Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

conflit collectif du travail (suite)

Dans les pays communistes, le droit de grève n’est pas reconnu. Certains pays interdisent les grèves de fonctionnaires : Allemagne, Suisse et États-Unis notamment. En France — où, d’une manière générale, l’arrêt Dehaene (Conseil d’État, 1950) a reconnu le droit de grève aux fonctionnaires —, certains d’entre eux en ont été privés par le législateur : police (1948), C.R.S. (1947), services extérieurs des personnels pénitentiaires (1948), officiers contrôleurs et électroniciens de la navigation aérienne (1964) et services de télécommunications du ministère de l’Intérieur.

La grève politique est interdite dans divers pays, comme en Allemagne (sauf en cas de résistance à un gouvernement anticonstitutionnel), en Italie (sauf s’il s’agit de faire pression sur le législateur pour obtenir une amélioration des textes relatifs aux conditions de travail) et en France, où la jurisprudence considère que la seule participation à une grève politique constitue une faute lourde (toutefois, la Cour de cassation a admis en 1961 l’arrêt de travail décidé pour soutenir le gouvernement).

Une arme classique contre la grève paraît s’être émoussée au cours des dernières années, en France du moins : la réquisition, qui consiste à « requérir » au service de la nation certains citoyens lorsque l’intérêt supérieur du pays l’exige. En France, la réquisition doit être prononcée par un décret pris en Conseil des ministres en s’appuyant sur la loi du 13 juillet 1938, l’ordonnance du 7 janvier 1959 et la loi du 21 juillet 1962 ; elle est suivie d’un arrêté ministériel et d’ordres de réquisition individuels ou collectifs. La désobéissance aux ordres de réquisition est sanctionnée pénalement, notamment par un emprisonnement d’un mois à un an ; il est vrai qu’une désobéissance collective, comme celle des mineurs en 1963, n’est pratiquement suivie d’aucune sanction.

Devant l’impossibilité d’interdire ou de limiter la grève, les pouvoirs publics se sont parfois efforcés de la réglementer. Deux solutions ont tout particulièrement été envisagées : l’institution d’un préavis et le vote préalable des travailleurs.

L’institution d’un préavis a un double effet : enlever à la grève les conséquences souvent efficaces de la soudaineté et inciter l’employeur à la négociation. En Suède, en Norvège, au Danemark, en Belgique et en Angleterre, un préavis de grève est exigé en vue de permettre l’intervention d’une négociation. Ni l’Italie, ni l’Allemagne, ni les Pays-Bas, ni le Luxembourg n’ont institué de préavis. La France l’a fait en 1963 pour les fonctionnaires, les agents salariés de services publics (cinq jours francs).

Le vote préalable des travailleurs peut isoler les activistes de la masse ouvrière, mais peut, en sens contraire, imposer à une forte minorité désirant poursuivre le travail la volonté d’une faible majorité de grévistes volontaires. Et d’ailleurs comment organiser le respect de la volonté de la majorité ? Le gouvernement britannique l’a cependant tenté en 1971, tout en essayant de rendre les dirigeants des trade-unions responsables des « grèves sauvages ».


La conciliation et l’arbitrage

Il est donc paru plus rationnel de prévenir la grève que de la réglementer.

En France, le législateur avait institué en 1892 une procédure facultative de conciliation des conflits collectifs du travail autour du juge de paix. Mais, peu efficace et rejetée par les diverses parties en cause, elle tomba assez vite en désuétude. En 1936, la victoire électorale du Front populaire permit d’instituer un système obligatoire de conciliation et d’arbitrage* dans l’industrie et le commerce, comportant une Cour supérieure d’arbitrage dont la jurisprudence joua un rôle important. Sur 12 939 conflits soumis aux préfets au cours des deux années 1937 et 1938, 12 477 furent réglés. Intervenant en pleine guerre et sous l’occupation ennemie, les dispositions de la charte du travail du gouvernement de Vichy — d’ailleurs jamais explicitées — n’eurent pas de suite, et, après la Libération, aucun gouvernement n’osa rétablir des procédures obligatoires. La loi du 11 février 1950 institua une procédure de conciliation et une procédure d’arbitrage, dont les résultats ont été insignifiants.

Pour une moyenne, entre 1950 et 1974, de quelque 3 500 conflits par année, 85 d’entre eux seulement ont fait l’objet d’une procédure réglementaire de conciliation avec 70 p. 100 d’échecs. Quant à l’arbitrage, un conflit a été réglé par cette procédure en 1971, deux seulement l’année suivante.

Dans certains pays étrangers, les procédures de conciliation mises sur pied paraissent avoir — pendant un temps au moins — donné des résultats intéressants. En Suède, le territoire est divisé en huit districts, dans chacun desquels un fonctionnaire assisté de collaborateurs permanents a pour rôle de concilier les parties pendant les sept jours séparant le préavis de grève du déclenchement de celle-ci. Un bureau de conciliation national coordonne les diverses activités des conciliateurs de districts. Jusqu’en 1968, ce système fonctionna d’autant mieux que les syndicats y étaient puissants (80 p. 100 de syndiqués chez les travailleurs). Depuis lors, quelques grèves sauvages ont permis d’en discuter la valeur réelle pour résoudre les conflits collectifs du travail.

Un service de conciliation fonctionne au ministère du Travail britannique ; dans tout le pays, des fonctionnaires spécialisés dans les relations professionnelles sont à la disposition des parties. Les conventions collectives prévoient souvent l’intervention d’un tribunal industriel paritaire.

En Suisse, les conflits du travail sont rares, car un office fédéral de conciliation a quarante-cinq jours pour résoudre les litiges.


La médiation

Le médiateur ne tranche pas le conflit, mais recommande les bases d’un accord aux parties.

En France, le décret du 11 juin 1955 a prévu une procédure de médiation pour le règlement des différends concernant les salaires et les accessoires de la rémunération du travail qui surviennent — dans les professions soumises à la loi du 11 février 1950 — à l’occasion de l’établissement, de la révision ou du renouvellement des conventions collectives ou des accords de salaires. Il faut que l’une des parties en cause saisisse le président de la commission de conciliation pour lui faire part de la désignation d’un médiateur par les parties en cause ou lui demander de faire nommer (par le préfet ou le ministre suivant la nature locale ou nationale du différend) un médiateur, choisi « en raison de son autorité morale et de sa compétence économique et sociale » ou dans un des grands corps d’État. Le médiateur fait une tentative de conciliation et, en cas d’échec, soumet aux parties des « recommandations motivées » qui peuvent être rendues publiques.