Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Comores (les)

Archipel situé dans la partie septentrionale du canal de Mozambique.



La géographie

D’origine volcanique, l’archipel comprend quatre îles principales : la Grande Comore (1 148 km2) au nord-ouest, Mohéli (290 km2), Anjouan (424 km2), enfin Mayotte (374 km2) au sud-est. La Grande Comore est la seule à posséder un volcanisme actif : le volcan Karthala (2 361 m), dont la caldeira sommitale est l’une des plus belles du monde, constitue la partie centrale de l’île, tandis que le Nord est formé par les centaines de cônes stromboliens et leurs coulées du massif de la Grille. Les trois autres îles sont d’anciens édifices volcaniques démantelés par l’érosion, en particulier Mayotte, aux rivages élevés et découpés, entièrement ceinturée par un récif-barrière qui individualise un large lagon (les trois autres îles ont seulement des récifs frangeants).

La situation des Comores, de part et d’autre du 12e parallèle, leur donne un climat chaud (température moyenne annuelle : 26,1 °C ; mois le plus chaud, décembre : 27,7 °C à Dzaoudzi [Mayotte]) et de faibles amplitudes thermiques. Protégé de l’alizé par Madagascar, l’archipel est baigné en saison chaude par les vents humides de nord-ouest (mousson), la plus grande partie des précipitations se produisant de décembre à mars. Dans une même île, la pluviosité varie considérablement selon l’exposition et l’altitude : à la Grande Comore, Moroni, la capitale de l’archipel, située au niveau de la mer, reçoit 2,8 m ; Boboni, à 650 m d’altitude, 5,4 m ; Fomboni, sous le vent de la mousson, seulement 1,5 m. Périodiquement, l’archipel est dévasté par des cyclones (ainsi Mayotte en 1953 et la Grande Comore en 1959).

La végétation primaire forestière a disparu à peu près partout du fait de la surpopulation. La grande forêt ne demeure que sur les hautes pentes du Karthala, dans l’ouest de Mohéli et en étroits lambeaux résiduels à Anjouan.

Actuellement voisine de 275 000 habitants, la population, selon le recensement de 1966, se répartissait par île de la manière suivante : Grande Comore, 118 000 habitants (densité 103 hab. au km2) ; Anjouan, 83 000 habitants (densité 196 hab. au km2) ; Mayotte, 32 500 habitants (densité 87 hab.) ; Mohéli, 10 000 habitants (densité 35 hab.).

La densité moyenne pour l’ensemble de l’archipel avoisine 130 habitants au kilomètre carré. La surpopulation, particulièrement à la Grande Comore et à Mayotte, est évidente si l’on tient compte du fait qu’une partie importante de la surface de ces îles est incultivable. À la Grande Comore, par exemple, seules les basses pentes sont peuplées, et encore seulement en dehors des coulées récentes, incultivables, qui vont jusqu’à la mer. À Anjouan, 40 p. 100 de la surface de l’île est incultivable. Cette population s’accroît très vite depuis de longues années (entre 3 et 3,6 p. 100 par an actuellement). La conséquence en a été une importante émigration vers Madagascar (en 1962, 40 000 Comoriens vivaient dans le nord-ouest et le nord de Madagascar) et à Zanzibar (environ 30 000).

L’agriculture vivrière, sur des parcelles exiguës, est fondée sur le riz de montagne, le manioc, le maïs, la patate, le bananier, le cocotier et l’ambrevade. L’élevage bovin est peu développé (10 000 têtes pour l’ensemble de l’archipel) ; par contre, il existe beaucoup de chèvres, nourries généralement à l’attache. Les ressources de la pêche sont également insuffisantes, les fonds, même dans le lagon de Mayotte, étant peu poissonneux. Aussi, les Comores doivent-elles importer annuellement entre 6 000 et 7 000 t de riz.

En l’absence de ressources minières et d’industries, l’économie est fondée essentiellement sur les cultures d’exportation : vanille, plantes à parfum, sisal, coprah, girofle, cacao, café, poivre. Si la vanille est produite en majorité par de petits planteurs, l’ylang-ylang, le jasmin, le sisal (en régression) sont fournis par de grandes sociétés.

R. B.


L’histoire

Sur l’histoire des quatre îles antérieurement au xvie s., nos connaissances sont des plus incertaines. Les trouvailles archéologiques du site de Sima sembleraient toutefois indiquer que l’île d’Anjouan était habitée dès le ve s. de l’ère chrétienne par une population que l’on croit apparentée aux Protomalgaches. Les relations des anciens voyageurs grecs ou arabes ne contiennent aucune référence précise à l’archipel.

Au début du xvie s., celui-ci reçoit la visite de navigateurs portugais qui s’y établissent un temps. Vers la même époque, il connaît une invasion de Persans originaires de Chīrāz, puis d’Arabes. C’est alors que l’islām aurait été introduit aux Comores. Aux xviie et xviiie s., Anjouan, pourvue d’un mouillage sûr et de ressources relativement abondantes, devient une escale assez fréquentée par les vaisseaux anglais, français et néerlandais qui se rendent en Inde par la route du canal de Mozambique.

Cette ère de prospérité est brutalement interrompue par les invasions que les Malgaches côtiers (Betsimisarakas) lancent sur l’archipel pendant une quarantaine d’années (approximativement de 1785 à 1820). Ces invasions, dont le but est la capture d’esclaves destinés à être revendus aux Mascareignes, font de grands ravages dans l’archipel. Dans les mêmes temps, les îles servent de repaire à des pirates européens chassés des Caraïbes ; Anjouan doit accueillir un contingent de déportés jacobins que Bonaparte a fait bannir de France (1802).

Au lendemain de ces invasions, le visage de l’archipel se trouve grandement modifié : les marines européennes que les sultans ont appelées à leur rescousse ne se désintéressent plus des affaires des Comores. Les deux plus petites îles demeurent aux mains d’aventuriers malgaches : à Mayotte, le roitelet sakalava Andriansouly a sans peine délogé le vieux sultan du Boina. Ramanetaka, le chef mérina, qui a conquis Mohéli, livre au sultan d’Anjouan une guerre sans merci.

L’acquisition de Mayotte par les Français (avr. 1841 ; annexion officielle 13 juin 1843), qui suit de peu leur installation à Nossi-Bé, marque le début de l’époque coloniale aux Comores : Andriansouly ne fait guère de difficultés pour céder une île où sa position est des plus précaires.

Cependant est rapidement abandonné le projet de faire de Mayotte un port militaire ou un important centre commercial : l’île va devenir une somnolente colonie sucrière.

Pour riposter à l’annexion française, les Anglais installent un consulat à Anjouan. L’expérience n’est guère concluante, et le deuxième consul, William Sunley, qui emploie près de six cents esclaves, est révoqué du Foreign Office en 1867.

Les Français ne sont pas plus heureux à Mohéli, où ils essaient en vain de placer la jeune reine Djombe Fatima sous leur influence. Celle-ci se tourne résolument vers le sultan de Zanzibar, à tel point que les navires français bombardent l’île à deux reprises (1867 et 1871), principalement pour défendre les intérêts du planteur Joseph Lambert.

C’est aussi l’influence de Zanzibar qui prédomine à la Grande Comore, où le sultan de Bombao, Ahmed, dit Mougne M’Kou, est soutenu par la France contre ses voisins.

Après le percement du canal de Suez, l’Angleterre se désintéresse d’Anjouan. L’Administration française, effrayée par l’apparition d’un planteur allemand à la Grande Comore, établit son protectorat sur les trois îles de Mohéli, d’Anjouan et de la Grande Comore en 1886.

Le fait le plus marquant de cette période est le conflit entre le planteur français Léon Humblot et le dernier sultan de la Grande Comore, Saïd Ali, qui, bien qu’exilé en 1891, finit par avoir gain de cause dans les premières années du xxe s.