Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Confédération germanique (suite)

L’examen des problèmes de nationalité révèle des tendances opposées. Assez vite, un certain nationalisme allemand, voire pangermaniste, s’affirme contre les avocats d’une politique « nationalitaire ». C’est l’affaire du Schleswig-Holstein ou des duchés qui, enfiévrant l’Allemagne, pèse fortement dans ce sens. Frédéric VII, en effet, ayant incorporé à la monarchie danoise le « Slesvig », de population en majorité danoise, mais historiquement lié au Holstein, quelques notabilités du pays lancent l’appel de Kiel (mars 1848), pour un gouvernement provisoire dans les duchés, qui permettrait de rejoindre les « mouvements de l’Allemagne vers l’unité et la liberté ». Sollicitée, l’Assemblée de Francfort décide une « exécution fédérale », car c’est là « une affaire concernant la nation allemande » (juin). Guerre dangereuse, puisque l’Europe, garante du statu quo, intervient. Dahlmann a beau supplier, avertir ses concitoyens qu’un recul sur ce point ruinerait son entreprise entière. À l’exemple de la Prusse, acceptant un armistice, la Diète s’incline (sept.), prouvant ainsi son incapacité d’empêcher tout État allemand particulier de mener la politique étrangère qui lui convient. C’est un premier fiasco.

Sur le plan intérieur, le Parlement de Francfort finit par adopter la formule d’une « Petite Allemagne » homogène, nationale, excluant par là même l’Autriche ; mais Frédéric-Guillaume IV refuse la couronne impériale (28 avr. 1849) : second fiasco, plus grave encore que le premier.

Dès lors, l’Assemblée de Francfort n’étant plus, par suite du départ de la majorité de ses membres, qu’un Parlement croupion (mai 1849), l’hypothèse d’une Constitution nouvelle s’évanouit, et l’on retourne à la Confédération germanique, à travers une crise longue et confuse dans ses épisodes, mais dominée par l’opposition de l’Autriche et de la Prusse, désormais affrontées pour la prépondérance.

Le vicaire d’Empire s’efface (définitivement en décembre 1849). La Prusse s’obstine à soutenir un plan de « Petite Allemagne », que l’alliance d’Erfurt ou des quatre rois semble lui promettre en mai 1849, mais que l’Autriche torpille en février 1850, en réalisant à son tour l’union des quatre rois sur un programme conservateur. Le conflit, très aigu lors de l’intervention des Autrichiens à Kassel, se dénoue lors de la rencontre d’Otto Theodor von Manteuffel (1805-1882) et de Schwarzenberg : c’est la « reculade d’Olmütz » (29 nov. 1850) — reculade de la Prusse, qui abandonne ses projets. La Diète reprend ses séances dans la forme traditionnelle, en mai 1851.


Le déclin

L’ambition de la politique prussienne s’affirme désormais. Aussi, le dualisme, qui subsiste officiellement, est-il d’une application de plus en plus délicate et difficile, qu’il s’agisse des rapports commerciaux, gênés par une véritable rivalité (v. Zollverein), ou des rapports plus politiques.

En 1859, lorsque la guerre éclate entre l’Autriche et la France, le gouvernement prussien hésite à se porter au secours de son confédéré et prétendrait au commandement militaire en cas d’intervention ; la paix brusquée survenue à Villafranca épargne peut-être aux Allemands le spectacle de l’impuissance et de la discorde. Mais, en contrecoup immédiat de la défaite autrichienne, unitaires et fédéralistes s’affrontent. Les premiers, dans la ligne de la « Petite Allemagne » et de la direction prussienne, poursuivent leur propagande au moyen d’une association nationale (Nationalverein) créée en août 1859. D’après leur manifeste, de « grands dangers » menacent « l’indépendance de notre patrie allemande » et ne peuvent être écartés que par une rapide transformation de la Constitution — le « remplacement de la Diète germanique par un gouvernement central de l’Allemagne solide, fort et permanent ». Les seconds appuient une association réformiste (Reformverein) qui prône « un exécutif et une représentation nationaux » mais « seulement sur la base de la Constitution fédérale existante et par le moyen d’accords négociés ».

La Prusse et la Hesse-Darmstadt constituent les foyers principaux de la propagande du Nationalverein, et l’arrivée au pouvoir de Bismarck (sept. 1862) donne une intensité nouvelle à la lutte. Dès 1861, Bismarck a recommandé dans son mémorandum de Baden le recours à une Assemblée nationale, émanée des assemblées existantes, pour élaborer une nouvelle confédération, et il reprendra, avec des variantes, ce principe explosif jusqu’en 1866.

Mais, entre la Prusse « du mouvement » et l’Autriche « de la résistance », les États moyens cherchent une solution constitutionnelle qui assure et grandisse leur importance, et ce chapitre de l’histoire allemande apparaît comme le plus démonstratif de la complexité du monde germanique. Le Bavarois Ludwig von der Pfordten (1811-1880), par exemple, estime que la Constitution fédérale, celle de 1815, peut fonctionner de manière satisfaisante, si Bavière, Wurtemberg et Saxe réalisent une véritable entente — la « triade ». En fait, il n’y a pas de triade : Friedrich Ferdinand von Beust (1809-1886), en 1861, propose un plan de réforme au nom de la Saxe, mais la Bavière l’écarte. Qui l’emportera ?

En 1862-63, la balance penche en faveur de l’Autriche : les « notes identiques » remises à la Prusse par l’Autriche, la Bavière, le Wurtemberg, le Hanovre, la Saxe, la Hesse-Darmstadt et le grand-duché de Nassau dessinent une Allemagne fédérale fidèle à l’Acte de 1815 et placée sous la présidence, désormais efficace, de l’Autriche (févr. 1862) : même non suivies d’application, elles semblent condamner toute entreprise inspirée par le souci unitaire. C’est également le moment d’une crise du Zollverein ainsi que celui d’une réunion de souverains (Fürstentag), à laquelle ne manque que Guillaume Ier (août 1863).

Voilà donc la Prusse isolée. Mais l’Autriche échoue en arrivant au port, car les États moyens ne se soucient pas de faciliter sa domination, particulièrement par le droit de mobiliser l’armée fédérale. Bismarck exploite rapidement la déception de Vienne : il propose et fait accepter en janvier 1864 un replâtrage du dualisme en vue du règlement de la question toujours ouverte, celle des duchés. Laissant de côté la Confédération, Prussiens et Autrichiens interviennent et occupent le Lauenburg, le Holstein et le Schleswig. Cette complicité dans la conquête ressoudera-t-elle l’entente ou préfacera-t-elle une dispute ? L’Autriche n’a pas d’intérêt immédiat dans les duchés, tandis que la Prusse entend garder au moins Kiel. Ne serait-ce que pour cette raison, la tension renaît vite. Sur un plan plus général, l’intervention austro-prussienne crée un grand désarroi dans beaucoup d’esprits : elle refroidit les sympathies, la veille très fortes, dont l’Autriche jouissait en Allemagne (sauf en Bade) et, d’un autre côté, elle convertit, par son succès, nombre de libéraux au primat des objectifs nationaux, symbolisé par la réunion du Lauenburg et du Holstein à la Prusse.