, État de New York, 1961). Il a d’abord parcouru tous les secteurs du jazz des années 50. C’est aux côtés du pianiste Bill Evans, du saxophoniste Stan Getz et en participant à quelques expériences d’avant-garde (l’enregistrement de Free Jazz pour double quartette d’Ornette Coleman) qu’il indiquera à tous les bassistes une direction nouvelle. Une sonorité volumineuse, une extraordinaire vélocité et des audaces mélodiques et harmoniques jusqu’alors inouïes lui ont permis de réaliser une émancipation définitive de la basse. Après lui, tous les bassistes modernes, « free » et non « free », peuvent être considérés comme des musiciens à part entière, libérés du ghetto traditionnel de la « section rythmique ».
Enregistrements : Autumn Leaves (avec Bill Evans, 1959), Free Jazz (avec Ornette Coleman, 1961).
Raymond Matthews, dit « Ray » Brown
(Pittsburgh 1926). Il est engagé par Dizzy Gillespie en 1945. Il devient ensuite l’accompagnateur — et le mari — d’Ella Fitzgerald. Membre du trio du pianiste Oscar Peterson jusqu’en 1965, il s’installe en Californie, où il s’impose comme l’un des musiciens les plus sollicités dans les studios d’enregistrement. Un des plus remarquables disciples, avec Oscar Pettiford, de Jimmy Blanton. Recherché surtout pour ses qualités d’accompagnateur, il est également capable d’improviser des solos mélodiquement très complexes.
Enregistrements : One Bass Hit No 2 (avec Dizzy Gillespie, 1946), Gipsy in my Soul (avec Oscar Peterson, 1956), Thumbstrings (1962), You look good to me (avec Oscar Peterson, 1964).
P. C.