Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

Commynes (Philippe de) (suite)

Les charmes d’un style

L’écrivain est-il à la hauteur de l’historien ? Commynes met au service de ses idées une langue et un style qui séduiront Montaigne et Mme de Sévigné. Un relatif manque de clarté, parfois, est compensé par la saveur de sa plume. La composition est aisée. La phrase est tour à tour grave, faussement naïve, souvent nuancée d’ironie et de malice, d’ordinaire sur le ton du libre propos. L’auteur a le goût de la maxime, et de la maxime pénétrante : « Quand un grand homme a perdu tout le sien, il ennuie le plus souvent à ceux qui le soutiennent » ; « Les princes aiment plus naturellement ceux qui leur sont tenus qu’ils ne font à ceux à qui ils sont tenus. » Mais peut-être un des plus remarquables attraits de Commynes est la fraîcheur de la vision : ses portraits sont saisissants, et l’on sent bien en lui le témoin lucide et spontané des événements qu’il rapporte.

A. M.-B.

 G. Charlier, Commynes (Renaissance du livre, Bruxelles, 1948). / A. Prucher, I « Mémoires » di Philippe de Commynes e l’Italia del Quattrocento (Florence, 1957). / J. Dufournet, la Destruction des mythes dans les « Mémoires » de Philippe de Commynes (Droz, Genève, 1967) ; la Vie de Philippe de Commynes (SEDES, 1969) ; Études sur Philippe de Commynes (Champion, 1975).

Comnènes (les)

Dynastie byzantine des xie et xiie s.


Le premier empereur sorti de la grande famille des Comnènes est Isaac Ier, qui règne de 1057 à 1059. Mais le véritable fondateur de la dynastie est Alexis* Ier Comnène (1081-1118). Usurpateur d’un empire qui tombe en quenouille, il s’emploie énergiquement à redresser une situation gravement compromise. Pour remédier à la détresse de l’État, le souverain prend une série de mesures administratives et fiscales qui touchent durement le peuple. En politique extérieure, il passe presque tout son règne à repousser les « Barbares » : les Normands de Robert Guiscard (1081-1085), les Petchenègues, les Serbes et les Coumans (1081-1096).

Débarrassé de ces voisins dangereux, il voit poindre une autre menace : la première croisade* (1096-1099). Durant les dix dernières années de son règne, il organise de continuelles expéditions contre les Turcs, qui menacent le littoral de la mer Égée.


L’expansion de l’Empire

La promptitude de l’héritier d’Alexis, son fils Jean II Comnène (de 1118 à 1143), à s’emparer du pouvoir, que lui dispute sa sœur aînée, Anne Comnène, évite une révolution de palais. Jean II, dont le règne est très mal connu, est peut-être le plus grand des Comnènes. D’un caractère droit et viril, alliant à une judicieuse pondération une énergie inlassable, il poursuit avec opiniâtreté la politique de son père. Soucieux d’assurer l’indépendance commerciale de son État, il remet en cause le traité de 1082 ; mais Venise défend ses intérêts par les armes, et l’empereur, manquant d’une puissante flotte de guerre, est contraint de renouveler intégralement le traité en 1126.

Comme son père, il s’emploie à protéger les deux flancs de l’Empire. De 1119 à 1121, il lance des expéditions contre les musulmans en Paphlagonie et en direction de la Cilicie, mais des menaces sur la péninsule balkanique l’obligent à les interrompre. Aux Petchenègues, dont de nouvelles hordes ravagent la Thrace, Jean inflige en 1122 une défaite écrasante qui débarrasse définitivement l’Empire de ces Barbares. Il intervient ensuite contre les Serbes, qui entretenaient aux frontières occidentales une agitation permanente, et remporte sur eux une victoire décisive. Vers la même époque, la Hongrie, dont plusieurs prétendants se disputent la couronne, déclare la guerre à Byzance (1128) et enlève Belgrade, mais les armées impériales repoussent les envahisseurs au-delà du Danube et de la Save.

La sécurité des provinces européennes assurée, le basileus reporte son attention sur l’Orient, théâtre de rivalités incessantes entre les dynastes turcs indépendants. Une série de campagnes (1130-1135) lui permet de rétablir son autorité sur une bonne partie de l’Asie Mineure, mais l’objectif primordial reste la conquête de la Syrie franque : reconnue possession impériale par Bohémond en 1108, elle n’a jamais été rétrocédée par ses successeurs. Deux campagnes énergiques la font réintégrer le giron de l’Empire : en 1137, après avoir au préalable conquis le royaume arménien de Cilicie, le basileus débouche dans la plaine d’Antioche. Incapables de résister, les croisés se résignent à la soumission. L’année suivante, secondé par les barons francs, Jean récupère toute la région avoisinante et fait une entrée solennelle à Antioche, mais une émeute fomentée par les chefs latins le force à se retirer précipitamment.

Cependant, l’empereur poursuit inflexiblement son grand dessein. Après s’être assuré l’appui de l’Allemagne contre Roger II de Sicile, dont l’ambition inquiète les deux empires, et avoir terminé une campagne d’ailleurs inefficace contre l’émir de Mélitène, il met sur pied une puissante expédition dont l’objectif est la conquête définitive de la Syrie franque et peut-être même du royaume latin de Jérusalem. Mais cette expédition commence sous de mauvais auspices ; durant l’été 1142, l’empereur perd coup sur coup deux fils, Alexis, l’héritier de la couronne, et Andronic, son cadet. Mais ce double deuil n’interrompt pas sa marche vers le sud. L’année étant trop avancée pour entreprendre le siège d’Antioche, Jean s’en va hiverner près d’Anazarbe, en Cilicie. Blessé à la main par une flèche empoisonnée au cours d’une chasse au sanglier, il décède le 8 avril 1143, après avoir désigné pour successeur son fils benjamin, Manuel, qui l’accompagne dans la campagne.

Pour prévenir tous désordres et décourager d’éventuels ambitieux, Manuel Comnène (de 1143 à 1180) ne divulgue la mort de son père qu’après s’être assuré de la capitale. Le nouveau souverain, un colosse de vingt-cinq ans, se révélera guerrier courageux, parfois téméraire, et diplomate habile ; il portera le plus vif intérêt aux lettres et aux sciences, satisfera son goût du faste en organisant des fêtes éblouissantes et sa joie de vivre en introduisant à la Cour les mœurs occidentales.