Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

concentration (suite)

Par apport partiel d’actif, on entend différentes opérations caractérisées par le fait qu’il n’y a ni disparition juridique d’une société ni apport concomitant de passif ; c’est ainsi qu’une entreprise — tout en poursuivant son activité — cède à une autre un élément de son actif industriel ou commercial (usine, département d’une usine, immeuble, etc.) et reçoit en échange des actions nouvellement créées par la société acheteuse.

La fusion-scission offre un certain nombre de similitudes avec l’opération précédente ; la société cédante se dissout et fait apport de ses différents biens actifs et passifs à un certain nombre d’entreprises ; elle disparaît sur le plan juridique ; les personnes physiques ou morales qui disposaient d’actions ou parts de cette société cédante reçoivent en contrepartie des actions nouvellement émises par les différentes sociétés qui ont acquis ses biens.

On entend par opération de « concentration de type horizontal » la réunion d’entreprises qui participent à un même stade de production.

La « concentration de type vertical » traduit un groupement d’entreprises dont les activités appartiennent à un même processus de production, mais de stades différents. Pour l’entreprise absorbante, l’opération peut être orientée vers l’aval ou vers l’amont de sa production principale. Cette opération a pour but essentiel de s’assurer l’approvisionnement en matières premières ou le contrôle des débouchés.

La « concentration de type congloméral » constitue une forme plus récente, assez caractéristique de l’économie américaine (depuis 1967, 90 p. 100 des concentrations y sont le fait de conglomérats). Le conglomérat résulte bien souvent d’une politique de diversification de l’entreprise absorbante, qui intègre à ses activités originelles de nouvelles fabrications ou activités absolument indépendantes des premières. Aux États-Unis, ce souci de la diversification — consistant à réunir des firmes prospères et dans des secteurs d’activité très différents — est une conséquence assez directe de la loi antitrust, qui interdit les concentrations horizontales ou verticales au-delà d’un certain seuil, apprécié par le législateur ou le juge. Dès lors, les entreprises désireuses d’accroître leur potentiel industriel prennent un biais pour tourner la loi : à défaut de pouvoir absorber un concurrent, une firme se lance dans l’achat d’une entreprise à activité totalement différente de la sienne, ce qui donne naissance à un conglomérat, comme cela a été le cas pour Litton Industries ou Textron, connu pour la fabrication des hélicoptères Bell et aussi pour d’autres productions très nombreuses comme les stylos Shaeffer, les bracelets-montres Speidel, les agrafeuses Bostitch, les roulements à bille Fafnir, l’argenterie Gorham, etc.

Cette diversification des activités permet d’atténuer les effets des fluctuations cycliques.


Les modalités de concentration moins achevées

Cependant, la réalité contemporaine montre qu’il existe des formes moins achevées de concentration. En effet, à partir du moment où des firmes sont décidées ou contraintes à coopérer, on peut trouver d’autres formules du type association en participation, groupements de coopératives, constitution de sociétés conventionnées, etc.

Il peut également y avoir échange d’administrateurs entre deux sociétés, création de filiales communes ou prises de participation croisées. L’accord intervenu en 1966 entre Rhône-Poulenc (groupe français) et Phillips Petroleum (groupe américain) en matière de fabrication de polyéthylène basse pression constitue un exemple type. Tandis que Rhône-Poulenc cède à Phillips Petroleum 40 p. 100 des actions de son usine de Manolène (basse Seine), le groupement américain cède à Rhône-Poulenc une participation de 40 p. 100 dans son usine en construction à Anvers.


Le développement historique de la concentration en France

C’est au début du xixe s. que l’on fait remonter les premiers regroupements d’entreprises. En effet, le développement des chemins de fer a favorisé un regroupement géographique des ateliers. Certes, il s’agit plus d’associations familiales que de phénomènes de concentration au sens strict. Cependant, on assiste à un rassemblement d’établissements géographiquement distincts. L’objectif de tels groupements repose sur la volonté de réorganiser la production. L’industrie métallurgique a offert des exemples où ces groupements ont mis un terme à de coûteuses luttes pour accéder aux matières premières et accroître les débouchés sur les marchés mondiaux. Ces réorganisations favorisaient le fonctionnement des usines les mieux placées, la modernisation des installations, l’accroissement de la production. Le règne de Charles X et la monarchie de Juillet favorisent ainsi la naissance de la grande entreprise, qui s’inscrit dans le cadre de la révolution industrielle. Comme l’a noté Jacques Houssiaux, le développement du réseau ferroviaire a eu un double effet : il a mis en rapport des régions qui s’ignoraient ; il a nécessité une production métallurgique accrue, laquelle a favorisé la formation de grandes unités dans la métallurgie, les mines et les industries de première transformation des métaux. Un phénomène similaire a été observé en Grande-Bretagne. Tout ce mouvement prépare les transformations industrielles qui, dans les années suivantes, permettront l’accélération de la tendance. Cependant, la France n’a pas connu, vers la fin du xixe s. et au lendemain de la Première Guerre mondiale, un mouvement de concentration analogue à celui qui a été observé aux États-Unis ou dans d’autres pays européens. La concentration de la production a pu parfois être obtenue ; mais elle a surtout résulté d’une cartellisation de l’économie, d’un ensemble d’accords de spécialisation ou d’ententes de répartition couvrant la totalité ou une grande partie de la production d’une branche.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le mouvement de concentration s’est accéléré sous l’empire d’un certain nombre de facteurs contingents. Les destructions opérées par le premier conflit mondial ont facilité la réorganisation de l’économie nationale, le versement aux firmes détruites de dommages de guerre permettant la constitution de nouvelles firmes plus concentrées, qui bénéficiaient d’équipements neufs. La grande dépression des années 1930 allait également favoriser la réorganisation des structures de production des secteurs en déclin. Soucieuses d’assurer leur survie, les entreprises ont pris les mesures qui s’imposaient. L’effort de réorganisation, qui portait aussi bien sur la production que sur la distribution, aboutissait, par ailleurs, à un contrôle accru du marché. La volonté de contrôler des marchés a expliqué corrélativement un certain nombre d’opérations de concentration à caractère horizontal, faisant naître des structures d’oligopole. Dans de nombreux secteurs, la fusion a été utilisée comme un procédé nécessaire de développement, quand celui-ci devait être rapide. Des réactions en chaîne ont été observées : certaines firmes, craignant de perdre une indépendance chèrement acquise, réalisaient des absorptions de défense. Après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’en 1950, la concentration s’est beaucoup ralentie : les menaces de nationalisation donnent une explication psychologique, tant il apparaissait évident que toute mesure de cet ordre pouvait être facilitée par l’existence d’oligopoles ou de monopoles sectoriels. Par la suite, après 1950, le mouvement de concentration a atteint en France un niveau beaucoup plus élevé que par le passé. Cependant, il n’a jamais atteint l’importance du mouvement qui s’est opéré en Grande-Bretagne ou aux États-Unis pendant la même période. Enfin, les concentrations ont été le fait de toutes les catégories d’entreprises : les statistiques du ministère des Finances relèvent en moyenne entre 800 et 1 200 opérations de concentration chaque année.